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Haguenau

Le modèle Car Postal fête ses dix ans

La capitale de l’Alsace du Nord incarne le type de transport qui a permis au groupe suisse de se tailler une place en France.

Cette année, Haguenau fête dix ans de Ritmo, son réseau de transport public, dans le prolongement de ses 900 ans célébrés tout au long de 2015. « Une métamorphose de plus », s’amuse André Erbs, premier adjoint, déjà en charge des Transports en 2006, et à ce titre un peu père du réseau. Une métamorphose qui s’opère depuis le début sous la houlette de Car Postal, reconduit pour sept ans en septembre 2013. Dix ans après l’apparition des premiers bus, c’est sans doute à Haguenau que l’on perçoit le plus clairement ce qui fait le succès de Car Postal en France, même si l’entreprise a fait ses débuts à Dole en 2004. Les ingrédients du « travail de dentelle » et de « l’offre sur mesure » à la suisse éclatent plus qu’ailleurs au grand jour.

Ritmo, un petit réseau

La commune d’Haguenau compte 38 000 habitants, taille correspondant à la spécialisation de Car Postal, soit les villes moyennes sans mode de transport lourd. Sur place, la société fait rouler 17 bus, emploie 26 conducteurs et 3 administratifs: une directrice, un directeur d’exploitation et une responsable d’agence. À 29 personnes, ils délivrent une offre de 821 000 km par an, desservent 40 000 habitants, atteignent une fréquentation d’1,5 million de passagers et réalisent 3,2 M€ de chiffre d’affaires. Comme dans tous les réseaux de Car Postal en France, ils reçoivent l’appui des cadres du siège, à Saint-Priest, dans la banlieue lyonnaise. « Tous les gens de terrain doivent pouvoir s’y rendre facilement. C’est une des raisons de notre présence uniquement sur la façade Est de la France, de l’implantation de notre siège à Saint-Priest et de notre développement de proche en proche, par capillarité », indique Nathalie Courant, directrice générale de Car Postal France. « Nous sommes organisés comme une grosse région d’un grand groupe de transport », résume Pascal Lemaître, directeur du groupe pour le transport urbain.

Les bus battent la cadence

À Haguenau, les 17 autobus bleu roi du réseau Ritmo laissent dans le paysage de la place aux automobiles. « Ils ne nous dérangent pas », confirment les chauffeurs de taxi. Mais il y a un endroit où, parfois, ils semblent arriver de partout en même temps par vagues, puis repartent et disparaissent aussi vite qu’ils sont venus. C’est à la gare, toutes les demi-heures. « Tout fonctionne à la demi-heure, ici!, confirme Simon Dermoun, responsable de l’exploitation. Les gens le savent. » Finalement, la ville vit à ce rythme. Au moins celle qui emprunte les transports en commun.

André Erbs, en charge des transports à la ville, goûte cette régularité, ce long tic-tac. « On ne peut imaginer plus simple. Pas d’afficheur, pas de fiches horaires compliquées. C’est quand même un sacré avantage: pour prendre le bus, vous n’avez besoin de connaître que les deux chiffres de votre ligne: 13 et 43 une demi-heure plus tard, ou 14 et 44, ou sur une autre ligne 18 et 48. » Lui-même utilise quotidiennement le bus.

Cette pratique du rythme est une caractéristique forte chez Car Postal. « Ce fut, en 2006, l’un des signes qu’il existait une autre philosophie des transports », se souvient André Erbs. Un art qui n’est pas si naturel. Haguenau, quand elle l’a redemandé sept ans plus tard, a constaté que d’autres transporteurs se trompaient sur ce sujet et proposaient des cadences irréalisables par endroits.

Toutes les 15 minutes sur deux lignes principales

Sous l’égide de Car Postal, tous les services de transport sont cadencés, y compris le transport à la demande. Arrivée à la gare à une fois à l’heure + 16 et à 46, départ à l’heure + 18 et à 48. De la même façon, les services de soirée, le vendredi et le samedi soir, partent toutes les quarante minutes de la gare et reviennent toutes les quarante minutes de la zone de loisirs de Taubenhauf. Ce va-et-vient à heures fixes peut être considéré comme l’une des raisons du succès de ce nouveau service. Sa fréquentation a doublé l’an dernier. Mais est-ce si sûr? Dans l’agglomération, tous les transports publics roulent de toute façon à minutes fixes dans l’heure.

Pour Patricia Divan, directrice marketing de Car Postal France, le candencement sur la principale ligne d’un réseau est le premier marqueur de la qualité de l’offre recherchée. C’est, dans une dynamique de croissance, ce qui débouchera sur une ligne de BHNS ou un tramway. « Ensuite, le nombre de kilomètres, ce n’est que de l’exploitation! »

À Haguenau, cette cadence « centrale » est passée de la demi-heure au quart d’heure sur les deux lignes principales aux heures de pointe. « Nous avons pour objectif de capter les actifs, et non plus seulement ceux qui n’ont d’autres moyens de transport à leur disposition que les bus », explique André Erbs.

