Révolution Entre craintes des régions et réalité des enjeux, l’irruption des autocars sur la scène des relations intervilles longue distance suscite de nombreuses interrogations. Car si les cadres du marché sont désormais définis, leur transcription dans la géographie des transports n’est pas aussi simple. Voyage sur les axes d’une nouvelle concurrence… ou d’une complémentarité à venir!
L’autocar va achever de tuer les TET, puis – ou en même temps – les TER. » Si cette crainte peut s’expliquer plus ou moins en raison de l’irruption d’une concurrence jusqu’alors totalement inattendue, elle tient aussi du fantasme à cause d’une ambiance d’attente et d’incertitude accentuée par un flou réglementaire qui demeure persistant.
Actuellement, et alors que des liaisons autocars longue distance se mettent déjà en place, seul le principe de la distance minimale de 100 kilomètres entre deux arrêts – sauf en cas de dérogations accordées par l’Arafer (voir encadré page 48) – a été acté par l’Assemblée nationale. La situation d’attente vient essentiellement de l’attitude de l’État dont la volonté politique tarde à se concrétiser. La puissance publique devrait prendre en main sa fonction d’aménageur ferroviaire du pays, jouer son rôle d’autorité organisatrice des TET (trains d’équilibre du territoire) et intégrer les liaisons autocars longue distance dans un véritable schéma national d’aménagement ferroviaire, routier et aérien du territoire.
Cette absence de l’État apparaît comme la dernière persistance d’un vieil héritage historique, celui du retrait de la puissance publique de l’expertise et de la stratégie ferroviaire, dans la mesure où pendant six décennies ces rôles clés avaient été quasi totalement confiés à la SNCF. De 1937 à 1997, jusqu’à la création de Réseau ferré de France (RFF), l’entreprise ferroviaire historique était restée aussi bien le seul gestionnaire, le seul mainteneur et le seul développeur du réseau ferré national que son unique exploitant.
Faute d’affirmation franche de cette volonté politique de l’État stratège, certaines liaisons TER, mais plus encore de nombreuses liaisons TER qualifiées d’interrégionales puisque créées en association par des régions limitrophes ou qui avaient repris d’anciennes liaisons TET délaissées par la SNCF, pourraient se trouver brutalement confrontées à la concurrence des autocars. Toutefois, l’essentiel de cette concurrence devrait se jouer sur des relations à moyennes et longues distances qui sont aujourd’hui assurées par les TET, en raison, comme rappelé ci-dessus, de l’intervalle minimum de 100 kilomètres entre deux arrêts commerciaux qui, respecté par l’exploitant, permet la création d’une ligne d’autocars interurbaine sans être soumis à une autorisation de l’Arafer.
En tout état de cause, selon une étude du cabinet MC 2 Group publiée à la fin du mois de juillet, même si le trafic des autocars longue distance pourrait littéralement exploser d’ici 2017, pour atteindre les cinq millions de voyageurs, contre 11 000 en 2014, et générer un chiffre d’affaires de 600 M€, l’impact de la concurrence des autocars ne devrait finalement entraîner « qu’un manque à gagner de 400 M€ pour le secteur ferroviaire ». Une perte pourtant non négligeable si on la compare à celle de la Deutsche Bahn, qui se trouve confrontée à la concurrence des autocars depuis janvier 2013 mais avec une distance entre deux arrêts d’au moins 50 km compte tenu de la densité urbaine allemande. Cette ouverture a permis de multiplier par quatre le nombre de lignes d’autocars interurbaines et de doubler le nombre de voyageurs qui est passé de 8,3 millions en 2013 à 19,6 millions en 2014. « Près de la moitié d’entre eux voyageait auparavant en train », constate le rapport Duron (voir ci-après) qui estime la perte pour la Deutsche Bahn à « seulement » 120 M€. Pourtant, en dépit du doublement des trafics, « aucun des 27 opérateurs autocaristes n’a encore atteint le seuil de rentabilité. »
En France, si les TET devaient être la cible privilégiée de la concurrence des autocars, c’est essentiellement en raison de leurs faiblesses structurelles liées à un positionnement « résiduel » entre TGV et TER, selon le terme d’un rapport de la Cour des comptes de février 2015. Il n’est pas nécessaire de revenir sur les multiples raisons du long déclin des anciens trains de grandes lignes, les Corail, au moment de leur splendeur dans les années 1975-1980, avant qu’ils ne deviennent des trains dits d’aménagement puis d’équilibre du territoire.
