Lancée fin octobre par trois entrepreneurs d’Ile-de-France, l’application OuiHop’ promet de faciliter l’auto-stop urbain, en proposant une plateforme de mise en relation entre piétons et automobilistes. Ils l’ont fait, nous les avons rencontrés.
À l’ère d’Uber, d’Airbnb et de BlaBlaCar, le pouce, c’est très surfait. « Tout peut être ludique. Waze a rendu le GPS ludique, et nous, nous rendons ludique l’auto-stop », résume Laurent Maghdissian, l’un des trois cofondateurs de l’application OuiHop’, lancée le 20 octobre. Le start-uper de 33 ans, flanqué de ses deux compagnons: Jean-Baptiste Boneu, même âge, et Franck Rougeau, 50 ans, expliquent leur concept. « Vous avez un automobiliste et un piéton. L’idée, c’est que l’automobiliste, en faisant sa route habituelle, passe par l’application pour indiquer son itinéraire dans la ville. Il lui suffit d’appuyer sur un bouton, et il peut amener les piétons un peu plus loin sur son trajet. » L’appli géolocalise les utilisateurs et les met en relation sur une carte dynamique, permettant de héler virtuellement les voitures de passage, et à ces dernières de s’arrêter à la demande.
Ils se décrivent comme des « banlieusards », d’Orsay et Antony, au sud de Paris. Sourire en coin, ils sont gentiment piquants: « Les transports parisiens, ça rend créatif ». Les trois pionniers de OuiHop’ se sont rencontrés il y a deux ans et ont créé leur SAS, baptisée explicitement SmartAutostop, en juillet 2014. Laurent et Jean-Baptiste sont amis d’enfance. C’est lorsque le premier apparaît dans le journal local, brandissant son ambition de transformer la mobilité, que les trois entrepreneurs entrent en contact pour développer le concept. « Avec JB, on avait une vision très automobiliste. On se demandait comment convaincre le conducteur de s’arrêter pour prendre des auto-stoppeurs. Franck, lui, ne pensait qu’au piéton. Nous étions vraiment complémentaires », se souvient Laurent Maghdissian. Aujourd’hui, la start-up emploie une dizaine de développeurs, pilotés par Sammy Sayed, directeur technique.
L’entreprise compte se rémunérer sur les abonnements piétons, 2 € par mois à partir de trois utilisations. « Ça marche s’il y a beaucoup de volume », explique Franck Rougeau. Avec 1 200 téléchargements les 3 premiers mois, l’objectif est d’atteindre 100 000 utilisateurs en un an.
Côté piéton, le service est de toute évidence très avantageux. « Toutes les voitures qui passent à côté de vous sont des lignes de transport, et au prix d’un ticket de métro », illustre Laurent Maghdissian. Pour l’automobiliste cependant, c’est une autre histoire. « Ça peut paraître Bisounours, parce qu’on insiste sur l’entraide et qu’il n’y a pas d’argent qui circule sur l’appli, mais nous travaillons aussi sur des moyens concrets d’attirer les automobilistes », défend Jean-Baptiste Boneu. Les start-upers ont ainsi développé deux dispositifs pour inciter les conducteurs à utiliser l’appli. D’abord, un système de monnaie virtuelle, les hopiz, que les automobilistes peuvent accumuler en utilisant l’application. Ces hopiz permettent de bénéficier d’avantages auprès des partenaires de la start-up. Par exemple, avec 3 000 hopiz, l’utilisateur bénéficie de 30 € de remise chez Speedy ou d’un pass OuiHop’ piéton d’un an. Pour 4 000 hopiz, il peut bénéficier d’un cours d’écoconduite avec la société pétrolière BP. Le deuxième levier s’inscrit dans le jeu, grâce à un système de loterie automatique mensuelle. Un conducteur peut accumuler des tickets de loterie à partir de 500 hopiz et gagner six mois de carburant gratuit (chez BP, avec un plein par mois d’une valeur de 50 €), ou 10 pleins offerts d’une valeur unitaire de 50 €.
L’argument de l’entraide semble toutefois avoir conquis les premiers utilisateurs. Avant son lancement, les start-upers ont proposé l’application à 2 500 testeurs dans les entreprises du plateau de Saclay, un pôle technologique au sud de Paris. « Nous avons fait une étude marketing par téléphone auprès de 250 personnes. À la question: « Pourquoi vous êtes-vous connectés? », les gens répondaient souvent: « Ça me permet de me rendre utile sans faire d’effort ». C’est un peu comme tenir la porte dans le métro », raconte Laurent Maghdissian.
Les utilisateurs, autour de 30 ans pour les piétons (40 % de femmes) et de 40 ans pour les automobilistes (25 % de femmes), s’en tiennent aux trajets urbains et interurbains, jusqu’à 150 kilomètres par jour. « Pour les distances domicile-travail, c’est difficile d’utiliser un service de covoiturage classique. Il faut planifier à l’avance, et s’organiser pour partager, au final, un coût dérisoire », argumente Franck Rougeau.
OuiHop’ est-elle concurrente des transports publics? « Non, nous sommes complémentaires, insiste l’entrepreneur, On comble un manque de service, là où la fréquence et la capillarité du réseau sont trop faibles pour les usagers des bus. »
Les trois entrepreneurs cherchent de nouveaux partenariats commerciaux, « pourquoi pas avec des opérateurs pour proposer des tickets de bus, ou s’ouvrir sur le passe Navigo par exemple ». Cependant, ils misent en priorité sur l’expansion de la plateforme client avant de penser à des partenariats avec Les opérateurs traditionnels. « Les plateformes deviennent des références », conclut Franck Rougeau. Uber ne dira pas le contraire.