Ce cadencement généralisé n’a bien sûr d’efficacité qu’à la condition que les rythmes annoncés soient tenus. Dans la ville, il n’y a que des ralentissements aux heures de pointe. Ils n’empêchent pas les bus d’arriver et de repartir impeccablement à l’heure dite. Cela autorise des innovations qui ne se voient nulle part ailleurs. Les deux lignes principales du réseau, qui traversent l’agglomération d’est en ouest et du nord au sud, font escale à la gare au beau milieu de leur parcours. Elles y prennent leur temps et attendent quatre minutes que les voyageurs descendant du train ou arrivés d’autres lignes de bus fassent leur correspondance, sans jamais qu’un voyageur n’ait protesté. « Au début, je jugeais cela inacceptable, raconte Patricia Divan. Mais ça se passe très bien. »

La gare, centre de toutes les mobilités

Car la deuxième grande caractéristique du réseau de Haguenau – et de l’organisation à la suisse chez Car postal – est l’importance donnée d’emblée à l’intermodalité, à l’emboîtement des transports publics entre eux. De ce point de vue, le principal acteur du réseau d’Haguenau, c’est le train. Tous les jours, 2 000 habitants font l’aller-retour à Strasbourg. Le nœud principal des mobilités se trouve à la gare, même si, loin d’être une ville-dortoir, l’agglomération compte au contraire nombre d’industries (Siemens, Schaeffler, Mars), un gros centre hospitalier et un pôle d’enseignement supérieur. C’est sur le train, lui-même cadencé aux demi-heures toute la journée, qu’est calé l’ensemble du réseau de transport de la ville. « L’arrivée du TGV-Est à Strasbourg en 2017 chamboulera peut-être ce bel ordonnancement, mais pour le moment, les TER sont à l’heure. Donc, nous aussi », indique Séverine Le Vannier, la directrice du réseau.

Du fait de la situation de la gare, en plein centre-ville, tous les services du réseau Ritmo y passent. Avant la réorganisation de 2013, le transport à la demande rabattait sur la ligne régulière la plus proche. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il va et revient, lui aussi, de la gare.

Le tout nouveau service de location de vélo, ouvert en février 2015, a lui aussi été installé à la gare, dans l’ancien bâtiment de repos des conducteurs de train devenue l’agence commerciale du réseau Ritmo, ouverte tous les jours de la semaine et le samedi matin. L’offre deux-roues est particulièrement conséquente: 110 vélos classiques, 5 à assistance électrique, 5 vélos d’enfant, 5 sièges porte-enfant et 2 remorques biplaces pour enfants. La location se fait pour l’essentiel à la journée. Elle est très populaire l’été, certains groupes roulant jusqu’aux Vosges et revenant dans la journée.

« Cette concentration à la gare, Car Postal insistait dessus dès 2006 », souligne André Erbs, à l’époque convaincu aussi par la précision de la proposition de Car Postal. À ce moment-là, pour choisir celui qui allait devenir le premier opérateur de transport public, les réponses à l’appel d’offres ont été rendues anonymes. Tous les membres de la commission d’appel d’offres ont pensé, au vu des éléments pris en compte, que celle de Car Postal émanait d’un transporteur local. La société suisse avait étudié les choses de près. « Nous mesurons toujours sur place, au plus près, les flux de population », souligne Nathalie Courant.

Ajuster la fréquence aux tranches horaires

Car Postal, hésite sans doute moins que d’autres à ajuster son offre. Le groupe joue en particulier avec les tranches horaires. En exploitation, il fait des comptages: montée/descente et origine/destination. Dans les réseaux à billettique électronique, il analyse les validations de près et suit ce que les flux génèrent en fréquentation. Car Postal accorde moins d’importance que d’autres à conserver les mêmes fréquences toute la journée. Ainsi, les cadencements innovants de septembre 2013 à Haguenau, tous les quarts d’heure, ne s’appliquent qu’à une partie des deux lignes principales.

Côté transport à la demande, les kilomètres ont été réduits de moitié. Il était ouvert à toutes les personnes éloignées des lignes régulières, et même s’il s’agissait de rabattre le plus possible sur ces lignes, la demande a explosé. « Nous faisions du taxi », raconte Séverine Le Vannier. Le service a été remplacé par deux lignes au départ de la gare, accessibles sans réservation à la descente du train. Une demi-heure vers le nord de la ville, l’autre demi-heure vers le sud. Le conducteur établit son itinéraire en fonction des personnes présentes dans le véhicule. Le retour vers la gare nécessite, lui, de réserver. Le minibus y arrive à heures fixes, un peu avant le départ des trains. Ainsi organisé plutôt que laissé en désordre, ce transport remporte un plus grand succès. Il est passé de 5 000 à 8 500 voyageurs par an. « Il était particulièrement judicieux de proposer un accès libre au retour de Strasbourg. Si l’on y a rendez-vous, on ne sait jamais vraiment à quelle heure on pourra être de retour, tandis que pour y aller, on sait à quelle heure est pris le rendez-vous et à quelle heure partir. La réservation a du sens », raconte André Erbs. Patricia Divan insiste pour que la ville ne parle plus de transport à la demande, « nous ne faisons pas tout ce qu’on nous demande! », mais de transport sur réservation.

