Si l’année qui vient de s’écouler est à marquer d’une pierre blanche, avec l’ouverture à la concurrence des lignes régulières impulsée par la loi Macron, celle qui commence ne sera pas en reste du point de vue réglementaire: renégociation de la convention collective de la branche ferroviaire, régime de prévoyance dans le transport urbain, avancées législatives sur l’open data, etc. Tour d’horizon non exhaustif.
En matière de réglementation en 2016, il y en aura pour tous les goûts, ou presque. Si les entreprises auront tout le loisir de dévoiler plus précisément leurs feuilles de route à l’occasion de leurs traditionnelles présentations des vœux, les législateurs et les organisations professionnelles pourraient tirer profit de cette dernière fenêtre de tir avant 2017, année d’élection présidentielle. L’entrée en application de réformes structurelles initiées au début du mandat actuel devrait aussi marquer 2016.
Parmi ces réformes, est mise en œuvre la loi de réorganisation territoriale du 7 août 2015, dont le point d’orgue est le passage de 22 à 13 régions au 1er janvier, soit une quinzaine de jours après les élections régionales des 6 et 12 décembre.
Au lendemain des scrutins, la recomposition des conseils régionaux s’est déroulée en deux étapes: pour les territoires dont le périmètre reste inchangé, Bretagne, Centre–Val de Loire, Île-de-France, Pays de la Loire et Provence–Alpes–Côte d’Azur, les nouveaux élus siègent depuis le 18 décembre, tandis que les élus des nouvelles régions, Alsace-Lorraine–Champagne-Ardenne, Aquitaine–Poitou-Charentes–Limousin, Auvergne–Rhône-Alpes, Bourgogne–Franche-Comté, Midi-Pyrénées–Languedoc-Roussillon, Nord–Pas-de-Calais–Picardie et Normandie ont attendu le 4 janvier, quatre jours après l’entrée en vigueur de leur changement officiel de statut.
Prochaine étape: le choix du nom et de la capitale régionale au plus tard le 1er juillet. Si pour l’heure, les appellations des régions se composent de la juxtaposition, par ordre alphabétique, des noms des territoires ayant fusionné, les élus se réuniront dans l’actuel chef-lieu provisoire de leur région pour confirmer ou opter pour une autre capitale. Nouvelle ou pas, la ville et l’hôtel de région choisis feront ensuite l’objet d’un décret avant le 1er octobre 2016 émanant du Conseil d’État, après avis du conseil municipal de la commune concernée.
Côté finance, c’est le 15 avril que l’adoption du budget figurera à l’ordre du jour des nouvelles équipes. Un délai d’un mois et demi a cependant été accordé pour les nouvelles régions.
Toujours au chapitre gouvernance, le 1er janvier a vu naître les deux dernières métropoles prévues par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) du 27 janvier 2014, et retouchée dans le cadre de la réforme territoriale: la métropole d’Aix-Marseille-Provence (1,8 million d’habitants et 92 communes) et la métropole du Grand Paris (7 millions d’habitants et 131 communes).
Après l’adoption du volet technique instaurant l’ouverture à la concurrence des lignes commerciales nationales en 2020, principalement TGV, et l’attribution des contrats de service public des TER et TET en 2026, 2016 devrait voir finaliser un ultime volet du 4e paquet ferroviaire en actant le pilier politique qui organise les modalités de libéralisation des services nationaux.
Ayant fait l’objet d’un accord en Conseil des ministres des Transports le 8 octobre, à l’issue de plusieurs mois de négociations entre les États membres, il fera cette année l’objet de discussions entre le Conseil et le Parlement européens pour aboutir à un compromis final. Début décembre, l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) adoptait d’ailleurs une nouvelle position sur ce pilier, faisant état de quelques inquiétudes sur les hypothèses du règlement sur les obligations de service public (OSP) dont elle juge les exceptions à la concurrence « trop nombreuses, imprécises et sources d’insécurité juridique ».
Entamée en 2015, la négociation de la future convention collective nationale de la branche ferroviaire devrait s’étendre jusqu’en 2018. Si un accord sur son champ d’application et un compromis sur les dispositions générales ont été trouvés au printemps dernier, 2016 devrait être consacrée à la poursuite des négociations sur le volet contrat de travail et aux travaux préparatoires relatifs à celui lié à l’organisation du travail.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, c’est la SNCF qui se collera au périlleux exercice de renégociation de l’organisation du travail de ses 148 000 cheminots hérité de la réforme ferroviaire… et ce, avant le 1er juillet 2016. Pour préparer le terrain, de premières réunions entre la SNCF et l’UTP ont déjà eu lieu et le président du groupe ferroviaire a d’ores et déjà indiqué qu’il fallait « renégocier la façon de faire les 35 heures » et « remettre à plat l’organisation du travail pour baisser les coûts et préparer le groupe à l’ouverture de la concurrence. » De leur côté, les syndicats, notamment la CGT et Sud Rail, revendiquent déjà leur position en faveur d’une extension des règles propres à la SNCF à toutes les autres entreprises ferroviaires.
Toujours au chapitre social, le transport urbain continuera sur sa lancée de 2015 où deux accords ont vu le jour, l’un sur l’évolution du salaire national minimum et l’autre sur la formation professionnelle. Au programme: trois négociations déjà ouvertes sur les régimes de prévoyance et l’inaptitude à la conduite, la sécurisation des parcours professionnels et le financement du dialogue social qui devrait déboucher sur un avenant à l’accord de branche du 3 décembre 2007.
