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Multimodalité

1. Le smartphone, nouveau sésame de la mobilité

Si le mobile devient la clé d’accès et de réservation d’une multitude de services de transport, bus, métro, train mais aussi autopartage, vélo et VTC ou taxis, la prochaine étape est d’intégrer tous ces modes dans la recherche d’itinéraire via une plateforme technologique. Un chantier autant technique que de management.

Devenu indispensable au quotidien, le téléphone mobile se transforme en couteau suisse de la mobilité. « Nous passons d’un monde mobile-first à un monde mobile-only », résumait Larry Page, fondateur et Pdg de Google, marquant ainsi la mise à l’écart des ordinateurs dans les usages numériques des consommateurs et l’exclusivité remportée par les services pensés uniquement pour les terminaux mobiles plutôt que dérivés des ordinateurs.

Un outil devenu quotidien

Désormais, chacune de nos actions quotidiennes a son appli mobile, pour la connecter, la partager, la rendre plus rapide, plus souple, plus ludique, dans les sphères personnelles ou professionnelles. Et quoi de plus quotidien et complexe que la mobilité et les transports? Le secteur a bien compris le mouvement de fond qui se produit dans le monde, et en France, avec ces nouveaux usages. D’après le baromètre du numérique du Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), paru fin 2015, 58 % des Français sont équipés d’un smartphone contre 46 % en 2014. Et sans surprise, les taux grimpent à 90 % pour les 18-24 ans et 79 % pour les 25-39 ans. Mais pour un réseau de transport, développer une appli mobile pour ses voyageurs n’est peut-être plus suffisant pour s’inscrire dans les enjeux de la multimodalité. Lors d’une conférence sur l’impact des nouvelles mobilités dans le transport public à l’occasion du congrès ITS de Bordeaux, Kara Livingston, directrice marketing de Keolis, explique: « Les nouveaux acteurs comme Uber, l’appli Moovit ou BlaBlaCar, changent la mobilité comme Amazon ou Ebay ont changé l’e-commerce. Les utilisateurs ne font plus la différence si les acteurs sont publics ou privés, ils cherchent juste le transport le plus simple. » « La technologie permet aux voyageurs d’être multimodaux et la loyauté du voyageur va à celui qui parvient à lui simplifier la recherche et l’usage d’un transport, en intégrant le plus de choix possibles » poursuit la responsable. La course à l’agrégation d’un maximum de services au sein d’une seule et même appli, que l’on désigne côté coulisses comme une plateforme pour signifier l’étendue de sa portée. Devenue porte d’entrée du voyageur, c’est le nouveau graal à conquérir. Les projets et les tentatives se multiplient de la part d’une grande variété d’acteurs (opérateurs, start-up, autorités organisatrices publiques), tous cherchant la parade technologique pour résoudre la complexe équation d’agréger toutes les offres possibles de mobilité en un seul écran.

Calcul d’itinéraire et réservation

Les premiers projets sont tout d’abord venus de plusieurs applis mobiles grand public, développées par des start-up, comme le Canadien Transit App, l’anglais Citymapper ou l’israëlien Moovit (dans lequel Keolis a investi). « Nous souhaitons créer de la confiance avec l’usager et lui apporter la meilleure information grâce au traitement de multiples sources d’information par nos algorithmes », détaillait Itay Gil, directeur marketing de Moovit, lors du congrès ITS de Bordeaux. Quel est le fonctionnement de cette appli que l’on décrit souvent comme le Google des transports en commun? Statistiques et plannings horaires, données passives issues des smartphones, données GPS des véhicules et des utilisateurs, données saisies manuellement par les usagers, etc. Moovit compile toutes ces sources hétérogènes, dont certaines apportées par ses 29 millions d’utilisateurs, pour apporter une information temps réel dans les 700 villes dans lesquelles il est présent. Selon les villes, il reçoit également des données des opérateurs et autorités locaux et compte bientôt intégrer la réservation de taxis ou de VTC, et de services d’autopartage. Déjà bien établie, l’appli dispose d’une audience et de groupes d’utilisateurs déjà fidélisés: le passage au multimodal lui donne un poids supplémentaire au moment de négocier ses accords avec des prestataires extérieurs.

L’ère de la share autonomy

Des fonctionnalités de modes alternatifs que propose déjà en Allemagne, l’appli Moovel, filiale du groupe automobile Daimler. Elle souhaite pousser ses pions un peu plus loin, en ajoutant le paiement de ces services de transport au sein même de son appli. La dernière édition du salon IT-Trans, consacré aux solutions technologiques dans les transports publics et organisé début mars par l’UITP à Karlsruhe en Allemagne, témoigne de l’intérêt de l’industrie pour ces plateformes de mobilités intégrées. La start-up Moovel y présentait son offre et son analyse. Pour Thomas Friderich, directeur du développement, « les systèmes actuels des transports publics ne sont plus adaptés aux défis du secteur, comme l’urbanisation croissante, les contraintes liées à la pollution de la circulation automobile et des embouteillages dans les villes, la saturation des parkings », mais aussi, côté utilisateurs, « la tendance à ne plus accorder d’importance à la propriété de biens physiques, mais plutôt à l’utilisation de services numériques, comme l’autopartage, mais plus encore l’arrivée prochaine des robots taxis, basés sur des voitures autonomes. » « Nous passons de l’économie collaborative, la share economy, à celle de l’autonomie partagée, la share autonomy », conclut le responsable.

