Keolis a dû batailler pour rester délégataire du réseau gratuit Horizon. Une DSP remportée grâce à des engagements ambitieux sur la fréquentation, avec de forts enjeux financiers.
« Pour être compliqué, ça a été compliqué… » Jamais Jean-Luc Quintric, directeur de Keolis Châteauroux, n’avait vu le marché des transports en commun de cette agglomération de l’Indre aussi disputé. Et si l’opérateur a remporté la DSP du réseau Horizon, il s’en est fallu de peu. « Cette fois, c’était une première, il y avait les trois grands opérateurs français sur les rangs, plus le groupe suisse TRS, mais celui-ci a rapidement abandonné. Ça a été d’autant plus chaud, que chacun, à des titres divers, connaît le terrain. »
Ainsi, RATP Dev assure l’interurbain sur l’Indre et voulait se renforcer dans la région, alors que l’entreprise est déjà l’opérateur des réseaux de Bourges et de Vierzon. L’image de Châteauroux et de son réseau gratuit n’est sans doute pas non plus étrangère à cette compétition acharnée. « C’est vraiment au finish que nous l’avons emporté, en donnant un dernier coup de rein », analyse Jean-Luc Quintric.
« Les deux principaux critères étaient le prix pour 60 % et le technique pour 40 %, soit l’inverse du contrat précédent », reprend le directeur de Keolis Châteauroux.
Autre différence essentielle, il s’agissait cette fois d’une DSP et non d’un marché. « La DSP est un outil qui vieillit mieux, qui est plus précis et offre plus de possibilités d’imposer des obligations », estime Paul Pluviaud, l’élu en charge des transports. « L’agglo n’était pas en quête de grandes innovations puisque notre réseau fonctionne bien avec 4,7 millions de voyageurs par an, soit 61 voyages/habitant/an, alors que dans les villes de moins de 200 000 habitants, la moyenne est d’environ 40 voyages/habitant/an. Au final, oui, le choix s’est fait sur des critères financiers. Sur la durée de la DSP – six ans et deux mois à compter du 2 novembre – le coût du service est estimé à 30,8 M€ HT, soit une économie de 1,151 M€ TTC par rapport au marché précédent, avec une part fixe de 16 M€ et une autre variable liée à la fréquentation. »
Emmanuel Gerber, le technicien qui a porté le dossier avec l’aide du cabinet Olivier Darmon Consultant, précise: « Parmi les points intangibles du cahier des charges: le fait d’avoir un réseau unique, alors que jusque-là l’urbain et le périurbain étaient des lots distincts avec des véhicules aux livrées différentes, d’où l’image d’un réseau à deux vitesses ».
Autres volontés fortes: la suppression de certains services scolaires, la création d’une agence en centre-ville et l’amélioration de la visibilité de l’offre transport. « Nous ne voulions pas figer le cahier des charges et nous priver de la créativité apportée par les différents groupes! » L’appel d’offres a été lancé à l’automne 2014, les dossiers ont été remis en mars 2015, deux tours de négociations ont suivi en avril et en mai. « Ça a été une course de demi-fond, avec trois oraux, illustre Jean-Luc Quintric. C’est essentiel ces oraux. Cela permet d’avoir des informations pour faire évoluer sa proposition. Par exemple, lors de la réunion d’avril, nous avons senti que la livrée que nous proposions ne plaisait pas. »
Pour parfaire le dossier, l’équipe de Keolis Châteauroux a été renforcée et du personnel du siège ou d’autres réseaux Keolis sont venus en Berry apporter leur regard et leurs idées. Parmi les nouveautés de la DSP, le renforcement des fréquences sur les principales lignes, avec un cadencement au quart d’heure de la ligne 1 sur sa partie centrale, à la demi-heure aux extrémités. Le dispositif Flexo – des bus du soir aux itinéraires variables selon la demande pour les salariés quittant leur travail après 20 heures – est reconduit. Une agence sera créée en centre-ville dans les locaux de l’office de tourisme. Un gros effort sera fait avec la refonte des outils d’information traditionnels (guide bus, plan, site internet) et la création d’une application pour téléphone mobile. « On se savait très perfectible en matière d’information. D’autant que les technologies ont beaucoup évolué et que l’agglomération a fait le choix de limiter le SAEIV au pôle d’échange Voltaire et aux véhicules. »
Châteauroux Métropole a la volonté de capitaliser sur la gratuité de ses transports en commun – le mot gratuit apparaît sur la nouvelle livrée – et de moderniser son image par l’information connectée. Par ailleurs, pour améliorer les fréquences sans faire exploser les coûts, des économies vont être réalisées grâce à la suppression de certains services scolaires qui vont être mutualisés avec le réseau régulier, quitte à créer une rupture de charge, « mais uniquement pour certains lycéens et sur le pôle Voltaire qui est très sécurisé », insiste l’agglo.
