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Report modal

Quand la voiture devient transport collectif

Pour concurrencer l’utilisation de la voiture particulière en ville, le transport public pourrait bien s’en faire une alliée, grâce au covoiturage courte distance. Régulier et quotidien, ce nouveau mode de transport collectif est testé par Transdev, la SNCF et la RATP.

Demain, pour se rendre au bureau, vos voyageurs auront peut-être un nouveau mode de transport à leur disposition: la voiture partagée. De phénomène sympathique il y a quelques années, le covoiturage change de dimension et se rapproche des grands centres urbains pour proposer des voyages courte distance. Le modèle du covoiturage a remporté ses galons de champion économique et industriel, avec le succès de BlaBlaCar notamment, et son approche disruptive est aujourd’hui déclinée par les grands groupes de transport public. Ces derniers testent l’intégration du covoiturage dans leur offre de transport multimodal régulier des grands centres urbains, pour compléter leur réseau de métro, train interurbain et autobus.

Une approche radicalement différente

Cette démarche ne va pas de soi, tant la mise en place d’une offre de covoiturage est un métier nouveau et va à l’encontre des schémas habituels de création d’une offre de transport régulier, planifié, structuré et exploité. En effet, il faut avant tout atteindre une masse critique de trajets proposés par des particuliers avec leur véhicule privé pour attirer en second lieu des voyageurs. De plus, le modèle économique qui a fait le succès d’un BlaBlaCar, en apportant une compensation financière au conducteur et une commission à l’organisateur du service, ne peut pas s’appliquer tel quel dans la courte distance. « Dans le covoiturage, le coût du kilomètre revient autour de 6 à 7 centimes d’euro, pour des trajets de plus de 300 km, cela rapporte de 18 à 20 euros au conducteur, ce qui est incitatif », expliquait Frédéric Mazzella, fondateur et Pdg de BlaBlaCar, dans un entretien au journal Le Monde. « En revanche, quand on propose des trajets de moins de 50 km, on tombe sur des tarifs de quelques dizaines de centimes », poursuit l’ex-startuper qui souligne qu’une forte demande de mobilité ne fait pas tout. « Les conducteurs n’ont pas de fortes incitations financières, donc il faut qu’ils soient séduits par la simplicité et la facilité du service, éviter toute attente et tout détour coûteux », conclut-il.

Test grandeur nature pour iDVROOM

Les grands groupes de transport ont pourtant décidé de se lancer dans l’aventure en s’associant ou en acquérant les savoir-faire spécifiques de start-up. C’est le cas d’iDVROOM qui reprend le préfixe « iD » (iDTGV, iDBUS, iDPASS), signe d’une offre innovante de SNCF. Attaqué sur les moyennes et longues distances par BlaBlaCar, le groupe souhaite prendre le virage du covoiturage courte distance, faisant du porte à porte son nouveau credo. « Nous voulons permettre à chaque voyageur de réaliser son trajet de manière fluide et en privilégiant les transports collectifs, même pour les derniers kilomètre s, expliquait, lors du lancement de l’offre iDVROOM fin 2014, Barbara Dalibard, directrice générale de SNCF Voyageurs. iDVROOM, « l’une des briques de notre stratégie de porte à porte », met en relation conducteurs et passagers sur leurs courts trajets quotidiens et se lance dans le grand bain en apparaissant sur le réseau SNCF d’Ile-de-France, le Transilien, pour « faciliter les premiers et derniers kilomètres ».

Les conducteurs se rendant dans une gare francilienne ou passant à proximité se voient donc proposer de partager leur voiture en s’inscrivant sur la plateforme, et de « gagner environ 1 000 € par an s’il covoiture de manière active et régulière », soit l’équivalent « d’économies représentant un treizième mois », avançait le directeur Transilien, Alain Krakovitch. Pour attirer les conducteurs, iDVROOM proposait également une offre de bienvenue sous la forme d’un bon d’achat de 20 € sur leur forfait de révision automobile chez un partenaire (Norauto), ou encore de bénéficier de places de parking dédiées dans 44 gares pilotes d’Ile-de-France.

Pour s’assurer d’atteindre un seuil minimum d’offres mises en lignes par des conducteurs, Transilien a identifié 30 zones à fort potentiel, bassins d’emploi et zones commerciales, dont le point commun est d’être mal desservies par les transports en commun. Salariés et visiteurs y sont obligés d’utiliser leur voiture individuelle. Le réseau compte également s’appuyer sur les entreprises, via leurs plans de déplacements (PDE), pour favoriser les pratiques de transport durable auprès de leurs employés.

Ce savoir-faire spécifique à la cocréation ouverte d’une offre de transport, la SNCF l’a acquis auprès de deux start-up, Green Cove Ingénierie, à l’origine du portail de covoiturage 123envoiture.com lancé en 2000, et Ecolutis, spécialisée dans la création d’offres sur mesure de covoiturage pour des entreprises et des collectivités. Fusionnées au sein du groupe SNCF sous le nom Ecolutis, c’est fin 2004 que les deux équipes ont mis sur pied iDVROOM.