Chassés progressivement de leurs anciennes lignes d’excellence par les TGV à partir de 1981, ils ont ensuite été concurrencés ou carrément remplacés sur certaines relations interrégionales par l’accroissement de l’offre TER (y compris par celle d’autocars TER interrégionaux). Mais ils sont été aussi et surtout dévalorisés par la profonde modernisation des matériels des trains régionaux depuis le début des années 2000, alors que le parc des TET, essentiellement composé de voitures Corail, de locomotives électriques et diesel de séries très anciennes, vieillissait inexorablement d’année en année en l’absence de politique de renouvellement.
Pour effectuer ce tour d’horizon des actuelles lignes TET qui pourraient devenir la première cible de la concurrence des autocars, nous nous appuierons sur l’analyse des trafics et des potentialités des TET (réalisée ligne par ligne sur la base des résultats de 2013) du rapport de la commission sur l’avenir des TET présidée par Philippe Duron, la commission Duron
Son analyse s’appuie sur une démarche qui considère que les lignes TET sont « à très fort trafic lorsqu’elles comptent plus de deux millions de voyages par an; à fort trafic entre un et deux millions de voyages, à trafic moyen entre 250 000 et un million de voyages et à faible trafic à moins de 250 000 voyages par an ». De plus, « sur les tronçons terminaux, la fréquentation a été désignée faible lorsque [le trafic de ces tronçons] représente moins de 30 % des voyages effectués [en moyenne] sur la ligne, [et] très faible lorsqu’ils sont de moins de 10 %. » Une démarche dont on pourrait notamment contester l’aspect par trop globalisant, alors qu’il s’applique à des territoires et des besoins de transport et d’aménagement très différents (voir encadré).
Faute d’autres indicateurs récents et précis, il convient de s’en tenir à ces derniers, tout en séparant de cette analyse le cas spécifique des trains de nuit, même si une offre autocar doit également se mettre en place sur ce créneau commercial particulier (voir encadré). Le rapport Duron, comme celui de la Cour des comptes sur les TET, semble avoir fourni une base commune aux décisions gouvernementales résumées dans la « Feuille de route pour l’avenir des TET » qui a été présentée le 7 juillet par Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports
De toutes les relations TET, c’est incontestablement la transversale Bordeaux–Lyon et ses deux itinéraires, au sud via Brive ou au nord via Limoges, qui apparaît être la plus fragile. Une situation récemment aggravée par l’interruption des circulations sur les deux itinéraires en raison de l’état alarmant de la voie
Les faibles niveaux de l’offre TET se réduisent à deux allers-retours hebdomadaires et à un aller-retour quotidien selon les itinéraires, et les performances sont au mieux de 6 heures 24 pour 431 km de trajet (!). La fréquentation, liée majoritairement au cabotage, se limite à moins de 100 voyageurs par train, la section Bordeaux–Périgueux cumulant à elle seule la moitié du trafic! Le rapport propose donc la coordination des TER des nouvelles régions qui fusionneront au 1er janvier 2016 (Aquitaine-Limousin et Rhône-Alpes-Auvergne) pour desservir l’itinéraire nord, et préconise la desserte par autocar via l’autoroute A89 pour desservir l’itinéraire sud. D’ailleurs, certains services sont déjà sur l’itinéraire nord, comme dans le cas de Clermont-Ferrand–Roanne, opérés sur route… par Keolis, filiale du groupe SNCF. Cette recomposition nécessiterait cependant une organisation complexe de l’offre afin de pouvoir couvrir l’ensemble des localités intermédiaires de quelque importance, tout en respectant la règle des 100 kilomètres entre deux arrêts
Dans le rapport Duron, l’avenir de la rocade Caen–Alençon–Le Mans–Tours n’incite guère plus à l’optimisme, même si le trafic des TET y est beaucoup plus élevé que celui constaté sur l’axe Bordeaux–Lyon. En effet, il atteint en moyenne 160 voyages par train pour un seul aller-retour quotidien, auquel s’ajoutent trois allers-retours TER, avec un trajet réalisé en 1 heure 40 pour 166 kilomètres. Le rapport de la commission préconise la reprise de l’offre TET par des TER interrégionaux, parallèlement au lancement d’une offre autocars interville directe qui emprunterait l’A88 puis l’A28 entre Caen, Le Mans et Tours
Les TET sont les derniers trains de voyageurs qui circulent aujourd’hui de bout en bout sur la ligne de l’Aubrac (Clermont-Ferrand–Saint-Flour–Millau–Béziers) et ses 368 kilomètres effectués en 6 heures 32 de trajet. Ils sont aussi les moins fréquentés du réseau national, avec en moyenne pas plus de 50 à 70 voyageurs par train
Le sort de la section Hirson–Charleville–Valenciennes–Charleville-Mézières–Thionville–Metz est scellé en faveur d’une refonte avec les TER de la nouvelle région Alsace -Lorraine-Champagne-Ardennes. C’est parce que l’unique aller-retour TET quotidien, qui demande 3 heures 12 de trajet pour 231 km, ne draine en moyenne que 8 voyageurs par jour et par train sur Hirson–Charleville, et 32 au-delà! Mais ici, faute d’une offre routière performante, l’autocar ne peut se substituer au train.
