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Marchés publics

MOLTS, l’art du transport urbain sans frontières

Le cabinet SIA Partners a dressé le portrait des groupes internationaux de transports publics urbains locaux, les MOLTS. Si les Français ont placé des champions dans ce club très restreint, le poids et les ambitions des groupes anglo-saxons ne peuvent pas être négligés, surtout dans les zones à fort potentiel, en Asie et en Amérique du Nord.

Connaissez-vous les MOLTS ou Multinational Operators for Local Transport Services? Peu utilisée en France, l’expression désigne des groupes internationaux opérant plusieurs services locaux de transport public, dans leur pays d’origine et à l’étranger. Vous reconnaissez d’emblée le profil des poids lourds français Keolis, Transdev et RATP Dev. Ce sont ces groupes de transport, principalement français et anglo-saxons, que le cabinet de conseil SIA Partners a étudié dans une note intitulée « Le marché du transport public urbain dominé par quelques sociétés, les MOLTS ».

« Ces marchés, encore limités à des opérateurs locaux il y a 10 ans, sont devenus le terrain de jeu de global players », explique le cabinet en introduction de son étude. « Après avoir développé leurs compétences à l’échelle nationale, ils ont exporté leurs expertises dans le monde entier, profitant de la libéralisation de nombreux marchés et de l’évolution des politiques de transport de certains pays. »

Dans le club des sept, à chacun son parcours

SIA Partners dénombre sept entreprises répondant aux critères du label MOLTS à l’échelle mondiale, dont l’une des caractéristiques communes est l’utilisation d’une marque unique, « permettant d’associer une véritable identité visuelle à l’expertise proposée » sur un large panel de produits et de solutions de transports (bus, métro, tramway). Un club sélectif qui se répartit 30 Md€ de chiffre d’affaires réalisé dans une trentaine de pays et composé par Arriva, ComfortDelGro, First Group, Keolis, MTR Corporation, RATP et Transdev. Chacun d’entre eux suit une courbe de développement et une trajectoire financière particulière en fonction de son historique.

Pour Transdev, « leader en plein redressement », la stratégie des années 2013 et 2014 s’est définie « autour de trois axes, l’amélioration de la rentabilité, la stabilisation du chiffre d’affaires et la baisse de l’endettement, passant principalement par des cessions d’actifs ». La trajectoire de Keolis, actif à l’international depuis 2002, le place davantage sous l’étiquette d’« outsider en pleine croissance », grâce à ses positions acquises notamment au Royaume-Uni, en Australie et aux États-Unis.

Troisième groupe français associé aux MOLTS, le groupe RATP concentre son activité internationale dans sa filiale RATP Dev (Royaume-Uni, États-Unis, Afrique du Sud) dont il ambitionne de doubler le chiffre d’affaires à 2,2 Md€ d’ici 5 ans.

Du côté des Anglo-Saxons, First Group bénéficie d’une solide position de leader des transports scolaires en Amérique du Nord et, dans une moindre mesure, sur le ferroviaire dans son pays d’origine, la Grande-Bretagne.

Arriva, fort de ses marchés acquis à Transdev en Europe Centrale, est présent à l’international à partir des années 2000. Depuis son rachat en 2010 par la Deutsche Bahn, il profite d’importants compléments de ressources et se développe dans le tramway.

Enfin, deux acteurs asiatiques complètent le panorama des sept MOLTS leaders. MTR Corporation, originaire de Hong kong, s’est ouvert à l’international depuis l’an 2000 dans le ferroviaire urbain et interurbain, en Europe et en Australie. Moins avancé en Europe, son voisin ComfortDelGro, basé à Singapour, est plus offensif sur les marchés asiatiques (Vietnam, Malaisie). Cependant, il ne néglige pas le Vieux Continent où il est présent par ses investissements dans des réseaux de bus à Londres (Metroline Bus et First London).

