Suite à la ratification définitive de l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie, les 20 et 21 juillet derniers, Pascal Bureau, secrétaire du conseil d’administration de l’Association des paralysés de France (APF), dénonce une opération de lobbying.
Non, mais elle ravive une profonde déception. Début juin, le vote du projet de loi de ratification de cette ordonnance par les sénateurs ouvrait la voie à la dégradation de l’accessibilité. Les députés leur ont ensuite emboîté le pas, en adoptant un texte rétrograde, ne respectant pas les droits fondamentaux des personnes.
Dans cette dernière ligne droite, les parlementaires ont suivi ces orientations sans proposer de modifications majeures, contrairement aux engagements qu’ils avaient pris auprès du Collectif pour une France accessible pour modifier le texte de manière substantielle.
Si lors de débats parlementaires certains députés ont rappelé les enjeux de l’accessibilité, le reste des discussions, consacré au pragmatisme et au pseudo-réalisme économique, a servi aux intérêts économiques et budgétaires des lobbies privés et publics, sous l’impulsion du gouvernement. Cela nous amène à nous interroger sur la volonté de l’État à lutter contre la discrimination.
Alors que l’obligation d’accessibilité date de 1975, la loi handicap de 2005 constituait une avancée considérable dans l’organisation inclusive de l’espace public pour les personnes à mobilité réduite, en particulier sur le versant transport.
Aujourd’hui, la ratification de cette ordonnance marque un sérieux retour en arrière.
Non seulement elle n’accorde aucune considération au texte de 2005, mais elle témoigne d’un mépris des parlementaires, du gouvernement, de l’État pour les difficultés vécues par les personnes en situation de handicap ou celles gênées quotidiennement dans leurs déplacements.
De plus, elle risque de contribuer à isoler les communes rurales et les générations vieillissantes, car là ou les réseaux urbains ont réalisé de nombreux aménagements accessibles, bon nombre de petites et moyennes villes accusent un retard important.
Nous avons alerté tous ceux que nous pouvions alerter. Nous avons soumis une requête au Conseil d’État visant à démontrer qu’il existe une discrimination des personnes à mobilité réduite dans les transports publics du fait de leur non-accessibilité.
Nous espérons que le Conseil d’État produise un arrêté d’avis non conforme à la Constitution française relatif à cette ordonnance.
Une fois l’arsenal institutionnel français épuisé, nous nous tournerons vers les instances européennes pour rappeler que cette ordonnance est contraire à la Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées, signée et ratifiée par la France.
Oui. La loi Macron évoque la création de nouvelles lignes et sous-entend, comme dans toute création de ligne, une prise en compte du versant accessibilité en amont. Mais les gares routières seront-elles adaptées?
Alors que la loi handicap du 11 février 2005 fixait la mise en accessibilité des lieux publics et des transports au 1er janvier 2015, l’ordonnance du 26 septembre 2014 propose aux autorités organisatrices (AO) de créer des d’Agendas d’accessibilité programmée (Ad’ap) afin de programmer leur démarche, à trois ans dans le transport urbain, six ans dans les transports interurbains et neuf ans dans les transports ferroviaires. Là où le texte de 2005 imposait une amende de 45 000 euros en cas de non-conformité avec la loi, les AO ne mettant pas en place d’Ad’ap s’exposent aujourd’hui à une amende de 2 500 euros et à des poursuites pénales.
Philippe Mouillier, sénateur des Deux-Sèvres (groupe Les Républicains).
« Nous sommes parvenus à une nouvelle rédaction qui me paraît plus équilibrée et moins de nature à faire peser sur les AOT des charges excessives. »
Jean-Claude Requier, sénateur du Lot (groupe du Rassemblement démocratique et social européen).
« Les objectifs de mise en accessibilité pourront être tenus et offrent aux gestionnaires d’ERP et de services de transport une solution adaptée et réaliste. »
Michelle Meunier, sénatrice de la Loire-Atlantique (groupe socialiste et républicain).
« Dix articles ont fait l’objet de discussions. L’Assemblée nationale a parfois choisi d’aller plus loin que le Sénat, notamment en matière d’accessibilité des points d’arrêt de transports scolaires […] Je suis convaincue que ces avancées vont dans le bon sens. »
René-Paul Savary, sénateur de la Marne (groupe Les Républicains).
« Si les travaux de mise en accessibilité n’ont pas tous été effectués au bout de dix ans, il faut en tirer des enseignements. À défaut, dans trois ans, le résultat sera le même. »
Olivier Cadic, sénateur représentant les Français établis hors de France (groupe UDI).
« Avec les dispositions présentées aujourd’hui, le volontarisme de la loi de 2005 fait place à l’attentisme. Le dogmatisme des normes absurdes responsables de l’échec de la loi de 2005 perdure. »
Annie David, sénatrice de l’Isère (groupe communiste républicain et citoyen).
« La France est à la traîne parmi les pays ayant ratifié la convention de l’organisation des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, le gouvernement a fait le choix de reculer. »
Bernadette Laclais, députée de la Savoie (groupe socialiste, républicain et citoyen).
« Il n’était pas davantage envisageable de rester dans une situation bloquée, propice à des contentieux et à des condamnations pénales. »
Jean-Paul Tuaiva, député de la Polynésie (groupe UDI).
« Il est plus que temps de mettre en œuvre des solutions concrètes et réalistes pour faire de l’accessibilité une réalité. »
Martine Carrillon-Couvreur, députée de la Nièvre (groupe socialiste, républicain et citoyen).
« Certaines collectivités ou organismes […] ont bien avancé et ont relevé très rapidement le défi en faisant preuve d’une grande responsabilité. »
Véronique Massonneau, députée de la Vienne (groupe écologiste).
« Force est de constater qu’entre 2005 et aujourd’hui, on a parfois manqué de volonté et on n’a pas su ou pu dégager suffisamment de moyens. »
Barbara Pompili, députée de la Somme (groupe écologiste).
« Nous sommes aujourd’hui trop loin du point d’équilibre initialement trouvé. »
Nathalie Nieson, députée de la Drôme (groupe socialiste républicain et citoyen).
« Tout cela a un coût financier élevé pour les collectivités. À titre d’exemple, la mise en accessibilité d’un arrêt de bus s’élève à 15 000 euros. Si l’on veut intervenir sur tous les arrêts importants, c’est lourd. »
