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Malmö donne le “la” en matière de mobilité durable

Suède La troisième ville du pays a décroché cette année le titre de la municipalité qui possède le système de transport le plus durable. Malmö s’est en effet classée en tête du palmarès des villes les plus favorables au vélo. Retour sur les secrets de cette réussite.

Il fait bon se déplacer à Malmö. Que ce soit en bus, en train, à vélo ou à pied, la troisième ville de Suède, située à l’extrême sud-ouest du pays, peut s’enorgueillir d’un système de transports en commun, de pistes cyclables et de cheminements piétons faciles d’utilisation, efficaces, durables et fréquentés.

Il fait même tellement bon s’y déplacer, qu’au cours des dernières années la ville a cumulé de nombreux prix et récompenses, dont les derniers très récemment. Au mois de mai, la Cykelfrämjandets, l’organisation nationale suédoise de promotion du cyclisme, a placé Malmö au sommet de son palmarès annuel des villes du pays les plus favorables aux vélos. Au mois de juillet, une étude à l’échelle nationale, réalisée par le cabinet de conseil suédois Trivector pour mesurer la performance des réseaux de transport, a décerné à la ville le titre de municipalité possédant le système de transports le plus durable.

Cette reconnaissance ne tient absolument pas du hasard. Tout au long des années 2000, Malmö a mené des actions visant à réduire la part de la voiture et à favoriser d’autres modes de transport moins polluants. Les chiffres de la mobilité dans la ville sont d’ailleurs significatifs: en l’espace de cinq ans (entre 2007 et 2013), la fréquentation des transports publics a augmenté de 25 %. Au niveau des répartitions modales, et alors que la population de 303 000 habitants est passée à 313 000, la voiture (40 % de parts) est minoritaire et a même diminué au cours de la période. À l’inverse, le vélo (22 %), le transport public (21 %) et la marche à pied (15 %) ont augmenté.

Une implication continue et globale

Quelles sont les initiatives qui ont permis d’atteindre ces résultats? Dès le début des années 2000, et en partenariat avec l’autorité organisatrice des transports de la région (Skånetrafiken), la ville a su opter pour la mise en place d’un précepte bien connu des collectivités américaines, mais qui n’en est qu’à ses prémices en France et dans de nombreux pays européens: mettre en œuvre une vraie politique de mobility management. Le concept consiste à développer une vision globale de la mobilité pour obtenir des résultats et optimiser les coûts. À Malmö, cela a consisté à bien définir les objectifs qu’elle souhaitait atteindre sur le long terme, à savoir réduire d’ici à 2031 les déplacements en voiture pour qu’ils ne dépassent pas 30 %, et faire en sorte que « la marche, le vélo et les transports publics correspondent à au moins 75 % des déplacements des habitants et 70 % des déplacements domicile-travail », commente la ville.

La réflexion a aussi concerné le moyen de trouver les financements pour atteindre ces objectifs, et notamment la recherche de partenariats avec les entreprises, des soutiens européens et nationaux.

Des actions pour changer les mentalités

Plusieurs actions ont été menées de front pour obtenir des résultats. L’une d’entre elles, qui constitue un aspect essentiel du développement de la mobilité durable bien que parfois négligée, a été d’essayer de modifier les habitudes de déplacement des habitants. Pour cela, la municipalité a su faire preuve d’imagination en développant, dès 2001, plusieurs initiatives pour convaincre ses résidents de laisser leur voiture au garage, comme la campagne « Aucun déplacement inutile en voiture », lancée en 2007. Partant du principe que dans la ville, 38 % des déplacements en voiture font moins de cinq kilomètres et peuvent donc être effectués autrement, Malmö a proposé aux habitants de raconter l’histoire d’un déplacement en voiture inutile fait par eux-mêmes ou un de leurs amis, avec à la clé la possibilité de gagner un vélo. Le succès de la campagne a été tel qu’elle est désormais reconduite chaque année, et que plusieurs villes en Suède et dans le monde ont lancé elles aussi leur propre campagne.

