Tendance Les collectivités locales, les agglomérations et les départements sont nombreux à miser sur le TAD pour affiner leurs réseaux de transport et répondre aux problèmes de mobilité sur leur territoire. Tour d’horizon de ce service en pleine expansion dans l’Hexagone, moins coûteux que les lignes classiques et qui n’est plus seulement à destination des personnes à mobilité réduite.
Ouvert à tous le transport à la demande (TAD) ? De plus en plus. Ce service, historiquement mis en place pour les PMR (personnes à mobilité réduite), a trouvé grâce aux yeux des collectivités locales qui ont ainsi l’opportunité de désenclaver l’ensemble de leurs territoires.
En France, selon Patrick Lassus, Pdg de Nocratès, une entreprise qui propose le logiciel d’optimisation et de planification du TAD Viacitis, « quatre millions de personnes auraient des difficultés à se déplacer en raison de leur handicap ou par manque d’argent. » Le transport à la demande offre une solution à moindre coût pour ces usagers longtemps laissés sur le bord de la route. Économiquement, le TAD est intéressant pour les autorités organisatrices de transport (AOT) en proie, comme toutes les instances publiques, à des coupes budgétaires. Claude Cibille, responsable du pôle voyageurs de l’Ifrac, organisme de formation spécialisé notamment dans le TAD, estime que cette offre de substitution « attire les collectivités en raison de sa pertinence économique. Comparé aux lignes régulières, l’investissement est assez peu élevé ». D’autre part, elle permet de perpétuer un service de proximité « complémentaire des offres de transport traditionnelles ». Patrick Lassus partage cette analyse : « Le TAD est moins cher à mettre en place. Bien déployé, il se justifie pleinement en termes économiques pour les collectivités locales, dans l’urbain comme dans l’interurbain. En dépit de la crise, et même si elles ont moins de moyens, ces dernières n’ont pas réduit la voilure pour autant. Elles doivent réussir à assurer leur compétence transport. Cela passe justement par l’optimisation des moyens », avance-t-il. Auteur d’un ouvrage consacré au TAD (Éditions Wolters-Kluwer), Natacha Kœnig n’est pas surprise par l’engouement naissant des AOT pour cette alternative : « Les transports à la demande visent à répondre à des besoins jusque-là non pris en compte, ou à substituer un service moins coûteux à un transport régulier. Les diverses fonctions, telles que fournir une offre de transport dans les zones rurales isolées, offrir une complémentarité aux transports collectifs, desservir des zones d’emploi, subvenir aux besoins de mobilité de la clientèle à mobilité réduite, sont des exemples qui attestent d’une évolution croissante des déplacements et qui qualifient un transport dit flexible », analyse cette spécialiste.
Ces dernières années, en plus du TAD destiné aux PMR (le TPMR), se sont développées des lignes virtuelles répondant au même principe que les lignes régulières, à ceci près qu’elles se déclenchent au moment des réservations. Du TAD zonal, dont les points d’arrêts sont disséminés sur un territoire, s’est par exemple déployé autour des nouvelles gares TGV. Des offres de transport porte-à-porte se sont aussi largement répandues dans l’Hexagone. Les lignes virtuelles auraient tendance à se développer plus rapidement, alors que dans le rural, le porte-à-porte serait en vogue. Claude Cibille estime que « ces choix dépendent surtout des AOT, de l’environnement concerné ».
Dans le département très rural du Loir-et-Cher, le TAD porte-à-porte prend le nom de TAD de proximité. « Depuis 2010, date de lancement du TAD dans notre département, nous avons créé, en partenariat avec 13 intercommunalités de communes, 13 lignes de TAD de proximité pour permettre à des personnes isolées de se rendre au marché, à l’hôpital ou dans les administrations depuis leur domicile », explique Catherine Lhéritier, nouvelle vice-présidente en charge des transports dans le département dirigé par Maurice Leroy (UDI). Ce service a rencontré un certain succès auprès de la population : 69013 voyages ont été effectués l’an dernier : « Pour savoir combien d’usagers sont concernés, il faut, à peu près, diviser ce chiffre par trois », précise celle qui est également maire de la petite commune de Chouzy-sur-Cisse.