Dernier sujet phare: l’open data qui devrait faire l’objet de plusieurs publications législatives cette année. Déjà en 2015, la loi Macron a introduit un amendement. Il prévoyait que les personnes assurant des services réguliers de transport public de personnes (SNCF, RATP, compagnies aériennes, etc.) et des services de mobilité soient tenues de diffuser « librement, immédiatement et gratuitement » différentes données « dans un format ouvert ». Parmi ces données: les arrêts, les tarifs, les horaires planifiés, les horaires en temps réel, l’accessibilité aux personnes handicapées, la disponibilité des services et les incidents constatés.
En réalité, cet amendement s’inspirait largement des propositions faites dans le cadre du rapport « Ouverture des données de transport », remis le 12 mars au secrétaire d’État Alain Vidalies par Francis Jutand, président du comité sur l’ouverture des données de transport. Dans ce document, d’autres pistes sont évoquées, dont celle de l’identification des réutilisateurs. En effet, le texte prévoit que pour les informations en temps réel, les données d’usage, de billétique et les services liés à l’information voyageurs, les producteurs de données puissent demander l’identification du réutilisateur préalablement à la distribution de la clé d’accès à l’API, et exiger en complément une déclaration d’usage. Pour les autres données, les producteurs de datas pourraient inviter les réutilisateurs à créer un compte, cette identification ne revêtant toutefois pas un caractère obligatoire.
Un vent de regroupement souffle sur les autorités organisatrices de proximité en ce début d’année. Cinq séries d’arrêtés relatifs à la création de communes nouvelles ont été publiées au Journal officiel entre le 22 et le 31 décembre 2015, et ont débouché sur la création de 225 communes nouvelles au 1er janvier 2016. En effet, depuis la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime des communes nouvelles, les regroupements de communes semblent avoir le vent en poupe. C’est en particulier dû aux incitations financières prévues par la loi, à savoir la majoration de 5 % de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les communes dont le nombre d’habitants oscille entre 1 000 et 10 000, la garantie de non-baisse de la dotation forfaitaire, la garantie de non-baisse des dotations de péréquation ou encore l’exonération de contribution au redressement des finances publiques (CRFP) pour 2017. Le nombre de nouvelles communes pourrait continuer de croître, puisque la loi de finances 2016 offre la possibilité de prolonger de six mois, jusqu’au 30 juin 2016, la création des communes nouvelles… Pas sûr néanmoins que cela bouleverse fondamentalement la donne côté transport, car sur ce créneau, la tendance semble être à la montée en puissance des métropoles et des régions.
À peine un mois après les scrutins de décembre, les équipes aux commandes sont au complet et les noms des responsables transports tous connus. Les voici:
Bourgogne–Franche-Comté
Michel Neugnot (PS), ancien maire de Semur-en-Auxois (21), devient vice-président en charge des finances, des ressources humaines, des transports et de l’intermodalité.
Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes
Renaud Lagrave (PS), passe du tourisme aux infrastructures, transports et mobilités.
Normandie
Jean-Baptiste Gastinne (LR), conseiller municipal du Havre (76), devient vice-président en charge des transports.
Nord–Pas-de-Calais–Picardie
Gérald Darmanin (LR), maire de Tourcoing (59), vice-président de la Métropole européenne de Lille (MEL) en charge des transports et vice-président du syndicat mixte intermodal régional de transports (SMIRT), devient vice-président chargé des transports et des grandes infrastructures.
Auvergne–Rhône-Alpes
Patrick Mignola (Modem), maire de La Ravoire (73), vice-président de Chambéry Métropole/Métropole Savoie, devient vice-président délégué aux transports.
Île-de-France
Stéphane Beaudet (LR), maire de Courcouronnes (91) et administrateur du Stif, devient vice-président en charge des transports.
Bretagne
Gérard Lahellec (PS), reste vice-président en charge des transports et de la mobilité, poste qu’il occupe depuis 2004.
Pays de la Loire
Alain Hunault (UDI), maire de Chateaubriand (44), devient président de la commission transports.
Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées
Jean-Luc Gibelin (PCF) devient vice-président en charge des mobilités et des infrastructures transport.
PACA
Maxime Tommasini (LR), président de la régie des transports de Marseille (RTM), devient président de la commission transports, infrastructures et ports.
Alsace–Champagne-Ardennes–Lorraine
Christine Guillemy (DVD), maire de Chaumont (52), devient vice-présidente en charge des mobilités et des infrastructures de transport.
Centre–Val de Loire
Philippe Fournié (PS), adjoint au maire de Vierzon (18), passe de la santé aux transports et à l’intermodalité.
Actuellement, le prix du litre de gazole avoisine à peine 1 €, tandis que celui du litre d’essence SP95 est d’environ 1,25 €.
De quoi inspirer la Fédération des associations d’usagers des transports (Fnaut) qui y voit une « occasion historique à saisir » pour abonder le financement des projets de transports collectifs urbains et ferroviaires.
Une opportunité qu’elle chiffre à 400 M€ par an pour un centime de taxe supplémentaire sur le seul gazole automobile. Chiffre qui sonnerait plus juste à oreille de l’association que « la hausse homéopathique annoncée de 3,5 centimes sur le litre de gazole et 2 centimes sur le litre d’essence. »
