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Sécurité

Très cher progrès

En matière d’aides à la conduite, l’histoire s’accélère depuis l’avènement du premier ABS pour autocar en 1981. Dernièrement, l’Union européenne a imposé le freinage d’urgence automatique (AEBS) et l’avertisseur de changement de files (LDWS). Cette surenchère a un coût!

C’est en 1981 que l’ABS (d’origine Wabco) fait son apparition sur le Mercedes-Benz O303. Il devient obligatoire pour tous les véhicules neufs au 1er octobre 1991. Aujourd’hui banalisé (il est devenu obligatoire sur les automobiles neuves en 2004), il demeure la pierre angulaire des systèmes d’aide à la conduite: il inclut des capteurs sur chaque roue, des éléctrovannes et un calculateur. Sans ces données, rien n’est possible. Sur cette base, en 1983, viendra d’ajouter l’antipatinage ASR.

La multiplication des électrovannes (« les canaux ») permet aussi une gestion roue par roue du freinage, et donc de rendre transposable aux véhicules industriels l’ESP généralisé depuis le 1er novembre 2014 (seuls en sont dispensés les véhicules de Classe A et de Classe I).

Les normes Euro III et suivantes ont contribué au développement des aides à la conduite en imposant, de fait, la généralisation de l’électronique à bord. Depuis 2010, les constructeurs avancent, avec les équipementiers tels que Continental, Bosch, Haldex, Hella, Valeo, Wabco ou ZF, vers les aides à la conduite avancées.

L’aide à la conduite de base a pour but de corriger, ou d’optimiser, les actions du conducteur sur son véhicule. Ainsi, l’ABS permet de concilier le pouvoir directionnel et la puissance de freinage.

Les aides avancées peuvent se substituer au conducteur lors de tâches délicates ou répétitives: l’exemple parfait est ici donné par les programmateurs de vitesse adaptatifs (ou ACC) et leur ultime évolution: le programmateur de vitesse adaptatif associé aux données topographiques par GPS.

Au 1er novembre 2015, l’Union européenne a rendu obligatoires les systèmes AEBS (freinage automatique d’urgence) et LDWS (détection de franchissement involontaire de file). Cette obligation, qui concerne tous les autocars de classe III neufs, induit l’installation d’office de radars et de capteurs optiques à l’avant des véhicules, ainsi que de systèmes de retour d’information au conducteur (en particulier pour le franchissement de file: actions sur le volant, siège vibreur ou bruiteur).

Addition indigeste

Cette profusion de systèmes et la surenchère d’équipements ont un coût, tant pour les constructeurs que pour les clients finaux. En France, l’obligation de monter un éthylotest antidémarrage pour tous les véhicules en exploitation au 1er septembre 2015 a pesé lourd dans le budget des entreprises (environ 900 € par véhicule).

Mais ce n’était qu’un apéritif. Les derniers équipements de sécurité imposés au 1er novembre 2015 ont, selon Laurent Gugumus, directeur commercial de Dietrich Carebus Group, un impact équivalent au passage à la norme Euro VI. Pour cette échéance, l’estimation porte sur 5 000 à 6 000 € en fonction des prix catalogue. Xavier Ringeard, président de FCC Bus, ne s’en cache pas, « je suis demandeur pour les 3 à 5 ans à venir d’une pause quant aux obligations nouvelles, car nous allons étouffer les constructeurs et les transporteurs sous des montagnes d’endettement! Les efforts ont été faits pour le renouvellement des flottes avec ceintures, il faut reconnaître l’effort et faire une pause pour l’amortir ».

Cette pause n’est pas encore au programme, puisque 2017 verra l’entrée en vigueur du règlement ECE R66-1 relatif aux tests de résistance au retournement. Il sera suivi en 2018 de l’AEBS phase 2 qui exigera du système de freinage d’urgence automatique d’identifier des véhicules cibles roulant à 12 km/h (au lieu de 32 km/h aujourd’hui), tout en augmentant en parallèle la valeur de décélération en m/s du véhicule en approche. Les constructeurs interrogés ne nous ont pas donné de budget de réparation en cas de dommage sur la face avant de l’autocar. Car le radar AEBS a un coût! Dans l’automobile, où les régulateurs de vitesse adaptatifs sont désormais monnaie courante en haut de gamme, il vaut entre 600 et 1 000 € HT. Outre les questions budgétaires, se posent d’autres questions liées à l’interface homme-machine…

Qui de la machine ou du conducteur aura le dernier mot?