Autre exemple d’initiative, celle baptisée « Nouvelle adresse, nouvelles habitudes de déplacements ». Lancée en 2005, elle ciblait les nouveaux résidents de la ville. Ils recevaient une lettre leur expliquant à quel point il était facile de se déplacer sans voiture à Malmö et comment faire, suivait un appel téléphonique leur donnant des conseils de déplacement. « Ceux qui utilisaient la voiture pour la plupart de leurs trajets se sont vus offrir une carte de transport d’un mois ou un vélo en location. Ceux qui utilisaient déjà en grande partie les transports en commun, marchaient ou faisaient du vélo ont été inscrits à une compétition pour gagner un vélo », indique la municipalité.

Un paradis pour cyclistes

Mais travailler à un changement des mentalités n’est pas tout. Encore faut-il proposer des alternatives efficaces à la voiture. Une réflexion pour mettre en place des stratégies de développement différenciées selon le mode de transport a été initiée. Ces politiques ont notamment concerné les déplacements à vélo. Pourtant, les habitants de la ville, comme c’est le cas dans beaucoup de ses voisines scandinaves, ont une longue histoire de la pratique du vélo. Comme l’explique Malena Möller, chargée de la planification de la circulation au sein de la municipalité, « Malmö est une ancienne ville industrielle, et [dans la première moitié du XXe siècle, ndlr], beaucoup de gens se rendaient au travail à vélo car ils n’avaient pas les moyens de se déplacer en voiture. » Mais la voiture, comme partout ailleurs, a pris de l’importance après les années cinquante, au point d’empiéter sur la bicyclette. Il fallait donc agir vite pour éviter le déclin inexorable du vélo. Une politique de développement de pistes cyclables sûres et connectées entre elles a été mise en place. Résultat aujourd’hui, « Malmö est reliée par 490 kilomètres de voies cyclables et propose plus de chemins vélos que n’importe quelle ville suédoise – et même plus que sa ville sœur Copenhague, célèbre pour sa culture du vélo », se félicite-t-on à Malmö.

Si les pistes cyclables sont une bonne chose, il faut aussi encourager les voyageurs à les utiliser. Pour cela, tout a été fait au cours des dernières années pour que les cyclistes, du dimanche ou de tous les jours, se sentent chez eux dans la ville. Ainsi, des rebords pour s’accouder en attendant aux feux tricolores ont été installés, des poubelles inclinées permettent aux cyclistes de jeter leurs déchets sans descendre de leur petite reine. Des mini-stations de réparation, équipées de pompes à vélo, ont été disséminées dans la ville et des compteurs de cyclistes ont fleuri pour « d’une part pouvoir compter les vélos, mais aussi montrer aux cyclistes qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils font partie d’une communauté », commente Malena Möller.

Pour améliorer la sécurité, un travail sur la luminosité des voies cyclables a été engagé. Des miroirs ont été placés aux intersections pour permettre aux cyclistes de voir la circulation aux endroits les moins visibles. Un système de capteurs a été installé à 28 intersections routières pour donner la priorité aux vélos en faisant passer le feu au vert pour eux avant les voitures.

Le stationnement n’a pas été en reste avec la création de parkings à vélos. Mais attention là aussi, la ville a tenu à faire les choses en grand en travaillant tout particulièrement à rendre les lieux agréables et faciles d’utilisation. Ainsi, plusieurs stations de train ont été pensées avec un nombre important de places de stationnement au top du confort. À la gare centrale par exemple, un espace permettant d’accueillir 1 500 bicyclettes a été inauguré en 2014. Équipé de pompes, de salles de repos, de toilettes et d’écrans d’information sur les heures d’arrivée et de départ des trains, il dispose même d’une douche! D’autres places de stationnement ont directement été prises aux voitures sur la voirie. Pour les mettre en valeur et les rendre tout particulièrement reconnaissables, elles ont la forme d’une voiture orange, ce qui permet de montrer qu’une voiture stationnée prend l’espace qu’occupent 10 vélos environ.

