Moovit fait, bien fait

Pierre Valentin n’a pas de bureau. À 29 ans, c’est depuis des espaces de coworking ou bien de chez lui, à Paris, qu’il gère, depuis février 2013, le développement de la startup Moovit sur le marché francophone. Créée en 2011 en Israël par Nir Erez, Roy Bick et Yaron Evron, Moovit est une sorte de GPS du transport urbain en temps réel, gratuit sur les apps stores et qui a pour particularité d’être enrichie par ses utilisateurs (15 millions dans le monde). Disponible sur smartphone, tablette et montres connectées, ce guide de l’usager a fait mouche en janvier dernier auprès de l’opérateur Keolis, géant du transport en France. Après un an de collaboration avec la filiale bordelaise du groupe, Moovit a décroché un partenariat visant à proposer l’application à tous les opérateurs locaux du groupe (91 réseaux urbains en France). En même temps, la startup célébrait sa troisième levée de fonds, 46 millions d’euros.

C’est une incontestable réussite. Et derrière cette machine de guerre, non pas une armée, mais Pierre Valentin, seul représentant de Moovit en France. Passionné, il philosophe: « Dans le milieu des startupers, sur 10 mauvaises nouvelles, quand il y en a une bonne, il faut la capitaliser. C’est comme une tape sur l’épaule ». Si ces « tapes » encourageantes se font enfin moins rares ces derniers temps, il n’en a pas toujours été ainsi.

Pour se faire connaître auprès des usagers contributeurs, il fallait dans un premier temps avoir un minimum de données en stock. L’objectif était donc d’utiliser des informations libres de droit transmises par les collectivités, alias l’open data. « Au départ, il y a eu un gros travail de pédagogie à mener auprès des autorités organisatrices de transport », explique Pierre Valentin. « Il faut se replacer dans le contexte. En février 2013, c’était le tout début de l’open data à la RATP », se souvient-il. Au départ, les collectivités étaient peu enclines à ouvrir leurs données. Ressentie comme une perte de contrôle, la mise en place de l’open data pouvait en outre exiger un investissement financier, pour convertir des données brutes en information exploitable par exemple. « Il y a eu, et il y a encore aujourd’hui, un petit verrou, parfois psychologique, à faire sauter », constate le manager France.

La RATP, le Stif, la SNCF… Pierre Valentin va s’adresser aux responsables marketing des grands acteurs du transport, en Ile-de-France dans un premier temps. « Ils ont apprécié qu’on soit venus les rencontrer », constate-t-il. En plus d’une « poignée de main cordiale », il présente la démarche d’accompagnement proposée par la jeune entreprise. « Il a fallu expliquer que Moovit, ce n’était pas trois geeks dans leur garage », plaisante-t-il. En l’occurrence, Moovit est le maillage d’une petite dizaine de responsables, répartis un peu partout dans le monde et avec lesquels le jeune dirigeant « est en contact au moins une fois par jour ».

Ce réseau de managers partage de bonnes pratiques. « Pour trouver le bon interlocuteur par exemple, on a spontanément le réflexe de s’adresser à la personne la plus importante dans la hiérarchie du réseau. Grâce aux discussions avec les autres responsables de Moovit, j’ai appris qu’il était plus efficace d’aller trouver une personne spécialisée, ou qui comprend bien l’univers des smartphones », développe-t-il.

En Ile-de-France, où la startup recense aujourd’hui 500 000 téléchargements, c’est un succès. Suivent les réseaux de Bordeaux, Toulouse, Strasbourg ou encore Rennes. Pour se donner de la visibilité, Pierre Valentin pilote des campagnes de communication, de l’affichage dans les bus à l’annonce aux stations de tram, en passant par l’impression de 100 000 serviettes en papier griffés aux couleurs de Moovit et distribuées au Crous de Bordeaux. Ces opérations et la ténacité du manager France permettent à Moovit de se déployer sur 10 agglomérations en France.

« Nous aidons les réseaux, même lorsqu’ils ne sont pas encore passés à l’open data », précise le jeune responsable. C’est le cas pour le réseau de transport de Longueil (RTL) au Canada qui a rejoint la communauté Moovit en janvier. « Ils voulaient créer une application pour les transports en commun, mais les équipes n’avaient pas la connaissance technique ni le temps d’en développer une. » La filiale de Keolis outre-Atlantique fait donc appel à Moovit. « On a travaillé ensemble sur les données, on leur a donné des conseils pour que le traitement de leurs informations soit le plus simple possible », explique Pierre Valentin.

Une fois l’application lancée, le travail ne fait cependant que commencer. « Il faut être très vite très attentif aux retours des usagers pour améliorer le service », insiste-t-il. En consultant d’un regard son smartphone posé sur la table d’un café parisien, il constate que deux mails d’usagers sont déjà arrivés. Il est 10 heures du matin. « J’en reçois en moyenne une quinzaine par jour », estime-t-il.

Un état de trafic perturbé, un arrêt indiqué 300 mètres trop loin ou un raccourci suggéré sur tel itinéraire… « Les usagers sont exigeants. C’est comme quelqu’un qu’on aime, illustre Pierre Valentin, Ils attendent beaucoup de Moovit et l’application doit être à même de leur donner la bonne information. »

De la conquête des opérateurs à l’optimisation des microdétails sur les réseaux francophones (5 heures de décalage horaire entre Paris et Longueil), on se demande combien d’heures il y a dans les journées de Pierre Valentin. « Je ne dors pas beaucoup », reconnaît-il en souriant.

« Moovit offre aux voyageurs une photographie de la situation en temps réel et leur indique les itinéraires les plus rapides et les plus confortables à emprunter.

Les utilisateurs de Moovit peuvent également envoyer directement et en temps réel des informations sur leurs déplacements, comme le taux de remplissage d’un bus, les éventuels retards, la propreté, et bien plus encore. »

San Francisco (marchés, stratégies, service commercial) et Ness Ziona en Israël (R&D, opérations).

Présence dans 45 pays, 500 villes.

15 millions d’utilisateurs.