L’élan du pays d’origine et de ses marchés publics

La liste des opérateurs nous apporte un autre enseignement sur le profil des MOLTS. Les pavillons français et britanniques « concentrent la quasi-totalité des sièges sociaux des principaux MOLTS », nous rappelle l’étude. Des positions dominantes qui ne doivent rien au hasard: ces groupes ont su tirer parti des marchés domestiques de transport public de leur pays d’origine. C’est notamment le cas des groupes français qui se sont appuyés sur la gestion de plusieurs réseaux en délégation de service public pour alimenter leur développement. « L’écosystème français a été adéquat pour les faire grandir suffisamment et créer une véritable expertise pouvant être vendue à l’international », résume SIA Partners. Outre-manche, la « brutale ouverture à la concurrence, suite à la privatisation du monopole national de British Bus », a permis l’émergence d’opérateurs locaux puis nationaux grâce aux regroupements.

Des conditions propices au développement de champions nationaux dont l’Allemagne n’a pas disposé. Son « organisation en Stadtwerke, avec une organisation des services publics par ville et par la ville, permet moins aux opérateurs allemands de se développer suffisamment pour prétendre à une extension internationale », met en exergue le cabinet. Conséquence: c’est la Deutsche Bahn, l’opérateur ferroviaire historique également opérateur de transport routier, qui investit en tant qu’actionnaire de groupes de transport public dans plusieurs pays européens, comme c’est le cas avec Arriva. Une caractéristique également partagée par les MOLTS européens: SNCF pour Keolis, Caisse des dépôts et consignations pour Transdev, les actionnaires majoritaires proviennent de l’industrie du transport ou sont des émanations d’institutions publiques. « Ces prises de position assurent une garantie financière suffisante pour l’expansion de l’opérateur », souligne SIA Partners.

Investir, la clé du développement

Pour acquérir de nouveaux marchés et de nouvelles positions à l’international, la capacité d’investissement est un outil indispensable au développement de ces groupes qui ne peuvent pas uniquement s’appuyer sur la reconnaissance de leur expertise métier. Le choix d’une stratégie dépendra de la maturité des marchés abordés explique l’étude: priorité à l’innovation numérique et au service client pour les marchés matures avec des réseaux déjà en place, tandis que pour « aborder un marché déjà occupé par des sociétés bien ancrées, certains opérateurs n’hésitent pas à utiliser des modes de transport plus accessibles ou des marchés de niche donnant plus de visibilité à leur marque ».

Illustration de ces deux axes de stratégie. D’un côté, la RATP sur son marché historique à Paris qui accentue son « programme d’amélioration de la qualité de service sur plusieurs années; de l’autre, la création d’une offre VTC aux Pays-Bas et aux États-Unis par Transdev. Autre politique de développement mise en place par les groupes pour rapidement étendre leur présence sur des territoires: le rachat d’activités à faible capitalisation. C’est le cas pour l’acquisition d’entreprises locales d’exploitation de transport routier de voyageurs, en urbain ou interurbain, de navettes d’aéroport ou encore de transport à la demande (TAD). C’est le cas d’Arriva qui a successivement racheté des opérateurs de réseaux de bus en Allemagne, au Danemark et en Pologne », donne en exemple SIA Partners. Transdev a suivi la même stratégie en Suède, en Australie, en Autriche et aux États-Unis dans le domaine du TAD ou des navettes d’aéroport.

Enfin, comme alternative aux acquisitions, reste la carte des partenariats, appliquée au cas par cas par les MOLTS. Elle peut être utile pour pénétrer un nouveau marché, en s’associant avec un acteur local « plus accepté par la population » et les institutions, comme Keolis l’a fait avec Go-Ahead au Royaume-Uni. Elle peut être opportuniste, entre concurrents comme RATP et Transdev, « associés pour la gestion du tramway à Shengyang, dans le sud-ouest de la Chine. »

La voie du partenariat

Internationaux, compétents et experts, dotés de fortes capacités d’investissement, les MOLTS doivent toutefois composer avec des freins et des limites à leur développement, à commencer par les degrés variables d’ouverture des plus importants marchés de transport public. C’est le cas des États-Unis dont la taille du marché « est chiffrée à 50 Md€, mais dont uniquement près de 7 Md sont aujourd’hui rattachés aux MOLTS cités », estiment les consultants de SIA Partners. Malgré 80 % des opérateurs publics financés par des fonds fédéraux, les opportunités pour les MOLTS résident dans les dizaines de projets de créations de métro ou de tramways des villes américaines, à condition « de s’implanter via le modèle de partenariats publics-privés ».

