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Les collectivités se serrent la ceinture

Côté conférences Les 24 et 25 juin, Agir avait organisé une série de conférences autour du thème « Solutions anticrise dans les transports publics ». Optimisation fiscale, solutions digitales et mutualisation étaient à l’honneur.

Comment faire mieux avec autant? Ou faire autant avec moins? Telles sont les questions posées lors des 30e Journées Agir. Grâce à de riches interventions sur le thème des solutions anticrise, les acteurs du transport public ont questionné l’optimisation des réseaux à travers des solutions fiscales, des stratégies digitales, de la billettique légère ou encore de la mutualisation industrielle. Bus & Car revient sur ces discussions pratiques.

Au commencement était le contrat

« L’optimisation fiscale grâce au choix du type de contrat »

Maître Jérôme Lacourt, avocat spécialiste des questions de transport*, s’est penché sur le vaste sujet de l’optimisation fiscale. Quel type de contrat les collectivités doivent-elles choisir pour limiter leurs dépenses, et notamment en matière de TVA? « La rédaction du contrat est très importante », a alerté l’avocat à plusieurs reprises. Il a détaillé la différence entre la nature juridique du contrat, qui peut prendre de nombreux aspects, et sa nature fiscale. « Fiscalement, on ne distingue que deux types de contrats: les délégations de service public (DSP) et les marchés publics », a-t-il précisé. « En théorie, il n’y a pas de contrat plus optimisant qu’un autre. »

En fonction du profil de la collectivité et de la nature de son offre de transport, gratuite, payante ou sous tarification sociale, l’AOT peut se diriger vers un contrat en DSP sans être soumise à la TVA ou vers un contrat de type marché public, auquel cas elle sera assujettie à la taxe. Dans le cas d’une DSP, « il faut être extrêmement vigilant à la rédaction du contrat, a insisté Jérôme Lacourt, Il faut éviter d’avoir à expliquer à l’administration fiscale le contenu du contrat. Il faut qu’elle reconnaisse sa doctrine en le lisant. N’hésitez pas à recopier sa doctrine, justement », a-t-il conseillé. Enfin, l’avocat a relevé qu’« il ne faut pas avoir peur d’aller au contentieux. En général, les collectivités sont frileuses, mais parfois les solutions d’optimisation demandent d’aller devant le tribunal administratif »•

L’avenir est sur le smartphone

« Comment proposer une information web et mobile efficace? »

L’information aux voyageurs change de support. Solution anticrise proposée par Agir: le smartphone. Louis-Maris Guillaume, président de l’entreprise Airweb, spécialisée dans le développement d’applications mobiles, est venu faire le point sur les solutions à destination des transporteurs. En France, 55,7 % des « mobinautes », les utilisateurs de smartphones, ont accès à Internet via leur mobile et 8,4 millions d’entre eux ont téléchargé une appli en janvier dernier, précisait-il. « Il ne faut surtout pas s’enfermer dans la technologie », a-t-il toutefois mis en garde. « Le but est de donner la bonne information, au bon moment, au bon endroit, au bon usager et sur le bon support. » Pour atteindre cet objectif, le président d’Airweb a présenté deux solutions: l’application et le site mobile. « L’application coûte plus cher, mais elle est beaucoup plus efficace en termes d’ergonomie et d’usage. Il ne faut pas opposer les deux, l’appli et le site mobile sont complémentaires », a-t-il analysé. Pour définir l’offre la plus adaptée, Louis-Marie Guillaume a recommandé de partir de l’usage. Côté investissement, pour une application basique développée par Airweb, il faut compter 20 000 euros, contre 12 000 euros pour un site mobile•

TAD mon amour

« Comment rendre un TAD attractif? »