Quel modèle pour les transports?

Mais que pourra bien devenir le transport public dans cet univers? Bonne nouvelle, il conservera un rôle majeur dans les déplacements à condition « d’ouvrir ses données, proposer différents modes de transports, taxis, vélos, à pied en plus des bus et métros, permettre un paiement facile à partir du smartphone… comme nous le faisons dans notre appli ». Car Moovel s’imagine tout à fait dans le rôle d’intégrateur technologique de mobilités, son appli mobile devenue porte d’entrée du voyageur et carrefour de tous les déplacements des voyageurs.

Interrogé sur le modèle économique de Moovel, Thomas Friderich garantit une totale neutralité dans l’affichage des résultats et dans le choix des prestataires, alors que l’appli intègre deux de ses propres services, car2go pour l’autopartage, et mytaxi pour la réservation de taxis. « Nous nous rémunérons auprès des transporteurs référencés dans notre appli comme l’opérateur local de transport Stuttgarter Straßenbahnen AG (SSB) à Stuttgart ou encore la compagnie ferroviaire DB », explique Thomas Friderich, qui propose aux transporteurs un nouveau canal de distribution, « nous apportons plus de clients à un coût inférieur de celui des opérateurs, et en proposant en plus une présence dans plusieurs villes ».

Le porte à porte dans la poche

Pas certain toutefois que ce modèle ne convienne à tout le monde. Développé par un acteur privé qui ne prévoit pas de fonctionner en marque blanche, il met à distance le voyageur et le transporteur en échange d’une solution technologique d’information et de paiement clé en main. Car de nombreux acteurs, transporteurs ou autorités organisatrices, ont la volonté de rassembler une audience la plus large possible à travers leur propre plateforme, en fonction de leurs capacités d’investissement, de création et de l’étendue de leur territoire d’action.

Illustration avec la SNCF et son ambition dans ce que le groupe ferroviaire appelle le « porte à porte », un programme dirigé par Hervé Richard. Lors d’une conférence au Congrès ITS de Bordeaux, il expliquait: « L’écosystème de la mobilité partagée, historiquement limité aux transports publics, s’élargit avec les nouveaux usages numériques. Il intègre aujourd’hui le vélo, le covoiturage, l’autopartage, mais notre ennemi reste le même, c’est la voiture individuelle ». La solution pour la SNCF passe donc par la création d’une plateforme reliée à ces nouveaux services, taxi, VTC, vélo, parking, voiture partagée. L’appli les propose, mais ce n’est que le premier pas de la SNCF dans cette direction. Car même si l’appli principale de la SNCF, qui porte son nom et dont la dernière version est sortie début mars, affiche les informations des transports locaux et renvoie vers ses autres services (IDPass, IDVroom, IDCab), la recherche d’itinéraire n’affiche pas encore la disponibilité temps réel de ces modes alternatifs, pour précisément faire du porte à porte. « Le plus difficile est de faire des choses simples », soulignait Hervé Richard, qui pointe du doigt le chantier phare qui développera l’usage des transports selon lui, celui du paiement multimodal tout en un par mobile, chantier sur lequel la SNCF travaille avec sa filiale Keolis.

La Californie bien partie

Outre-Atlantique, l’autorité organisatrice de San Francisco s’est attelée à résoudre le problème d’une plateforme unique en regroupant toutes ses agences en charge des transports, des taxis, de la circulation, dans une seule entité. Pour Timothy Papandreou, directeur du bureau d’innovation de San Francisco Municipal Transportation Agency, lors d’une présentation au salon IT-Trans de Karlsruhe, « la mobilité en tant que service (ou MaaS pour mobility as a service) a le smartphone comme outil de base ».

À terme, tous les modes de transport de la capitale des start-up en Californie seront regroupés dans une appli qui proposera l’ensemble des 7 modes de transport disponibles dans le périmètre de l’autorité. « Notre objectif est de mieux associer les services planifiés et ceux de la mobilité à la demande, pour fonctionner dans un seul et même écosystème. » Accessible, interopérable, abordable économiquement et durable, cet ensemble sera aussi ludique, avec des opérations incitant au report modal, et tout cela à partir d’une seule et même appli mobile centralisée par l’autorité de San Francisco.

Plus que l’économie collaborative, c’est vers l’autonomie partagée que s’orientent les transports: entendez par là, des voitures autonomes électriques partagées qui assureraient les trajets à la demande des voyageurs depuis leur smartphone. « C’est le modèle le plus viable pour l’environnement, la sortie des voitures des centres-villes et la désaturation des espaces de circulation et de vie, occupés aujourd’hui par les parkings, des voitures vides à l’arrêt », explique Timothy Papandreou. Clé du report modal et de l’avènement du transport à la demande automatisé, on ne croyait pas nos smartphones aussi puissants…

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Auteur

  • Bruno Gomes
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