Une de ces questions est posée très crûment par les rédacteurs du Livre blanc sur la Qualité des systèmes de transports, publié par le pôle de compétitivité Lyon Urban Truck and Bus (LUTB) en 2013: « Le principal problème pour le déploiement des systèmes concerne la fiabilité des systèmes de perception. Des fausses alarmes trop fréquentes risquent de détruire la confiance du conducteur dans le système, d’augmenter le rejet de ce dernier par le conducteur, et finalement de réduire l’efficacité du système par la non-prise en compte des bonnes détections. Des non-détections peuvent être catastrophiques si le conducteur modifie son comportement de conduite en s’appuyant sur le système pour détecter les dangers extérieurs, et donc être lui-même moins attentif, ou si le système prend le contrôle du véhicule à tort. » À plusieurs reprises, lors d’essais sur notre parcours tourisme, Nous avons eu l’occasion de constater de telles fausses alertes, désagréables pour le conducteur et surtout très anxiogènes pour les passagers! Les AEBS et autres ABA3 (la variante sophistiquée de l’AEBS, optionnelle chez Setra et Mercedes-Benz) ont encore des progrès à faire sur ce plan.

Si nous n’en sommes pas encore à la conduite entièrement automatisée, différents tests tendent à prouver qu’il s’agit pourtant d’un objectif. Mercedes-Benz et Yutong ont fait rouler respectivement un camion et un autobus en mode automatique, sans intervention du conducteur, sur plusieurs kilomètres, et ce, dans la circulation publique! En urbain, la démarche est même peut-être encore plus avancée, si l’on se souvient du système de guidage optique développé à l’époque par Matra Transport pour Irisbus pour équiper le Civis. Ce guidage optique est toujours commercialisé chez Iveco Bus sous le nom d’Optiboard. Il a d’ailleurs évolué dernièrement en se passant du marquage de gabarit limite d’obstacle. Gustav Tüschen, directeur du développement produit chez EvoBus (marques Mercedes-Benz et Setra) n’excluait pas, lors d’un entretien accordé à Bus & Car lors du salon IAA de 2014, que ces aides à la conduite puissent arriver en premier lieu sur des autobus urbains! N’oublions pas, là encore, le rôle des pouvoirs politiques et institutionnels: après Promote Chauffeur, voulu par la Commission européenne sur les poids lourds, c’est au tour de EBSF2, piloté par l’UITP, de travailler sur ces thèmes.

Xavier Ringeard, président de FFC Bus.

« Les efforts ont été faits pour le renouvellement des flottes avec ceintures, il faut reconnaître l’effort et faire une pause pour l’amortir. »

Le régulateur de vitesse vraiment intelligent est arrivé

Ultime développement du programmateur de vitesse, le programmateur adaptatif avec couplage topographique. Appelé Efficient Cruise chez MAN ou Predictive Powertrain Control chez Mercedes-Benz et Setra, il associe au programmateur radar un GPS et des données cartographiques.

Outre les interdistances de sécurité, il gère le pilotage du programmateur pour lui donner une tolérance face à la vitesse de consigne, afin d’optimiser les consommations. Le système va de lui-même autoriser, dans les limites préparamétrées par le conducteur, une dérive de la vitesse de consigne: à la baisse en approche de sommet de côte et à la hausse avant d’entamer une montée, tout comme le ferait un cycliste.

Les changements de rapports sont également anticipés en conséquence. Le système que nous avons conduit sur un Mercedes-Benz Travego entre Lyon et Clermont-Ferrand est étonnant de pertinence. Lorsque les données cartographiques sont absentes (ce fut le cas lors de l’essai sur un tronçon de l’A89 non encore inclus dans la base topographique), le symbole est alors grisé, le système est désactivé. Il devient blanc lorsque l’itinéraire est reconnu et vert lorsqu’il prend la main sur le conducteur.

Si au début, une certaine méfiance apparaît, au fil des kilomètres, sa pertinence fait qu’on lui laisse volontiers la main. La fonction roue libre devient ici acceptable, puisque couplée aux données de relief (il ne se met pas au neutre dans les fortes descentes par exemple).

Comme le dit Andreas Türk, démonstrateur et metteur au point chez EvoBus: « contrairement au conducteur, le PPC n’a pas de changement d’humeur ni d’état de fatigue variable ». De quoi lever les dernières réticences liées au programmateur de vitesse, réputé glouton en carburant sur les parcours en relief.

La conduite automatique: juridiquement exclue en France

En l’état actuel, la conduite 100 % autonome n’est pas à l’ordre du jour en France. Ainsi, selon l’article R412-6 du code de la route, modifié par décret n° 2008-754 du 30 juillet 2008-art. 15:

Alinéa I.: Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur. Celui-ci doit, à tout moment, adopter un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation. Il doit notamment faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers les plus vulnérables. Alinéa II.: Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent […]

Le drive-by-wire est tout autant encadré: Article R316-7 du code de la route, modifié par décret n° 2009-497 du 30 avril 2009-art. 6 II.: Dans le cas où le fonctionnement des organes de direction fait appel à un système hydraulique ou électrique, ceux-ci doivent être conçus de telle sorte que le conducteur puisse garder le contrôle de son véhicule en cas de défaillance du système. […]

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Auteur

  • Jean-Philippe Pastre
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