Sonia Le Gall, responsable stratégie de développement commercial de Baie d’Armor Transports, a défendu l’intérêt économique du réseau de transport à la demande (TAD). « À Saint-Brieuc, le système de lignes virtuelles de TAD, Taxitub, est opérationnel depuis 1991 et présente un prix kilomètre (1,40 euro) trois fois inférieur à celui du bus. Il coûte 560 000 euros à l’année, dont près de 500 000 pour les seuls transporteurs », précisait-elle. Pour 18 lignes urbaines, le réseau à la demande compte 83 lignes desservant 450 points d’arrêt sur 14 communes. L’agglomération a opté pour un système tout automatisé via le logiciel Optitod. « Il nécessite très peu d’intervention humaine », a constaté Sonia Le Gall. Pour les 853 adhérents actifs que compte le réseau, la réservation se fait par téléphone ou en ligne, de 45 minutes à 10 jours à l’avance, de façon occasionnelle et/ou régulière. La facturation des courses se fait automatiquement en fin de mois. Le service est assuré par des artisans taxis et d’autres prestataires extérieurs. « Ce type de prestataires de transport requiert un suivi. Les taxis indépendants ne sont pas habitués à répondre à un donneur d’ordre », a témoigné la responsable. L’an dernier, sur les 50 000 voyages effectués, 80 % étaient des scolaires et des étudiants. La clientèle de salariés, plus modeste, s’élève à près de 14 %.

Pour l’agglomération de Saint-Brieuc, les lignes de TAD peuvent même permettre de remplacer une ligne régulière du réseau peu fréquentée, « si le taux de déclenchement est supérieur à 80 % environ », a précisé Sonia Le Gall. Seul hic: les usagers se montrent encore réticents. « Parmi les idées reçues, le TAD est trop compliqué à utiliser », note-elle. Dans le but de rassurer les voyageurs, la collectivité organise des « réunions tupperware » pour présenter le service, aux personnes âgées notamment•

Quand les réseaux réduisent l’offre

« Jusqu’où peut-on réduire l’offre sans diminuer la satisfaction des clients? »

Pour réduire son budget, l’un des leviers plébiscité est celui de réduire ou redéployer l’offre de transport. Une enquête menée par Agir auprès des collectivités révèle que 41 % des autorités organisatrices de transport urbain et 33 % des conseils départementaux ont un projet de réduction ou de redéploiement de l’offre en cours. Par ailleurs, 27 % des premières et 40 % des seconds l’envisagent sérieusement. Parmi les principales mesures d’accompagnement qui ont permis aux interrogés de repenser leur offre, sont cités le TAD, la modification du fonctionnement par période annuelle, la simplification des horaires, la réduction du nombre d’arrêts par ligne, le cadencement des lignes principales, ou encore l’amélioration des correspondances.

Dans le département du Bas-Rhin, Antoine Doucet, chef du service exploitation des transports au conseil général témoigne: « Nous avons réalisé des diagnostics sur chaque ligne. Nous avons mesuré la fréquentation par service pour obtenir des ratios et savoir quelle ligne fonctionne, et quelle ligne ne fonctionne pas ». Résultat: la collectivité s’est aperçue que ce ratio pouvait chuter jusqu’à un voyageur ou moins par trajet en car, hors scolaires. « On a supprimé des détours et renforcé les lignes principales, explique le chef de service, ça n’a pas plu à certaines communes qui se sont senties isolées, on a essayé de mettre en place un service de transport à la demande pour effectuer un rabattement, mais ça n’a pas très bien marché », a-t-il reconnu. Ce système a toutefois permis une économie de 700 000 euros au Bas-Rhin.

À Évreux, Bruno Percheron, directeur du réseau Saem Transurbain, prône quant à lui le regroupement des lignes. « Nous sommes passés d’un réseau de 15 à 9 lignes, tout en essayant d’améliorer la lisibilité du réseau », raconte-il. Concrètement, le réseau a fait peau neuve, avec de nouvelles couleurs, et une nouvelle identité visuelle, autour de deux lignes structurantes. « La ligne 1, par exemple, regroupe trois des anciennes lignes, illustre Bruno Percheron, On a voulu resserrer l’offre, en partant du principe que les usagers accepteraient de faire un peu de marche à pied »•

La billettique s’affranchit du fil

« Comment organiser son réseau grâce à la billettique légère »