En Asie, le marché urbain est encore plus important, « à plusieurs centaines de milliards d’euros », avec la Chine en premier plan, portée par « ses 170 villes de plus de 3 millions d’habitants », ses 37 projets de construction de métro et 72 de tramways. Un eldorado devenu accessible aux MOLTS par le biais de partenariats avec des acteurs locaux, « privés ou publics ». « La Chine fait évoluer la législation qui était un frein aux investissements étrangers », explique l’étude, donnant l’exemple de la structure mise en place pour le tramway de Shengyang. La société d’exploitation est partagée entre la municipalité (51 %) et la co-entreprise mise sur pied par la RATP et Transdev (49 %) « qui valorisent leur expertise ».

Ailleurs, en Amérique du Sud et en Russie notamment, une forme de protectionnisme retarde temporairement l’accès des MOLTS aux marchés de transport public urbain, que ce soit pour des motifs politiques ou économiques. En Russie, où « le cadre juridique des opérateurs privés et publics est différent et impulsé par la volonté du gouvernement de maintenir une politique de réduction tarifaire, la qualité des transports est nettement remise en cause », soulignent les consultants. Ils restent optimistes sur les opportunités pour les MOLTS, à condition de faire preuve de patience. « Les plans de transport sont en pleine restructuration, l’organisation actuelle rendait les financements trop complexes », des lacunes dont pourraient bénéficier les MOLTS pour se positionner. Ajoutons que, au Brésil comme en Russie, les groupes internationaux doivent également faire preuve d’une grande vigilance sur l’évolution des contextes politiques et économiques. Les deux pays ont déjà fait la preuve de retournements défavorables aux investissements internationaux.

Pour assurer leur croissance sur les prochaines années, les MOLTS conservent donc des marges de manœuvre importantes pour dépasser leurs chiffres d’affaires combinés de 25 à 30 Md€. Mais les gisements de croissance se situent loin de l’Europe conclut l’étude de SIA Partners, citant les marchés nord-américain et asiatique, « représentant tous deux plusieurs centaines de milliards d’euros ». Nul doute que les conquêtes de l’Ouest et de l’Extrême-Orient figurent déjà en bonne place sur les agendas 2016 des états-majors des MOLTS actuels et de leurs challengers.

Les Britanniques, challengers et en quête d’international

Derrière les MOLTS leaders, sorte de G7 du secteur des transports publics, d’autres groupes de taille plus modeste restent attentifs à des possibilités de croissance sur leurs marchés domestiques et à l’international. L’étude de SIA Partners en a relevé six, dont quatre sont d’origine britannique. Réalisant 8,8 Md€ de chiffre d’affaires cumulé, National Express, Stage Coach et Go-Ahead ont en commun une activité « historiquement spécialisée dans le transport interurbain en autocar », avant d’ajouter des volets ferroviaire, tramway et bus urbain à leur portefeuille, comme des navettes aéroport, des transports scolaires et du transport sanitaire. Malgré tout, « leur chiffre d’affaires est essentiellement dû aux transports interurbains », souligne l’étude, et reste géographiquement dominé par leur marché domestique (sauf pour National Express à l’activité plus ouverte sur l’international).

Autre acteur britannique: Serco Group, conglomérat industriel coté à la bourse de Londres, actif sur les métros de Dubai et de La Mecque, ainsi que sur des trains régionaux en Australie.

Enfin, en Asie, SMRT, deuxième opérateur de Singapour, dont 50 % du chiffre d’affaires provient de la gestion du train urbain de la cité-État, tente de s’ouvrir des voies de développement à l’international à travers des missions de conseil en en Asie du Sud et au Moyen-Orient. Le dernier groupe identifié est MV Transportation, d’origine américaine, qui mise sur un développement sur les marchés du Moyen-Orient.

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Auteur

  • Bruno Gomes
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