L’autocar pourrait-il également remplacer le TET sur la dorsale pyrénéenne Toulouse-Bayonne-Hendaye? Sur cette relation à niveau de trafic qualifié de « moyen », d’une longueur de 359 km et parcourue en 4 heures 25 par 5 trains TET quotidiens qui accueillent en moyenne 150 voyageurs par train, 92 % des flux est concentré sur la section Toulouse–Tarbes–Bayonne. Le rapport Duron préconise le « recentrage de l’offre » sur les principales dessertes interurbaines TER, parallèlement à un transfert par autocar (via les autoroutes A64 et A63) « pour les trajets à longue distance ». Reste à connaître le véritable potentiel de ces liaisons directes, compte tenu de la double nécessité liée aux temps d’entrée et sortie de l’autoroute pour desservir les villes importantes, et de l’obligation de dérogation auprès de l’Arafer pour effectuer des dessertes en deçà de la règle des 100 kilomètres. Cette question se pose pour les dessertes intermédiaires, puisque Tarbes, Lourdes et Pau, des villes qui totalisent les deux tiers des populations à desservir hors Toulouse, ne sont distantes respectivement que de 16 et 33 kilomètres.
La question des méthodes d’exploitation, liées à l’encadrement du marché et de l’offre qui en découlerait, se pose sous diverses formes pour la plupart des lignes TET qui seraient susceptibles d’être remplacées par des autocars. Ainsi, même si les temps de trajet
Toutefois, et comme l’estime Pierre Cardo, le président de l’Arafer (voir encadré page précédente), le marché des autocars interurbains ne se limite pas, loin de là, aux seules lignes TET susceptibles d’être transférées sur route. On ne sait pas encore si elles deviendraient des lignes routières TET, à l’instar des lignes routières TER. Dans ce cas, elles ne pourraient rester dans le giron de l’État autorité organisatrice et de la SNCF, qui reste pour le moment l’opérateur unique des TET. Il faudrait que leur gestion passe vers les régions concernées, quitte à créer des autocars TER interrégionaux à l’image des nombreux TER de ce type qui ont été mis en place par des régions associées, pour remplacer des TET disparus ou faute de TET existants. C’est ce qui a été fait, pour ne citer que ces exemples, avec les services Inter-Loire (Orléans–Blois–Tours–Angers–Saumur–Nantes), Aqualys (Paris–Orléans–Blois–Tours) et les TER interrégionaux Troyes–Langres–Dijon
D’autre part, comme le montrent d’ores et déjà certaines des 17 premières relations du schéma isilines de Transdev, d’autres marchés pourraient se présenter à l’autocar en raison des nombreux trous qui existent aujourd’hui dans la desserte des lignes TER, TET ou même dans celles des TGV. Il peut s’agir de trous horaires avec les traditionnels creux de dessertes de mi-journée, ou de trous géographiques qui concernent des localités situées hors ligne alors qu’elles présentent des potentialités de trafic. Mais on peut penser aussi aux très nombreuses relations qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucune desserte ferroviaire, sauf au prix de trajets longs et improbables.