En parallèle, 30 lignes virtuelles, qui s’activent quand une réservation téléphonique est effectuée, ont été ouvertes au public Elles irriguent l’ensemble de ce vaste territoire comptant 3500 km de routes départementales. Pour cette collectivité, la part du TAD dans le budget annuel du transport est presque indolore : « Nous dépensons 260 000 euros par an sur un budget global de 21 millions d’euros, transport scolaire inclus. Ce n’est pas une enveloppe très élevée, mais cela offre aux habitants une solution de transport flexible, régulière et personnalisée, puisqu’il suffit de nous prévenir la veille pour le lendemain avant midi pour accéder à la prestation. »
D’autres collectivités rurales ont récemment opté pour ce système. La communauté de communes Tarn et Dadou s’est laissée convaincre pour répondre aux problèmes de mobilité sur son territoire. Cette solution de transport collectif fonctionne en complémentarité avec les services réguliers existants, et sur des zones non desservies par le réseau principal de lignes régulières. Au total, 150 points d’arrêt sont proposés à la population, sur simple réservation et suivant une grille horaire définie. Dans ce cas, les véhicules de cette communauté de communes rurales viennent chercher les demandeurs à l’arrêt le plus proche de leur domicile pour les conduire vers les chefs-lieux : Albi, Gaillac, Graulhet, Lavaur et Lisle-sur-Tarn. Là encore, le service est accessible à n’importe quel citoyen : adulte, enfant (accompagné d’un adulte pour les moins de 10 ans), handicapé, personne âgée et femme enceinte sont concernés.
En Normandie, les patients du centre hospitalier de la Côte Fleurie, à Cricqueboeuf (Calvados), qui ne peuvent se déplacer par leurs propres moyens pour des raisons financières, pourront désormais bénéficier d’une navette par minibus. Elle circule du lundi au vendredi. Cette mise en service – à titre expérimental pendant deux mois – répond à la nécessité de pallier l’éloignement du lieu. « Nous sommes partis du constat que le pôle santé de la Côte Fleurie est certes bucolique, mais éloigné des transports », justifie, dans les colonnes du journal Le pays d’Auge, Jean-Jacques Vail, directeur de l’hôpital. « Certaines personnes rencontrent des difficultés à venir jusqu’ici pour pratiquer les soins nécessaires ». Le prix fixé (2 € par trajet) rend le produit attractif pour les plus démunis, principale cible. L’hôpital, à l’origine du projet et propriétaire de ce minibus capable de transporter six personnes, s’est fixé d’être à l’équilibre sur le plan financier. D’autres départements (le Tarn ou la Bretagne) engagent actuellement des réflexions en ce sens.
Même le transport scolaire est concerné par des projets de TAD, avec l’objectif de rabattre ces services confidentiels vers les lignes régulières. Patrick Lassus observe que le TAD prospère dans les zones périurbaines où vivent 54 % de la population française, « là où il y a moins de densité urbaine, au contraire des lignes régulières qui se développent là où le poids de la population justifie des modes de transport plus lourds ». Claude Cibille regrette néanmoins que toutes les collectivités soient en retard : « Il y a des régions en France, comme dans les Ardennes, où le TAD est inexistant et la politique de transport n’est pas assez poussée ». La généralisation de ce service n’est qu’au début de son histoire et les perspectives de développement sont réelles : « C’est un outil d’aménagement du territoire. Les problématiques d’accessibilité ou de vieillissement de la population vont encore le renforcer. Ce service public de la mobilité doit être plus présent qu’il ne l’est actuellement. Il est donc normal que le TAD prenne toute sa place à l’avenir », prédit-il.
De plus en plus de professionnels, consultants et spécialistes, proposent leurs services aux collectivités pour que les projets naissent avec succès. « Des expériences ratées, il doit y en avoir, même si je n’en ai pas connaissance », fait savoir Patrick Lassus. Il conseille aux porteurs de projets de « bien identifier le bassin de population utilisatrice de ce mode de transport » avant de se lancer. Parmi ses clients, il a constaté que « certaines lignes peuvent avoir une recrudescence de la fréquentation, ou au contraire une baisse significative, dès lors que l’on bouge ne serait-ce qu’un peu l’itinéraire concerné. Le TAD est une chose très fine à organiser. » De son côté, Natacha Kœnig recommande de « disposer de logiciels agiles, permettant la gestion dynamique en temps réel des demandes, et dotés de capacités d’optimisation permettant de mixer les offres tout en respectant la réglementation sociale », pour tirer pleinement profit de ce moyen de transport. Pour Claude Cibille, une méthodologie s’impose : « C’est un nouveau métier, davantage pour les réseaux interurbains qu’urbains. Dans chacun d’eux, des personnes occupant le poste de régulateur, dont le rôle est très important pour l’analyse de la demande, sont apparues. Cela suppose une nouvelle approche de la formation et de l’information. »
La généralisation du TAD témoigne à elle seule des profondes évolutions de l’organisation des transports publics, auxquelles nul (élu, exploitant, réseau) ne peut échapper. Pour les autocaristes, c’est aussi un stimulateur d’activités et, pourquoi pas, un nouveau gisement de croissance.
