L’ensemble des acteurs du transport routier de voyageurs se félicite de la libéralisation du transport domestique par autocar.Si chacun peut croiser des autocarsaux couleurs Megabus, FlixBus, Ouibus ou Isilines sur les autoroutes et routes de France, quel est réellement cet effet sur les immatriculations?
Pour Antoine Garnier, directeur commercial d’Iveco Bus pour l’année 2015, le marché des autocars est passé de 700 à 1 100 unités. D’autres sources, comme Julien Calloud, directeur commercial autocars et minicars Mercedes-Benz et Setra, estiment que ces chiffres sont plus élevés, passant de 1021 unités en 2014 à 1325 unités en 2015.
La hausse serait de 30 %. Est-ce que c’est mathématiquement ces 300 autocars qui sont dus à la loi Macron? Selon Nadia Omeyer, responsable marketing chez Evobus France, « la réalité se situerait entre 200 et 250 unités ». Le solde serait à rechercher plutôt dans les reports d’immatriculations dus aux délais de fabrication, en particulier chez Setra qui bénéficie à plein sur l’année 2015 de la gamme Série 500 au complet (avec l’arrivée des Setra S511 HD très attendus ainsi que du déploiement de véhicules de niche, tels que les Setra S519 HD ou Setra S431 DT). Un point corroboré par Thierry Archambault, président délégué de la Chambre syndicale des importateurs de l’automobile et du motocycle (CSIAM) qui déclarait le 14 janvier dernier: « il y a eu un réel impact de la loi Macron au cours du dernier trimestre 2015. En 2016, on devrait profiter du maintien des annonces d’ouvertures de lignes (…). L’année 2015 a été dopée également par les retards de livraisons en 2014 de certains constructeurs. » Autre élément de réponse: l’accélération des immatriculations sur les 4 derniers mois 2015: on sait que les autocars scolaires tirent l’activité entre août et septembre, mais ici, l’accélération des immatriculations s’est maintenue jusqu’en décembre, ce qui distingue 2015 des cycles habituels. Résultat: 2 641 immatriculations entre septembre et décembre 2015, un volume inhabituellement élevé (voir tableaux). Ce résultat est d’autant plus spectaculaire qu’à fin juillet, les immatriculations étaient plutôt en deçà du rythme mensuel enregistré en 2014.
Gwenaël Bonnot, directeur commercial d’Irizar France le dit sans ambages: « Emmanuel Macron? Je pense que je peux lui dire merci (…) C’est toutes les lignes nationales qui vont nous porter ». Alain Court, directeur de l’activité autocars et autobus chez MAN France estime quant à lui que la libéralisation a généré « une quinzaine de véhicules liés à la loi Macron ».
On se souvient du lancement en grande pompe d’iDBUS avec des Setra S415 GT-HD et Irisbus Magelys HD il y a 3 ans.
Aujourd’hui, Ouibus, qui lui a succédé, exploite plutôt des Mercedes-Benz Tourismo, avec une sellerie et des pas de sièges moins luxueux!
Toujours chez Ouibus, l’Irizar 16 est devenu un modèle très populaire, ce qui prouve aussi un repositionnement sur le milieu de gamme, même si les prestations de bases telles que wifi à bords, toilettes et prises USB à la place demeurent d’actualité.
Autre changement: le passage d’un modèle d’exploitation en direct (Starshipper via les adhérents du groupement Réunir, iDBUS) à un modèle de sous-traitance (FlixBus) qui peut induire des achats plus orientés vers un rapport prix/prestations optimisé. Antoine Garnier estime que pour Iveco Bus, « on en profite maintenant avec un véhicule [le Magelys Euro VI, ndlr] plus rationnel axé sur les coûts ». Les cadences de production de l’Iveco Bus Magelys Euro VI passeront ainsi au mois d’avril 2016 à 2,5 autocars par jour à Annonay, un niveau historique pour le Magelys. « Notre carnet de commandes d’autocars au 31 décembre 2015 est supérieur à celui du 31 décembre 2014 », se rassure Antoine Garnier.
Cette même évolution expliquerait le décollage commercial de Scania, en particulier du Higer Touring qui a profité du déploiement d’Isilines puisqu’il a représenté 40 % des commandes Scania France en 2015. Irizar est également l’un des grands gagnants de l’année passée et de la libéralisation des lignes nationales, avec pas moins de 71 Irizar 16 immatriculés. Clairement, le marché de ces véhicules se concentre sur des autocars de 13 m en 2 essieux dotés de grandes soutes. Un portrait-robot qui explique l’importance prise par le VDL Futura FHD2-129 dans les volumes de VDL Bus & Coach France. En 2016, Van Hool en profitera-t-il à son tour avec la gamme EX dans les versions EX 15 H et surtout EX 16 M? Le modèle a semble-t-il un démarrage commercial assez lent, il ne faudrait pas qu’il laisse passer la vague des autocars Macron.
Comme évoqué dans notre édition n° 993, datée du 5 février 2016, les immatriculations devraient se tasser (souvenons-nous de la prédiction d’Alain Court: « vu la précipitation des acteurs, il y aura des morts »). Les autocars Macron passeront-ils le printemps? Le taux de remplissage sera-t-il suffisant pour justifier la poursuite des ouvertures de lignes et des investissements? Certains observateurs en doutent. Mais il ne faut pas oublier non plus un des atouts majeurs de l’autocar: sa flexibilité! Une ligne n’obtient pas le succès escompté? Un changement d’horaire, une modification des escales ou de l’itinéraire et elle peut trouver sa clientèle.
D’après certains observateurs, les attentats du 13 novembre dernier pourraient avoir un impact sur l’activité des spécialistes du tourisme en autocar, en particulier sur l’Ile-de-France. Et, par voie de conséquence, sur leurs éventuels achats ou renouvellements de parcs. Une question d’importanceen cette année d’Euro 2016 de football. Le marché des autocars constituera-t-il une énième victime, méconnue celle-là,des attentats de novembre 2015? Cet attentisme viendra-t-il alimenter la décrue annoncée des immatriculations d’autocars neufs pour 2016? Rendez-vous en fin d’année pour le savoir.