Cette analyse a été esquissée début août 2015 par le site comparateur de voyages en ligne GoEuro qui, début août, a fait le point sur les offres existantes ou celles qui sont en cours de mise en place, qu’il s’agisse d’iDBUS, d’Eurolines-isilines, de Strarshipper, de Megabus ou de FlixBus. Une dizaine de relations ont été ciblées pour lesquelles l’autocar pourrait apporter de meilleurs temps de parcours que le train, principalement en éliminant des correspondances longues ou aléatoires, certaines d’entre elles étant d’ailleurs la conséquence de la disparition au fil des années d’anciennes relations grandes lignes SNCF
Côté relations ferroviaires inexistantes ou trop complexes, on pourrait aussi ajouter Nantes–Poitiers, une desserte qui pourrait être prolongée vers Limoges et vers Clermont-Ferrand, voire vers Lyon selon un itinéraire différent de la liaison ferroviaire. Dans ce type de situation, on peut ajouter Caen–Laval–Angers–Poitiers, Rouen–Orléans/ Tours, Bordeaux–Pau/Tarbes, Clermont-Ferrand–Saint-Étienne–Valence–Grenoble et Toulouse–Clermont-Ferrand–Lyon. Autant de nouveaux axes qui, mis en cohérence, créeraient un véritable réseau et seraient autant en concurrence qu’en complémentarité avec les trains, particulièrement là où la desserte ferroviaire du territoire reste insuffisante tant en densité qu’en qualité
Cette démarche de complémentarité intermodale soulèvera les problèmes conjoints de la coordination rail-route et de la création, comme du choix de l’emplacement
« TET: agir pour l’avenir », 25 juin 2015.
« Feuille de route du gouvernement pour un nouvel avenir des trains d’équilibre du territoire, 7 juillet 2015 ». Son application amènera la création d’un conseil consultatif des TET, visera à préparer la convention 2016-2020 avec la SNCF en concertation avec les régions et engagera un renouvellement du parc des matériels TET d’ici 2025 pour un montant de 1,5 Md€ en sus des 510 M€ déjà engagés pour la fourniture, d’ici la fin 2016, de 34 rames dérivées des Regiolis Alstom.
Le rapport Duron estime à hauteur de 60 M€ les « importants » travaux nécessaires pour la remise à niveau des différents tronçons de la transversale Bordeaux–Lyon!
Périgueux (7 800 habitants) et Clermont-Ferrand (283 000 habitants) sont les plus importantes villes intermédiaires distantes entre elles d’au moins 100 km sur l’A89, alors que Brive (80 000 habitants) ne se situe qu’à 70 km de Périgueux et Tulle (42 000 habitants) à 41 km de Brive (distances autoroutières plus accès).
La desserte d’Alençon, une ville de 26 000 habitants distante de 86 km de Caen et de 50 km du Mans, nécessiterait donc une autorisation de l’Arafer.
La ligne du Cévenol (Clermont-Ferrand–Brioude–Langogne–Alès–Nîmes) présente une problématique proche de celle de la ligne de l’Aubrac avec 305 km parcourus en 5 h 10 par un seul aller-retour quotidien TET qui accueille en moyenne 110 voyageurs. Mais faute d’alternative routière performante sur cet axe au relief difficile et en raison du potentiel touristique du parcours, le rapport préconise un « regroupement de l’offre TET avec celle des TER ».
Le rapport constate que les temps de trajet n’arrivent qu’en quatrième position dans les préoccupations des voyageurs des TET, bien après les coûts, le confort, la fiabilité et la trame de l’offre de transport.
Par exemple pour l’axe Bordeaux–Lyon, une desserte de type Bordeaux–Périgueux–Tulle–Clermont–Lyon suivie d’une seconde de type Bordeaux–Brive–Clermont–Lyon.
Le rapport propose cette solution aux mêmes régions concernées pour remplacer les TET Dijon–Chaumont–Châlons-en-Champagne–Reims.
Comme l’express Manche-Océan qui reliait Calais et Boulogne à Rouen, Caen, Nantes, Bordeaux et Hendaye.
Si cette relation, qui fait partie de la ligne TET Quimper–Nantes–Bordeaux–Toulouse, est peu plus longue par le rail (30 minutes) alors qu’elle est directe, c’est en raison des ralentissements liés à l’état de la ligne Nantes–La Rochelle–Bordeaux. En revanche, l’itinéraire routier bénéficie de l’A83 puis de l’A10.
Même un axe comme Paris–Rouen–Le Havre/Caen pourrait être exploité par autocar en complémentarité avec le train et en associant routes et autoroutes selon un trajet différent de celui de la voie ferrée. Cela permettrait de desservir des agglomérations à l’écart du rail comme Louviers et Pont-Audemer, voire Honfleur à partir d’une antenne Le Havre–Caen!
Devront-elles être jumelées aux gares ferroviaires dans un grand pôle transport intermodal, être installées indépendamment en centre-ville ou être établies en périphérie en correspondance avec les terminus des transports urbains pour rester plus proche des accès autoroutiers?
