Billettique européenne La conférence internationale Transport Ticketing Global 2015, dédiée aux solutions billettiques, s’est déroulée à Londres du 27 au 29 janvier 2015. Pour l’occasion, plusieurs acteurs européens du transport avaient fait le déplacement pour présenter leurs actions et leurs réflexions sur des solutions innovantes pour favoriser les transports en commun.
Comment la billettique peut-elle être un outil de report modal? Quelles solutions innovantes devraient être apportées? Quel support billettique est le plus adapté sur un réseau? Voici quelques-unes des questions qui ont été abordées les 27, 28 et 29 janvier derniers, lors de la conférence internationale Transport Ticketing Global 2015. La rencontre réunissait des acteurs du transport, de la téléphonie mobile et des sociétés de cartes de crédit du monde entier. Elle s’est donné pour objectif, entre autres, de présenter les initiatives développées dans certaines villes en matière de billettique et a abordé les grandes problématiques qui jalonnent le secteur. À ces différents niveaux, les acteurs européens présents ont montré que le vieux continent n’était pas en reste lorsqu’il s’agissait de développer des solutions billettiques, couplées à une réflexion plus poussée visant à rendre les transports publics plus attractifs. L’idée étant bien sûr de tenter de mettre fin au tout voiture.
Au Royaume-Uni, et plus particulièrement du côté du groupe Go Ahead, le développement d’une billettique sans contact a été l’occasion de simplifier les voyages multimodaux des usagers. « Nous voulions faire en sorte que les voyageurs n’aient plus à faire des calculs compliqués pour effectuer leur trajet, explique Riz Wahid, responsable de la vente au détail chez Go Ahead, c’est-à-dire que l’idée était de leur éviter au maximum de devoir, avant chaque voyage, se poser des questions du type: puis-je utiliser ce ticket saisonnier sur cet itinéraire? Est-ce moins cher d’acheter deux allers ou un aller-retour? Etc. »
De cette volonté a découlé le développement d’une carte sans contact, baptisée KeyGo, complétée par un système de calcul trouvant automatiquement le meilleur tarif à payer en fonction du trajet. Cette initiative, en phase de test depuis juillet 2014 sur toute petite partie du réseau de Go Ahead au sud de Londres, fonctionne de la manière suivante: lors de ses trajets, l’usager fait biper sa carte à chaque entrée et sortie d’un mode de transport en commun. Tous les déplacements sont ensuite comptabilisés sur la carte et un logiciel calcule le montant le moins cher à payer, en prenant en compte les abonnements, les réductions, les tarifs en heure de pointe, en heure creuse, etc. Le voyageur peut ensuite consulter et vérifier ses différents trajets sur Internet.
Si l’avantage financier et le gain de temps semblent indéniables pour le client, l’intérêt pour l’opérateur est aussi bien réel: « le système permet de réduire, entre autres, les aspects administratifs liés aux émissions de titres papier », explique Riz Wahid. Le projet, qui a déjà séduit les premiers clients testeurs, devrait rapidement prendre de l’ampleur. Le groupe envisage en effet d’étendre un peu plus le périmètre de validité du dispositif au premier trimestre 2015 et pourrait rapidement l’élargir à tout le sud de son réseau.
Du côté de Gipuzkoa en Espagne, un projet de billettique lancé récemment a surtout pour objectif de favoriser le report modal, via une harmonisation des offres tarifaires proposées aux usagers dans la province basque. Eluska Renedo, directrice générale de l’autorité territoriale des transports de Gipuzkoa, explique: « Pour le transport interurbain nous avions 18 opérateurs de transport qui n’étaient pas du tout coordonnés en termes de tarifs et de support de paiement. Nous avons alors décidé de réfléchir aux offres, à des réductions communes, et au fait que pour les utilisateurs, il fallait un réseau unique, attractif et facile à utiliser. »
Une intégration tarifaire a ainsi été initiée, grâce à des accords entre l’autorité organisatrice et les différents opérateurs. « Désormais, nous prenons tous les revenus générés par le transport et nous les redistribuons de manière juste aux entreprises », précise la directrice générale. À cette harmonisation, s’ajoute la mise en place d’un support billettique commun baptisé Lurraldebus, à valider à chaque entrée et sortie d’un véhicule. Pour inciter les usagers à opter pour cet outil, « nous avons mis en place des offres incitatives basées sur le principe de: plus vous voyagez, moins vous payez », résume Eluska Renedo. Par exemple, 20 trajets effectués avec la carte dans le mois donnent droit à 45 % de réduction sur le montant à payer, et ainsi de suite, les rabais pouvant aller jusqu’à 90 % du prix initial. Ces offres très attractives ont logiquement trouvé leur public: depuis la mise en place du système, « les utilisateurs se disent en majorité très contents et la demande de transport public a augmenté », se réjouit la directrice. Cependant ajoute-elle, pas question d’en rester là: « Plusieurs améliorations sont envisagées dans un futur proche. Nous avons, entre autres, commencé à intégrer l’autopartage dans le service et envisageons sérieusement d’introduire la NFC [near field communication, communication en champ proche, ndlr] et le paiement par carte bancaire. Enfin, nous souhaitons créer une application unique pour l’information voyageurs. » Tout un programme.