Quand la nécessité fait l’opportunité

De son côté, l’été dernier, la RATP a tenté l’expérience du covoiturage avec la start-up Sharette, pendant les quatre semaines de fermeture de la ligne A du RER entre La Défense et Auber. « La RATP a souhaité proposer un service de mobilité supplémentaire à ses voyageurs, celui du covoiturage en interconnexion avec les transports en commun », expliquait le groupe à cette occasion. Sharette avait remporté un appel à propositions lancé avec Paris Région Lab et était également ressortie gagnante du « coup de cœur des Franciliens », lors de la finale du concours Open Data Lab organisé par la RATP en décembre 2014.

L’offre se distinguait par un tarif unique, quelle que soit la distance parcourue, sur la base de 2 € versés en ligne au conducteur par chaque passager, plus 0,36 € de frais de réservation pour la plateforme. Le partenariat avec la RATP, qui permettait à la start-up de remonter dans les résultats d’itinéraires des sites de la RATP, se terminait officiellement le 31 décembre 2015. Mais ni les résultats, ni une éventuelle poursuite ou arrêt du partenariat n’ont pour l’instant été communiqués.

Fleetme, l’appli pro de Transdev

Chez Transdev, le covoiturage de proximité est porté au rang d’axe de développement du groupe. « Le monde du transport est en pleine révolution, la forte différenciation qui existait jusqu’à présent entre le transport public et celui de la voiture individuelle s’efface sous l’effet de ruptures technologiques, sociétales et financières, et de multiples usages se sont créés », analysait Jean-Marc Janaillac, lors de la présentation en septembre dernier de la stratégie numérique du groupe, « c’est un monde nouveau dans lequel nous souhaitons nous impliquer ». Et de fait, les projets de Transdev dans ce domaine le placent en tête de ses concurrents, grâce à sa filiale Cityway, spécialisée dans l’innovation et les outils technologiques pour le transport public, et son appli Fleetme.

Proposée « dans le cadre de délégation de service public ou d’offres commerciales en open access, Fleetme permet, via un algorithme d’optimisation dynamique des trajets, de proposer un service hypercompétitif » de voitures partagées. Testé dans les réseaux de Grenoble, du Havre, d’Avignon et d’Auxerre cette année, Fleetme a vu le jour à Lyon. « L’origine de ce service est lyonnaise, avec le programme de recherche et développement Flexicov, expérimenté de novembre 2015 à février 2016 dans le cadre du projet européen Opticities avec Le Grand Lyon », explique Laurent Briant, directeur général de Cityway, rencontré à l’occasion des RNTP de Lyon. « Il s’agit de tracer des lignes de transport en commun de covoiturage, sans se substituer à l’existant, avec des arrêts prédéfinis, comme une offre d’extension de réseau. »

La mise en place du service Fleetme commence par l’étude, « avec le réseau de transport, du trafic routier de chaque secteur et des besoins de desserte auxquels il pourrait répondre », explique Cityway dans un communiqué. « L’objectif est de construire des lignes de covoiturage qui suivent les déplacements naturels des automobilistes, afin que les covoitureurs fassent le moins de détours possible pour venir se positionner sur ces lignes. Des arrêts covoiturage sont ensuite définis tout au long de la ligne, comme pour une ligne de bus classique. » Les offres des conducteurs et des voyageurs se rencontrent par l’intermédiaire de l’application, chacun précisant ses trajets, les jours et horaires recherchés ou proposés. Transdev laisse à chaque réseau le soin de définir la politique de rémunération des conducteurs et le coût pour les voyageurs, en rapport ou non avec la grille de tarification des déplacements déjà en place sur le réseau.

Cityway et Transdev s’appuient sur un site grenoblois de covoiturage, La Roue Verte, filiale de Transdev et spécialisée dans la création d’offres de covoiturage pour les entreprises et les collectivités. Il assure « l’interface client, incluant l’inscription, la mise en relation conducteur/passager » pour l’ensemble des réseaux utilisant Fleetme. À charge pour Cityway les aspects plus technologiques du service (génération de l’offre, informations temps réel à partir des traces GPS, recherche d’itinéraire simple et combinée).

Jusqu’à 16 % de véhicules en moins dans les villes

Le covoiturage de proximité n’est peut-être pas la timbale pour favoriser le report modal, mais toutes les initiatives sont bonnes à prendre. Une étude de France Stratégie (ex-Commissariat général au Plan) sur le potentiel du covoiturage pour les déplacements domicile-travail, publiée en juin 2014, constate ainsi que « l’automobile, souvent utilisée en solo pour les transports du quotidien, reste le mode de transport privilégié, et qu’il reste difficile de mesurer l’ampleur, le potentiel de développement et la pérennité des nouvelles mobilités, comme le vélo mais aussi l’autopartage et le covoiturage ».

En termes de réduction du nombre de véhicules en circulation, l’étude avance pourtant des chiffres: 16 % dans les zones urbaines les plus denses, cœur de cible territorial du covoiturage courte distance, contre seulement 2 % en zones rurales. Les gaz à effet de serre et de consommation de carburant atteignent quant à eux des réductions de 4 à 6,6 %, en supposant que les personnes voyagent à 2 ou à 4 par véhicule.

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Auteur

  • Bruno Gomes
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