Les conditions d’accès au service réservé aux PMR évoluent. Grâce aux SAEIV et à l’amélioration de l’accessibilité aux arrêts, une part importante des PMR peut désormais utiliser le réseau classique, une économie estimée à 40 000 kilomètres. Grosse économie également avec la relève en ligne. Jusqu’à présent, les changements de conducteur s’effectuaient au dépôt, impliquant donc des kilomètres à vide. Désormais, la relève s’effectuera au pôle Voltaire ou au terminus des lignes, ce qui permet, outre des économies, de meilleures fréquences entre 12 h 30 et 13 h 30. « Par ailleurs, poursuit Jean-Luc Quintric, il y a des périodes où certains arrêts n’ont pas besoin d’être desservis: une zone commerciale avant l’ouverture des magasins, l’école pendant les vacances, etc. Il faut OP-TI-MI-SER! » Tout en veillant à conserver une offre claire et lisible…
Mais le gros pari de Keolis, l’élément qui lui a permis de remporter la DSP, porte sur la fréquentation. Le groupe s’engage à la faire progresser de 15 % d’ici décembre 2021, sous peine de pénalités avec d’importants enjeux financiers à la clé! « C’est le gros engagement, ce qui a fait la différence », estime Jean-Luc Quintric qui prévoit que l’essentiel de cette progression sera réalisée dans la première année. En effet, à la fréquentation du réseau urbain actuel va s’ajouter celle du périurbain ainsi que les scolaires. La desserte de nouvelles communes va également favoriser l’augmentation de la fréquentation… et du kilométrage. Celui-ci devrait passer de 1,35 million de kilomètres à 1,55. Enfin, Keolis Châteauroux a prévu un important budget marketing. « Il faut que lon aille chercher le client », martèle Jean-Luc Quintric. « Je saurai dès la première année si nous parviendrons à atteindre les plus 15 % en fin de DSP. » L’année 2016 sera donc une année charnière pour le réseau Horizon… et son opérateur.
« Pour le service périurbain jusque-là assuré par une filiale de Keolis avec ses propres véhicules, nous avons acheté quatre nouveaux bus, des Heuliez GX 337 avec seulement deux portes afin de maximiser le nombre de places assises, via la centrale d’achat Agir. »
Agglomération de Châteauroux (données 2013):
– PTU de 15 communes.
– Population: 77 565 habitants (dont 47 600 à Châteauroux).
– Superficie: 531,7 km2.
– Densité de population: 141 hab./km2.
Le réseau HORIZON:
– 38 véhicules.
– 13 lignes régulières + 1 service PMR.
– 465 points d’arrêts.
– 4,7 M de voyages (dont 1,9 M pour la ligne 1), soit 61 voyages/an/habitant.
– Gratuité instaurée en décembre 2001.
La DSP:
– Durée de six ans et deux mois, du 2 novembre 2015 au 31 décembre 2021.
– Coût du service estimé à 30,8 M€ HT, dont une part fixe de 16 M€ et une autre variable selon la fréquentation.
« Il y a des périodes où certains arrêts n’ont pas besoin d’être desservis: une zone commerciale avant l’ouverture des magasins, l’école pendant les vacances. Il faut OP-TI-MI-SER! »