Autre exemple de précision dans l’ajustement, une ligne, utilisant sur une partie de son parcours la ligne principale, a été affectée à un nouvel itinéraire. De 28 courses par jour, elle n’en effectue plus que 15, uniquement aux heures de pointe. Malgré cela, elle emporte autant de voyageurs qu’auparavant. Sans doute, la dynamique globale du réseau y est-elle pour quelque chose.

Haguenau a les moyens de faire progresser son offre, à la différence de nombreuses villes moyennes aux prises avec des restrictions budgétaires. « Le syndicat de transport finance en totalité notre réseau, grâce au versement transport. Cela nous met pour le moment à l’abri. Les deux communes de Haguenau et de Schweighouse qui le constituent n’ont pas besoin de toucher à leurs budgets », explique André Erbs.

Mais ailleurs, c’est aussi en collant aux fréquentations effectives que Car Postal gère les diminutions des budgets transport. Quand il existe un bon rapport coût/recette, l’entreprise regarde ce que donne un bus en moins aux heures de pointe, comment la fréquence évolue et s’il y a possibilité de loger les clients en maintenant un certain confort. Au final, des baisses de fréquentation et donc de recettes sont anticipées.

Forte hiérarchie des services

L’outil de cet ajustement chez Car Postal est une très forte hiérarchisation des services. Ils se répartissent sur cinq niveaux: deux grandes lignes à 15 et 30 minutes de fréquence, une ligne aux heures, une ligne aux heures mais seulement pendant les heures de pointe, le transport sur réservation aux heures et les lignes de service scolaire. La simplicité, l’opérateur la recherche plutôt pour l’utilisateur. Le groupe met en avant les recherches qu’il effectue de ce point de vue dans son Mobility Lab de Sion, en collaboration avec l’école polytechnique de Lausanne. Il étudie les moyens d’éliminer l’acte d’achat de titres de transport grâce aux smartphones. Leur détection dans la poche des passagers suffirait pour leur facturer ensuite le voyage automatiquement, façon post-paiement. Une option qui est loin de séduire André Erbs, pour l’instant. « Avec nos tickets papier nous savons qu’il faudra évoluer. La difficulté avec les smartphones, c’est qu’il ne faudrait pas que les 10 % qui n’en ont pas encore aient besoin du bus. Nous attendons donc, dans un premier temps, la mise en place d’un support de transport commun, concocté par les dix autorités organisatrices de transport d’Alsace. L’harmonisation des tarifs n’est pas faite, mais la question de l’information voyageurs est déjà résolue avec recherche la d’itinéraires. Le site régional fonctionne bien. Nous proposons, de notre côté, de passer le plus vite possible au temps réel. L’heure du smartphone arrivera peut-être. Mais notre réseau est encore jeune, il a le temps de progresser. »

De 8 % par an entre 2006 et 2009, la croissance n’a été que de 1 % l’an dernier, à l’abord des 1,5 million de voyageurs annuels. Un défi pour Car Postal d’ici la fin de la DSP en 2020.

Séverine Le Vannier, directrice du réseau.

« Le cadencement généralisé tient ses promesses car la circulation automobile n’est pas trop importante. »

Car Postal en France

• 860 véhicules.

• 1 200 salariés.

• 80 M€ de chiffre d’affaires.

• 9 réseaux urbains de villes moyennes:

– Sur la façade Est de la France: Agde, Sète, Salon-de-Provence, Menton, Villefranche-sur-Saône, Bourg-en-Bresse, Mâcon, Dole, Haguenau.

• 7 lignes express en Isère.

• Des lignes interurbaines régulières dans l’Isère, l’Hérault, la Loire.

• Le réseau de la communauté de communes du Pays du Grésivaudan.

• Des services scolaires dans cinq départements: Hérault, Isère, Jura, Loire, Saône-et-Loire.

• Des transports occasionnels et de tourisme.

• Du transport privé de personnel.

• Les transports de l’équipe de football de l’AS Saint-Étienne.

Pascal Lemaître, directeur transports urbains.

« Les cadres, chez Car Postal France, sont présents sur le terrain, comme ceux d’une grosse région dans un grand groupe. »

André Erbs, premier adjoint en charge des transports.

« Car Postal France, une autre philosophie des transports. »

Patricia Divan, directrice marketing.

« La cadence de 15 minutes aux heures de pointe dit la qualité de l’offre du réseau. »

Chantal Geissert, accueil de l’agence commerciale.

« Le vélo électrique a du succès. »

Simon Darmoun, directeur d’exploitation.

« Tout fonctionne à la demi-heure, ici! »

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Auteur

  • Hubert Heulot
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