Newsletter S'inscrire à notre newsletter

Magazine

Combien de TGV entre Paris et Bordeaux en 2017?

Polémique SNCF, collectivités et concessionnaire de la LGV Tours-Bordeaux ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les dessertes des gares et le nombre de TGV directs à l’été 2017. Les récentes propositions du médiateur sont loin de faire consensus.

Le bras de fer touche à sa fin. Cet été, SNCF Réseau fixera le programme des TGV qui circuleront sur les nouvelles LGV reliant Paris à Rennes, Nantes et Bordeaux à l’été 2017. Pour les collectivités locales d’Aquitaine, le concessionnaire Lisea et SNCF Voyageurs, les discussions seront terminées. Et il y aura forcément des déçus.

Depuis plusieurs mois, les sujets du nombre de trains directs et des dessertes des gares alimentent la polémique, chacun répétant en boucle ses arguments. Pour les collectivités, qui doivent verser près de 2 milliards d’euros pour ce chantier (la moitié n’a pas été versée), il est légitime que les TGV desservent leurs gares. Toutes leurs gares, et le plus souvent possible. Pour Lisea, qui a investi 3,8 milliards d’euros (sur 7,8 milliards), il faut un maximum de trains, et particulièrement de trains directs, pour rendre la ligne attrayante et se rembourser avec les droits de péage. Pour SNCF Voyageurs, « il faut apporter le meilleur service possible », sans alourdir encore l’endettement du groupe public, bref, limiter le nombre de trains. C’est pour résoudre cette quadrature du cercle que l’ancien ministre du Travail, Jean Auroux, a été nommé médiateur par le gouvernement et la SNCF en début d’année.

2 h 04 pour un TGV sans arrêt

Le rapport Auroux, rendu public le 11 juin, propose de faire circuler 22,5 TGV par jour entre Bordeaux et Paris. Dont 13,5 TGV directs. « Cette desserte, de 2 h 04 environ, sera cadencée à l’heure et à la demi-heure en pointe dans le sens Bordeaux-Paris le matin, et Paris-Bordeaux le soir », explique Jean Auroux. Le premier train permettra d’arriver à Paris vers 8 heures, et à Bordeaux avant 9 heures. Et le médiateur de préciser: « il y aura deux allers-retours directs de plus qu’aujourd’hui, complétés par les trains assurant aussi la desserte des villes intermédiaires, soit 22,5 allers-retours ».

Cette proposition a immédiatement fait réagir le conseil régional d’Aquitaine: « Avec une grande déception, la région Aquitaine constate que ses propositions constructives et raisonnables n’ont pas été suivies, et que les évolutions apportées dans le cadre de cette conciliation ne sont pas à la hauteur des attentes des territoires. Le succès de la mise en service de la LGV Tours-Bordeaux exige un choc des fréquences dès la mise en service de la nouvelle ligne, le 2 juillet 2017: une navette Bordeaux-Paris avec des trains directs rapides, fréquents, avec une capacité résiduelle suffisante pour permettre les changements d’horaire au dernier moment. (…) Par ailleurs, l’opposition des intérêts des différents territoires en matière de desserte, mise en avant pour justifier la faiblesse de l’offre proposée, ne correspond nullement à la réalité. » Christophe Duprat, vice-président de Bordeaux Métropole en charge des transports, fait également part de sa déception.

Déception et inquiétude pour Lisea

Mais c’est du côté de Lisea que l’on est le plus amer. Le concessionnaire a entrepris depuis des mois une campagne de lobbying pour faire entendre son point de vue à la SNCF. Il lui faut un maximum de trains sur la ligne qu’il construit pour espérer rembourser sa mise de départ. C’était tout l’enjeu de sa campagne de communication à grande échelle orchestrée au printemps. Le slogan « Bordeaux et Paris n’ont jamais été aussi près d’être aussi proches », vous l’avez forcément lu ou entendu. Il s’agissait de sensibiliser l’opinion, et particulièrement les élus, sur la nécessité de nombreux trains directs sur la nouvelle ligne. Patatras, les propositions de Jean Auroux sont jugées très décevantes. « La qualité de service de cette ligne dépendra de la mise en place de navettes, explique Laurent Cavrois, président de Lisea. Or, le compte n’y est pas au regard de ce qui se pratique dans les métropoles comme Lyon (22 trains), Lille (21) ou Nantes (18). Le transport est une industrie de l’offre: il faut mettre des trains pour attirer des voyageurs. En réduisant le nombre de trains, on ne pourra pas payer cette ligne, qui a tout de même un coût. » Le patron de Lisea refuse de s’exprimer sur son manque à gagner, mais on comprend que le coup est rude pour lui. S’il n’attaque pas frontalement la SNCF, qui demeure son unique client, et refuse d’évoquer un recours devant la justice, il considère tout de même que « la SNCF manque d’ambition. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Air France a annoncé le maintien de sa navette ».

Coût des péages

Laurent Cavrois estime qu’il faut « rouvrir les négociations avec tous les acteurs pour en sortir par le haut. » Un souhait que partage le conseil régional d’Aquitaine, qui appelle de ses vœux 19 allers-retours quotidiens directs entre Paris et Bordeaux. « La région Aquitaine entend poursuivre sa mobilisation aux côtés des usagers pour obtenir, de la part de l’entreprise ferroviaire nationale et de sa tutelle, une offre réellement à la hauteur des besoins et attentes de tous les segments de clientèle (profession, études, famille, loisirs), au service de la population et du développement des territoires desservis. »

Mais la SNCF a-t-elle un intérêt à augmenter son offre? Elle a d’ores et déjà annoncé qu’elle mettrait en service des TGV duplex, susceptibles d’embarquer 550 passagers par rame, soit 20 % de plus qu’actuellement. Quant à mettre plus de trains en circulation… « Cette ligne sera déficitaire, de 100 à 200 millions d’euros par an », estime Barbara Dalibard, directeur général de SNCF Voyageurs. Elle regrette le montant élevé des péages pratiqués par Lisea: 48 € par train et par kilomètre, soit 55 % plus cher que pour Paris-Lyon. Et l’opérateur ferroviaire de rappeler le développement actuel du covoiturage et du transport par autocars. La SNCF table désormais sur 13 millions de voyageurs par an entre Paris et Bordeaux, contre 15 initialement espérés. Jean Auroux note à ce propos: « Les péages ne représentent que 25 % des coûts de SNCF Voyages qui ferait mieux de s’occuper des 75 % autres ».

La balle est désormais dans le camp du gouvernement, appelé à prendre part au dossier. L’État a tout intérêt à regarder de près les choix de SNCF Réseau. Il pourrait en effet voir jouer sa garantie d’emprunt de 2,2 milliards d’euros en cas de défaillance de Lisea dans le remboursement des emprunts. En bon médiateur, Jean Auroux anticipe les cris d’orfraies qui seront poussés dès les choix définitifs retenus: « une clause de revoyure est prévue au bout de 18 mois d’exploitation ».

Retour au sommaire

Auteur

  • Yann Buanec
Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format