Après l’annonce du secrétaire d’État aux Transports des décisions gouvernementales sur les trains d’équilibre du territoire, les acteurs se positionnent. Régions, opérateurs et constructeurs ferroviaires font face à la redéfinition de l’offre, à l’ouverture partielle des trains de nuit à la concurrence et aux commandes de matériels.
La feuille de route des TET s’étoffe au rythme des points d’étape d’Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports. Le 19 février, il est passé à la vitesse supérieure en annonçant la redéfinition de l’offre TET, l’arrêt de subventionnement de trains de nuit et le lancement de nouvelles commandes de matériels. Il a introduit ces annonces par un tableau assombri de la situation des TET « qui ne répondent plus de manière satisfaisante aux attentes des voyageurs ». Leur fréquentation a diminué de 20 % depuis 2011 et le déficit a presque doublé pour atteindre 400 M€.
La renaissance des TET devrait passer par « une meilleure articulation de l’offre avec celle des TGV et des TER ». Une évidence même. Il faut rappeler qu’au fil des années, la SNCF n’a pas beaucoup fait d’effort en ce sens. Pas plus que l’État stratège ne s’est démené pour élaborer un schéma ferroviaire national organisant cette articulation.
Le préfet François Philizot prend en main « la concertation avec les régions, pour faire évoluer l’offre TET de jour sur la base des préconisations de la commission Duron, [selon] une articulation optimale [et en] exploitant au mieux les services existants. Toutes les propositions d’évolution seront examinées et les décisions prises au fur et à mesure d’éventuels accords, [jusqu’au] 1er juillet 2016 ». Le Gouvernement veut « concentrer son effort [y compris côté matériel] sur les lignes structurantes », Paris–Clermont-Ferrand, Paris–Orléans–Limoges–Toulouse, Paris–Caen–Cherbourg, Bordeaux–Toulouse–Marseille et Paris–Troyes–Belfort. On se demande « pourquoi Toulon et Nice sont écartés, en dépit de leur poids démographique », demande la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports).
Cette redéfinition de l’offre se réduit-elle à… sa réduction? Si cette éventualité(1) figure dans le rapport de sa commission du 25 mai 2015 (voir Bus & Car n° 971 et 978), Philippe Duron rappelle que ce document contenait « des propositions de renforcement de l’offre TET sur les axes les plus porteurs comme Paris–Caen, Bordeaux–Toulouse–Marseille et Paris–Limoges, propositions qui ne sont pas prises en compte ».
L’Association des régions de France (ARF) « salue la reprise partielle des propositions des régions », tel que le choix pour les matériels de contrats-cadres TER-constructeurs d’un « moindre coût pour la collectivité ».
Cependant, Philippe Richert, président de l’ARF, a appelé Alain Vidalies pour « regretter l’absence de travail préalable entre l’État et les régions ». Côté matériels, il demande que « l’appel d’offres [qui] nécessite un délai de développement de trois ans [soit] limité aux cas de figure pour lesquels aucune solution actuelle n’est envisageable ». Carole Delga, présidente de la région Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées, estime que « sur les trains de nuit, l’État doit revoir sa copie » pour maintenir les dessertes Paris–Hendaye et Toulouse–Hendaye, puisque « la nouvelle région [reste], en attendant la réalisation de la LGV GPSO (Bordeaux–Toulouse/Dax), la parente pauvre de la grande vitesse ».
« À partir du 1er juillet 2016, l’État ne financera plus le déficit des trains de nuit », a annoncé Alain Vidalies, puisqu’« avec seulement 3 % du trafic TET(2), les trains de nuit cumulent à eux seuls le quart du déficit total », a-t-il ajouté Aussi, l’État ne soutiendra-t-il désormais que trois relations nocturnes, en raison de l’absence d’alternative: Paris–Briançon, Paris–Rodez et Paris–Toulouse–Latour-de-Carol.
Un appel à manifestation d’intérêt, ouvert à tous les opérateurs, est lancé pour la reprise des neuf relations non subventionnées. Cette première ouverture à la concurrence ne soulève pas pour autant l’enthousiasme des opérateurs. Dans un communiqué du 19 février, Transdev, qui opère déjà des trains de nuit internationaux en coopération avec FS Trenitalia dans le groupement Thello, estime « qu’une nouvelle fois, le ministère montre son refus d’expérimenter l’ouverture à la concurrence de lignes subventionnées et se contente d’une ouverture en faux-semblant pour des lignes en grande difficulté, voire condamnées, [tout en continuant] à subventionner des lignes de nuit sans avoir challengé l’opérateur historique et ses coûts. La soi-disant ouverture consiste à demander aux opérateurs alternatifs de sauver les autres lignes de nuit qui sont à bout de souffle avec un matériel hors d’âge et dont l’équilibre économique est impossible. » Cette situation explique pourquoi la SNCF penserait à une filière russe, avec la location de matériels récents: des RZD semblables à ceux qui équipent les relations Paris–Moscou et Moscou–Nice (Riviera Express)!
Les annonces concernant les matériels apportent deux surprises. En effet, alors que le montant global à investir d’ici 2025 pour renouveler le parc des TER reste fixé à 1,5 Md€, Alain Vidalies a annoncé une commande supplémentaire choisie « sur étagère » par l’État. Il s’agit de 30 rames (450 M€) issues de la plateforme Alstom Régiolis, adaptées aux services grandes lignes et destinées à renouveler les matériels des lignes structurantes déjà évoquées. Elles s’ajoutent aux 34 rames déjà commandées dans les mêmes conditions en 2015 pour 510 M€, dont les premières d’entre elles seront livrées à la fin de l’année.
Seconde surprise, le principe d’une autre commande d’un même nombre de rames, cette fois au profit de Bombardier avec des Regio 2N adaptés. C’est, semble-t-il, sans attendre la sortie de la version grandes lignes Omneo de ces rames, que le constructeur propose pour les relations à haut niveau de trafic sur des lignes TET équipées de sections à 200 km/h(3). Cette commande, destinée aux relations Paris–Caen, s’est faite en raison du rapport longueur/capacité des rames Regio 2N qui correspond aux très fortes contraintes de hauteur, de longueur et de courbe des quais de Paris-Saint-Lazare.
Cependant, ces annonces ne rassurent qu’en partie les industriels. Ainsi, « les trente Régiolis supplémentaires ne permettront de faire tenir le site de Reichshoffen que jusqu’en 2018 », assure-t-on chez Alstom. Un point de vue assez proche chez Bombardier, alors que Crespin livre les dernières rames du Francilien et que le site s’est déjà concerté avec les régions pour étaler les livraisons des Regio 2N pour maintenir l’activité.
Le prochain rendez-vous est fixé au 1er juillet 2016. Ce sera celui du nouveau point d’étape d’été de la feuille de route TET.
(1) À rebours du rapport Duron, Alain Vidalies propose le maintien du TET Toulouse–Pau–Tarbes–Bayonne–Hendaye.
(2) Les 35 relations TET (dont 12 de nuit) transportent quotidiennement plus de 100 000 voyageurs dans 320 trains, dont 20 trains de nuit.
(3) Paris–Orléans–Tours, Paris–Orléans–Limoges et Paris–Caen–Cherbourg.
