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Une PME invente sa billettique high-tech

Innovation L’entreprise familiale Suma Transport, en région Paca, a lancé un système de billettique et de statistiques fait maison pour économiser dix fois le prix des dispositifs du marché. Du papier au logiciel sur mesure, retour sur une petite révolution.

Entourés de pins, les locaux de Suma Transport à Rognac (Bouches-du-Rhône) trônent au bord de la route nationale 113. À l’intérieur des bâtiments, au rez-de-chaussée, une dizaine de salariés partagent un grand open space, où se mêlent classeurs empilés, dossiers, notes et ordinateurs. Au mur, deux générations de la famille Villeton, qui a fondé la PME dans les années soixante-dix, observent les employés affairés depuis leurs cadres de bois.

Plus loin, dans un long couloir, des panneaux muraux couverts d’étiquettes colorées servent de planning aux chauffeurs. « On a gardé ce vieux système parce qu’il fonctionne plutôt bien », explique Guillaume Villeton, le fils de Guy Villeton, actuel patron de la PME autocariste. C’est dans cette entreprise imprégnée de tradition qu’une idée neuve et ambitieuse a vu le jour.

Un prix exorbitant pour avoir des statistiques

Tout commence en janvier dernier. Les autocars Suma, qui exploitent quelque 200 véhicules à Rognac et une trentaine dans un dépôt à Saint-Cannat (Bouches-du-Rhône), étoffent leur flotte de 30 véhicules basés à Pertuis (Vaucluse), en rachetant les autocars Rubans Bleus au groupe Transdev.

« Au départ, les marchés de Pertuis nous ont demandé d’équiper les véhicules d’un système de statistiques », explique Guillaume Villeton. Jusqu’alors, les chauffeurs remplissaient des souches à la main à bord de leur autobus, en interrogeant les clients un par un. Étudiant à la KEDGE Business School, il fait un stage de six mois à Suma durant lequel il en charge de l’informatique de l’entreprise. Le jeune homme de 21 ans demande des devis à deux sociétés de billettique, « une italienne, et une filiale de Thalès », se souvient-il.

« Il faut compter 5 000 euros environ pour chaque véhicule équipé de machines ERG [Enquête sur la rémunération globale, ndlr]! Sans compter les frais d’installation, le logiciel, l’entretien… Et si l’une des machines tombe en panne, il faut dépenser 4000 euros à chaque fois », s’étrangle le fils du dirigeant. « Ces systèmes sont hors de prix pour une petite structure qui dessert une ville avec 30 véhicules. » Malheureusement, il existe peu d’alternatives pour les PME qui désirent s’équiper de ce type de dispositif. « On transporte beaucoup de scolaires, on imaginait mal installer des tourniquets dans les marches du bus avec des élèves! Il existe aussi des capteurs, mais il y a beaucoup de bugs dessus », détaille Guillaume Villeton. « Le seul moyen réel d’avoir des statistiques exactes, c’est de demander à chaque client à quel arrêt il va », conclut-il.

L’idée à 500 euros

Ce que la pomme a été à Isaac Newton, le portefeuille de la PME le serait à Guillaume Villeton, toutes proportions gardées… « Je me suis dit: pourquoi ne pas mettre des téléphones à la place des machines ERG? Aujourd’hui, un téléphone Android permet de géolocaliser les arrêts et vaut à peu près 500 euros », explique-t-il. Il faut aussi compter le prix d’une coque de protection, d’un chargeur branché sur allume-cigare, et d’une petite imprimante carbone pour permettre au système d’assurer la billettique en plus de la statistique.

Même avec ces frais supplémentaires, « l’énorme avantage de ce système, c’est le prix », assure le jeune homme. Pour collecter les données de tout un réseau de transport depuis des téléphones portables, il fallait ensuite investir dans un outil de gestion. « Pour créer un logiciel de A à Z, il faut compter dans les 30 000 euros. » Une somme certes élevée, mais qui reste toutefois éloignée des 44 000 euros proposés par le devis le moins cher pour l’équipement de 10 véhicules en machines de billettique, sans compter la géolocalisation.

Naissance d’un logiciel

Bien décidé à concrétiser son idée, Guillaume Villeton fait appel, en avril, à une société de développement, Synexie. Trois mois plus tard, elle propose à Suma Transport un logiciel baptisé BusDroid. « Au début, j’avais peur que le logiciel ne fasse ancien et que les icônes soient dans le genre Windows 98, se souvient-il en souriant, mais finalement, il fait très moderne, dans le style Windows 7. »

Le fonctionnement est relativement simple. Chaque conducteur muni d’un portable, ici un Samsung, télécharge l’application BusDroid qui lui permet d’entrer les arrêts de départ et d’arrivée du voyageur qui monte à bord de son autobus (voir images). Grâce à un système de favoris, il dispose de raccourcis pour sélectionner les destinations les plus fréquentes et « perdre le moins de temps possible ». Le portable synchronise ensuite les données et les envoie au tableau de bord du logiciel, dit back office, consulté ensuite par la secrétaire Marina Gayral qui travaille dans les locaux de Pertuis.

« Un changement, c’est dur »

Seul hic: la prise en main de cet outil par les neuf conducteurs, équipés depuis juin dernier pour un test d’un an, et de Marina Gayral chargée de collecter les données à partir du logiciel pour le conseil général du Vaucluse.

Selon la secrétaire, « les conducteurs n’en sont pas vraiment satisfaits ». Entre la réactivité de l’application, parfois trop lente selon l’affluence, et des bugs qui surgissent au moment de la saisie, les conducteurs s’habituent péniblement. Sans compter que « pour certains, utiliser la nouvelle technologie demande un peu plus de temps », constate Marina Gayral. Sur une échelle de 1 à 10, la secrétaire des Rubans Bleus met toutefois la note de 7 au nouveau système. « Ça va se mettre en route doucement », explique l’un des chauffeurs équipés. « Pour le moment, avec les quelques soucis de l’application, on perd du temps, mais avec l’usage, on finira par en gagner », poursuit-il, avant de suggérer quelques modifications, comme celle de pouvoir cocher un nombre si plusieurs voyageurs montent à bord et s’arrêtent à la même destination, pour les scolaires par exemple.

De son côté, Guillaume Villeton reste confiant dans l’avenir: « À partir du moment où il y a un changement, c’est dur. »

Synexie, créée en 2003 et basée à Toulon, développe des logiciels, principalement dans le secteur du tourisme. « On avait déjà intégré les problématiques de transport dans des applications touristiques. Indirectement, nous avions déjà travaillé sur ce type de base de données. On était assez à l’aise », explique Serge Nicod, dirigeant de Synexie. « Avec l’entreprise Suma, c’était une ouverture vers les sociétés de transport », poursuit-il.

Pour l’application BusDroid, livrée en juin aux autocars Suma, un ingénieur de Synexie avait assuré la formation des salariés sur une journée. Une formation dont les retours ont été « plutôt positifs », selon Serge Nicod. « Il y a plus de travail sur le back office. Il faut montrer comment intégrer et mettre à jour les données pour répondre aux demandes des conseils généraux qui sont spécifiques », explique-t-il. « Pour le front office, l’application pour les chauffeurs, c’est beaucoup plus simple et très ergonomique. »

Synexie, déjà en contact avec d’autres transporteurs pour BusDroid, facture l’application standard à 15 000 euros, avec des frais supplémentaires pour les adaptations, qui coûtent « 3 000 ou 4 000 euros maximum », selon le dirigeant.

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Auteur

  • Capucine Moulas
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