Face à une salle comble, Jean-Paul Medioni, directeur général d’Ubi Transport, a vanté les mérites d’une billettique légère, à savoir sur smartphone. « Souvent, les petits réseaux n’ont pas les moyens de s’équiper de systèmes lourds. Pourtant, dans les régions ou les départements, on constate une rupture dans la chaîne de mobilité. Je suis presque sûr qu’à quelques kilomètres de Périgueux, c’est compliqué d’avoir de l’information sur les transports. » Pour lui, un système billettique opérationnel doit pouvoir mesurer les flux de voyageurs, proposer une information efficace, et valoriser les transports modernes. « Avant de vendre un titre de transport à 1 ou 2 euros, il faut savoir qui monte dans le bus », a-t-il précisé. « Nous avons développé un système léger sans fil. On fait tout pour s’affranchir du fil et rendre le déploiement plus rapide. » Un objectif couronné de succès, puisque « le dernier système a été développé et déployé en un mois et demi ». Le secret de ce déploiement express: le plug and play, à savoir la connexion immédiate après installation du matériel léger, compatible avec le matériel lourd existant « dans un souci d’interopérabilité ». Ce système permet ainsi aux usagers d’acheter et de valider leur titre de transport à partir de leur mobile. « On n’est plus dans une logique de vendre un logiciel. Maintenant, on vend un service », a conclu le directeur•

Mutualiser pour mieux gérer

« Mutualisation: mieux acheter grâce à la standardisation »

La dernière conférence des 30e Journées Agir portait sur l’optimisation partagée. Marc Delayer, président de la centrale d’achat du transport public, a distingué trois niveaux d’achat en ce qui concerne les véhicules: l’offre de base, relativement simple à standardisée auprès des constructeurs, les options, qui répondent à des besoins particuliers, et enfin les aménagements particuliers. Ces derniers sont « les plus chers. Ils demandent un développement spécifique aux constructeurs et présente un fort impact sur le prix de revient », a précisé le président. Or, selon lui, l’aménagement particulier peut devenir une option, et l’option peut devenir une offre de base.

« Il faut consulter l’ensemble des acteurs et des associés pour aller vers une standardisation maximale », a-t-il expliqué.

Concrètement, Philippe Gaborit, directeur commercial chez Ineo Systrans, a présenté un nouveau service SAEIV baptisé Navineo. Le but est de proposer une offre sur étagères. « Nous partons d’un serveur commun et de périmètres prédéfinis. Ces systèmes ne sont pas modifiables, mais ils sont paramétrables », a détaillé le directeur commercial. « La mutualisation n’est pas contraire à l’innovation », a-t-il ajouté. Loffre standard est « facile à déployer, évolutive et pérenne sur 10 à 15 ans ».

Marc Delayer a conclu: « Si vous rencontrez des problèmes d’obsolescence, l’avantage de la mutualisation, c’est que vous ne serez pas les seuls à les subir. L’objectif est donc d’anticiper et de réagir rapidement. »

Côté investissement, Philippe Gaborit promettait une économie de 20 % sur le prix de base•

« Déringardiser » le transport

« Comment conquérir et fidéliser des voyageurs en 2015? »

Stéphane Schultz, consultant en marketing pour l’agence 15 Marches, a jeté un pavé dans la marre: « vendre le transport public est un art difficile. Les usagers voient ce métier à travers le mode ou le transport de masse parisien et les grèves ». Il constatait que 89 % des personnes n’ont jamais été sollicitées par le réseau de leur agglomération. « Il faut sortir du train-train habituel. Le transport est un métier de commerçant, acceptez que les usagers soient des clients », a-t-il insisté. Pour lui, les outils numériques sont déjà banals et intégrés dans le quotidien des usagers. L’objectif est donc de se démarquer en trouvant des solutions innovantes et percutantes. Pour surprendre l’usager, Stéphane Schultz a énuméré des exemples existants, comme un partenariat entre Ikea et le métro de Tokyo, transformé en intérieur cosy et convivial par le suédois. « Le transport, c’est l’avenir. Utilisez cette image positive auprès du public. Vous pouvez créer un événement et raconter de belles histoires », conseillait-il. Après avoir retenu l’attention des voyageurs, il s’agit de les fidéliser, a-t-il poursuivi. « Il faut aider l’internaute. Sur le modèle d’Amazon par exemple, le client doit toujours être à un click de la décision. »

Enfin, le but est de « soigner la communauté créée, en résolvant les problèmes lorsqu’il y en a, en interagissant avec eux. Il faut encourager les gens à parler du réseau ». Pour conclure: « Le transport est un milieu où il y a beaucoup de choses complexes dans la communication. Il faut s’en débarrasser »•

*Cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon.

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  • Capucine Moulas
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