Viacitis, le logiciel d’optimisation de la planification de transport de personnes à la demande, « a pour but de fluidifier la gestion du TAD de haut en bas ; nous apportons de la valeur ajoutée à tous les niveaux, affirme Patrick Lassus, Pdg de la société Nocratès, éditeur du logiciel. La réservation se fait par le biais d’Internet à n’importe quel instant. L’opérateur, de son côté, gère cette réservation derrière son écran. » Nul besoin de plateforme téléphonique ni de téléconseillers. Viacitis « tient compte de l’intermodalité et des possibilités de rabattement sur les lignes fixes. »
Si une réservation est située à proximité d’une ligne régulière, hors cas de PMR, le déclenchement d’un service à la demande peut être remis en cause. « L’AOT tire ainsi profit de toutes les solutions de transport qu’elle finance. Si l’on refuse une solution de TAD à une personne, c’est parce qu’il y a automatiquement une alternative adaptée en transport régulier. »
Les contraintes de circulation ou de distance ont été paramétrées. Les accords de branche, la législation européenne et l’hexagonale sont intégrés dans le process. « Nous sommes aussi capables de dire si tel ou tel chauffeur peut assurer le service en fonction des heures qu’il a déjà effectuées dans le mois. » En quelques minutes, l’ordre de mission dématérialisé est envoyé au salarié par Internet ou par SMS. Une souplesse d’usage qui permet de répondre favorablement à une demande de TAD qui vient d’être formulée.
Concernant le service spécifique de TPMR, Patrick Lassus liste les atouts de son logiciel, il intègre « des matrices de vitesses constatées et historisées, avec un taux de projection pour l’année en cours pour avoir une vision plus juste de ce qui est réalisable. » L’utilisation d’un moteur d’optimisation permet « de grouper entre 55 et 65 % des courses, de gagner jusqu’à 30 % de productivité par rapport aux logiciels ne disposant pas de moteur d’optimisation, de gérer les aléas en suivant l’avance/retard des courses et en réallouant des courses à la volée si besoin. »
Viacitis favoriserait l’autonomie des voyageurs par sa capacité à réserver ses demandes de transport (réservations, modifications, annulations, coordonnées) en temps réel. C’est possible grâce au rechargement simple du compte mobilité sur Internet ou par téléphone, à l’accès en ligne aux factures, à une information voyageurs de qualité et à l’envoi de SMS à l’approche des véhicules, rendu possible par le couplage du logiciel avec les solutions de géolocalisation.
Nocratès s’était dans un premier temps spécialisée dans le TPMR, avant de s’adapter aux demandes des AOT ayant étendu le TAD à tous les publics. Le chiffre d’affaires de la PME lyonnaise est en croissance : 300 000 euros en 2014 contre 200 000 euros réalisés en 2010.
Installé en Ile-de-France et à Aix-en-Provence, l’Ifrac, le centre de formation de transport et de logistique créé en 2006 propose une quinzaine de formations dans le domaine des transports publics. Certaines d’entre elles intègrent le TAD pour répondre à l’évolution des besoins des exploitants, concourant ainsi aux nombreux appels d’offres de ce mode de transport pour le moins spécifique.
Parmi les formations on trouve divers enseignements tels que le marketing du TAD, la conception d’une offre de transport par une approche multimodale, le choix d’une certification ISO 9001 en transport public, les nouveaux enjeux d’une agence commerciale dans l’urbain, les réglementations sociales ou une méthodologie de réponse aux appels d’offres.
Cet organisme de formation, qui a déjà formé 140 personnes à l’accueil des voyageurs TPMR, intervient principalement au sein des entreprises demandeuses « pour former les salariés en interne », précise Claude Cibille, responsable du pôle voyageurs.