Les douze relations nocturnes des TET, qui auraient perdu près du quart de leur trafic depuis quatre ans, recouvrent des missions très différentes dans des environnements variés. Dans cet ensemble, le rapport Duron, comme la feuille de route gouvernementale, identifient toutefois des « lignes indiscutables en raison de l’absence d’une offre alternative suffisante pour les territoires concernés ». Trois relations relevaient de cette démarche, principalement « en raison de leur caractère particulièrement enclavé »: Paris–Valence–Briançon, Paris–Brive–Rodez et Paris–Toulouse–Latour-de-Carol. Pour cette dernière, les importants travaux d’infrastructures prévus en 2017 sur l’axe POLT (Paris–Orléans–Limoges–Toulouse) devraient affecter la desserte de nuit. C’est pourquoi, durant cette période, le rapport préconise soit le maintien du service via un itinéraire alternatif, soit la substitution par autocar de nuit (!).
D’autres relations qui ont, ou devraient avoir prochainement, des alternatives par trains de jour, ne devraient pas être maintenues. Outre la desserte Paris-Savoie, qui bénéficie déjà de la grande vitesse, ce serait le cas des liaisons Luxembourg/Strasbourg–Nice/Cerbère et Paris–Côte vermeille, en raison de l’achèvement d’ici 2017 de la seconde phase de la LGV Est européenne et de celle du contournement Nîmes–Montpellier. Paris–Tarbes/Hendaye serait quant à elle impactée par la mise en service de la LGV Sud Europe Atlantique en juillet 2017. Ce point de vue ne se justifie pour la première relation que jusqu’à Marseille, puisqu’aucun gain de temps de trajet significatif ne peut être trouvé vers Nice ni vers Cerbère faute de LGV PACA et de LGV Montpellier–Perpignan.
En tout état de cause, en France comme dans les autres pays européens, un nouveau modèle reste à trouver pour les trains de nuit dont les contraintes sont particulièrement fortes en raison des coûts de fonctionnement et des forts taux de remplissage à réaliser (450 voyageurs par train) pour équilibrer l’exploitation. Aussi, de nombreuses relations pourraient s’offrir aux liaisons par autocars de nuit « qui offrent des conditions de transport appréciées de la clientèle à un coût moindre ».
Un modèle fiable doit être également trouvé par les autocaristes dans la mesure où le segment des 600 km, considéré comme idéal pour les trains de nuit, ne s’applique pas ici et que le marché nocturne est concurrencé à la fois par les TGV et par les avions « qui rendent possibles des départs tôt le matin et des retours tard le soir ». Sont concernés aussi, constate le rapport, les hôtels low cost « qui ont rendu compétitifs des modes de transport associant déplacement de jour la veille et nuit sur place ».
L’analyse ligne par ligne des relations TET dans le rapport Duron a l’inconvénient majeur de tronçonner la vision générale des TET, et donc de ne pas tenir compte de l’impact d’un « effet réseau » ni même d’un simple « effet ligne » en raison du classement dit faible d’un tronçon qui totaliserait moins de 30 % du trafic de l’ensemble de la ligne. Une démarche qui mène à des résultats étonnants, comme dans le cas de l’axe à très fort trafic Paris–Rouen–Le Havre, puisque le tronçon terminal Rouen–Le Havre peut être mis sur la sellette car il n’assure “que” 28 % de l’ensemble des trafics de la ligne, contre 72 % pour la section Paris–Rouen. Ce trafic, pourtant très supérieur à celui de très nombreuses autres lignes de TET, amène presque mécaniquement le rapport à proposer « l’adaptation » (comprendre: la diminution) des fréquences sur le tronçon terminal!
À cet inconvénient de la méthode, on peut ajouter celui d’une mise en avant des coûts sans véritable confrontation avec le service rendu, puisque ce tronçonnage des lignes vise à rappeler qu’en raison des « contraintes d’exploitation, les rames utilisées poursuivent dans leur composition intégrale leur desserte jusqu’au terminus ».
Une argumentation si proche de celle qu’utilise la SNCF en évoquant les coûts jugés prohibitifs des TGV qui poursuivent des parcours sur lignes classiques, qu’on pourrait la croire calquée! Car à la différence des pays voisins comme l’Allemagne, le système d’exploitation SNCF des trains rapides et express classiques a voulu éliminer au maximum les rames à destinations et compositions multiples qui permettent d’ajouter ou d’enlever des voitures dans les gares de bifurcation. Une élimination jugée nécessaire en raison des coûts des manœuvres dans les gares d’éclatement et de regroupement des tranches de trains, comme de l’impact, jugé négatif sur les durées de parcours, des temps d’arrêts dans ces mêmes gares.