Un réseau de bus performant et durable

Les initiatives pour réduire la part de la voiture ont aussi concerné la flotte des 160 bus de la ville qui transportent 40 000 voyageurs par jour. Au cours des dernières années, « plusieurs politiques et programmes ont participé à rendre l’offre des bus et des trains locaux opérés par Skånetrafiken [entreprise en charge des transports en commun du comté de Scanie, ndlr] encore plus attractive. Ces efforts comprennent l’augmentation de la fréquence des bus et la mise en place de voies réservées. De plus, des panneaux d’information en temps réel ont vu le jour », décrit un document de présentation des transports publics de la ville.

Une des actions la plus marquante est le lancement, en 2014, des MalmöExpressen. Ces bus hybrides bi-articulés, d’une longueur de 24 mètres et permettant la montée et la descente à toutes les portes, ont été inaugurés pour offrir des trajets plus rapides et plus confortables. La première ligne à avoir bénéficié de cette petite révolution a été la ligne 5 qui, avec quatre millions de voyages par an, est la plus fréquentée de la région. Couplée à ces nouveaux véhicules, la fréquence a été portée à 3,75 minutes et des voies réservées ont été créées. Résultat, depuis leur mise en circulation, la ligne a vu sa fréquentation dopée de 20 %. Un succès qui pousse la ville à continuer d’amélioration le service, au point qu’elle s’est donné pour objectif de remplacer progressivement tous les véhicules des lignes ayant atteint leur capacité maximale par des MalmöExpressen.

La révolution de l’Øresund et du City Tunnel

Les services de train de la ville n’ont pas été oubliés. La réalisation la plus emblématique est sans conteste la mise en service en 2000 de l’Øresund, un pont routier et ferroviaire de près de huit kilomètres reliant Malmö à Copenhague, la capitale danoise. D’un montant 4,7 milliards d’euros et financé par le coût d’un péage que doivent payer les usagers, il est géré par une compagnie détenue à moitié par l’État danois et à moitié par l’État suédois. Cette connexion a permis de relier la ville au reste de l’Europe, en plus de booster la fréquentation des transports en commun comme l’économie.

En complément de cette ligne internationale, le City Tunnel, une ligne de 17 kilomètres de long reliant la gare centrale de Malmö et le pont de l’Øresund, a été inauguré en 2010. Fort de trois stations, le projet a coûté un peu moins d’un milliard d’euros et a facilité les déplacements à Copenhague, l’aéroport de la capitale se situant désormais à 14 minutes de la ville par le train. La création du City Tunnel a aussi permis le développement de lignes de trains régionaux, augmentant ainsi la qualité et la simplicité de service.

Un mouvement perpétuel

Si les améliorations apportées ont déjà donné de très bons résultats, la ville et les acteurs du transport savent qu’il sera nécessaire d’en faire plus pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2031 et faire face à l’augmentation de la population et des déplacements. Pour y parvenir, plusieurs projets sont en cours de réalisation ou de réflexion. Parmi eux, celui de doter la ville d’un nouveau tramway, car si Malmö en a un depuis 1807, il n’en reste aujourd’hui qu’un tronçon de deux kilomètres utilisé principalement à des fins touristiques. L’objectif du nouveau projet est d’augmenter la capacité et d’embellir les quartiers du centre. « Pour ce faire, nous souhaitons nous inspirer des agglomérations françaises qui ont su utiliser le tramway pour redessiner leur ville », indique Malena Möller. Cependant, si les études de faisabilité ont d’ores et déjà été effectuées, le projet d’un montant de 315 millions d’euros doit être financé, « car nous n’avons pas encore trouvé l’argent pour cela. »

En plus de ce projet d’envergure, la ville et son autorité organisatrice envisagent de mettre en service de nouveaux trains locaux et une réflexion est en cours, en partenariat avec Copenhague, pour créer d’ici 2035 un métro entre les deux villes. Le but est de réduire les temps de trajet, de faire face à l’augmentation de la fréquentation et de favoriser le développement économique. Malheureusement, tout comme pour le tramway, le projet estimé à 1,4 milliard d’euros doit encore être financé. Une chose est sûre cependant, si ces initiatives voient le jour, Malmö pourrait bien continuer à donner le “la” en matière de mobilité durable.

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Auteur

  • Shahinez Benabed
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