La rencontre londonienne a aussi été l’occasion de revenir sur des réseaux ayant mis en place un système billettique innovant depuis plusieurs années et de se pencher sur leurs solutions envisagées pour améliorer toujours plus la praticité des transports publics.
Le cas de Dublin, en Irlande, qui a lancé sa Leap Card en décembre 2011 a notamment été mis en lumière. Cette carte sans contact, prépayée, permet de circuler dans tout le réseau de transports en commun de la capitale et fonctionne aussi sur d’autres services dans des villes comme Cork ou Galway. Depuis sa mise en place, plus de 900 000 cartes ont été éditées et plus de huit millions de voyages sont effectués en utilisant cet outil.
Malgré ce succès incontesté, la capitale ne compte pas pour autant se reposer sur ses lauriers. Plusieurs améliorations devraient prochainement voir le jour, avec notamment un développement progressif à l’échelle nationale en 2015. Également, de nouveaux produits, tels que des cartes dédiées aux touristes et aux visiteurs, ou des produits à destination des enfants et des étudiants, devraient voir le jour cette année.
Du côté de la République tchèque, la question de mettre en place un système unifié à l’échelle nationale, via ici l’utilisation de cartes bancaires sans contact, a aussi été posée. Et cela, alors que plusieurs villes du pays se sont déjà lancées dans le développement de smart cards. Un groupe de travail réunissant différents acteurs du transport à l’échelle nationale a été créé en 2013 pour répondre à cette interrogation.
La volonté de développer un système unifié à tout le pays avait d’abord pour objectif d’éviter la multiplication de systèmes incompatibles entre eux. Le choix de l’outil carte bancaire s’explique quant à lui pour une autre raison. La République tchèque, qui en 2014 était le pays européen effectuant le plus de transactions monétaires de cette manière, pouvait peut-être représenter un potentiel pour le développement de ce type de support. Le nouveau système devait alors fonctionner aussi avec les cartes existantes, être indépendant technologiquement (ne pas appartenir à un organisme privé) et accepter toutes les marques de cartes (Visa et Mastercard).
Plusieurs systèmes billettiques étrangers, notamment celui de Londres, avaient aussi été étudiés pour voir s’il était possible de s’inspirer de modèles existants.
À l’issue de ces recherches, un livre blanc réunissant toutes les conclusions des membres du groupe a vu le jour en juillet 2014. Le constat a été sans appel: « Si nous n’avons vu aucun frein à la mise en œuvre de cartes sans contact dans le pays, celles-ci devront plutôt être lancées à l’échelle régionale, a expliqué Martin Prochàzka, coordinateur du groupe de travail. En effet, nous ne pourrons pas implanter un standard national, notamment parce que chaque autorité régionale finance et organise ses réseaux de transport public dans le pays et que l’État n’intervient pas. » Il sera donc difficile de les mobiliser toutes.
Au niveau des cartes bancaires-titres de transport, les conclusions n’ont pas été plus positives: « le risque, avec de tels outils, est que les clients pourraient être effrayés à l’idée d’utiliser ces cartes à chaque fois qu’ils doivent prendre les transports en commun [risque de vol, par exemple, ndlr], et les cartes pourraient être aussi rejetées par les acteurs du transport », a-t-il ajouté. La réflexion aura cependant permis de se rendre compte que même si la technologie est disponible, cela ne veut pas pour autant dire qu’elle est adaptée à toutes les situations.
