Fin mars, Carole Delga, présidente de la région Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées, lance officiellement les états généraux du rail et de l’intermobilité au pôle d’échange multimodal de Baillargues, près de Montpellier. C’est la première étape de la feuille de route qu’elle a donnée au nouveau vice-président en charge des mobilités et des infrastructures transport, Jean-Luc Gibelin. Entretien.
Jean-Luc Gibelin: Je suis infirmier psychiatrique, devenu directeur d’hôpital, donc plutôt orienté sur les questions de santé. Ayant des responsabilités nationales au parti communiste français, j’ai été désigné par les communistes de la région comme co-chef de file aux élections régionales. C’est à ce titre que m’a été proposée cette vice-présidence aux transports, traditionnellement confiée dans les exécutifs de gauche à un communiste (comme ses prédécesseurs Bernard Marquié et Charles Marziani en Midi-Pyrénées, ndlr). Les propositions que nous portons depuis longtemps sont la priorité au service public des transports, le souci de l’intermodalité des transports doux et l’articulation fluvial-rail.
J.-L. G.: La feuille de route s’est construite entre les deux tours des élections, quand s’est faite la jonction des listes (PS-PRG, ndlr) de Carole Delga et (Écologistes-Front de gauche, ndlr) de Gérard Onesta. Carole Delga a pris l’engagement de mettre en place des états généraux du rail et de l’intermodalité. C’est la première question qui m’est confiée et sur laquelle je veux m’engager avec force. Nous souhaitons le plus de proximité possible, l’information la plus large pour la consultation des citoyens, des associations, des professionnels, des syndicats, des employeurs, de tous ceux que j’appelle les ayants droit aux transports. La consultation ira de début avril au 8 juillet. Ces trois mois de parole ouverte et de récupération des contributions seront suivis d’un temps d’analyse, de consolidation et de projection, avant la restitution courant septembre. Ce temps est constitutif de la démarche et de la politique que nous voulons mettre en place.
Nous avons bien sûr des choix que nous portons, la présidente Delga et moi-même: le choix du service public, du train du quotidien, de la proximité, de l’accessibilité dans tous les sens du terme. Notre proposition est construite, mais la politique que nous voulons mettre en place, avec une planification sur les 15 à 20 ans qui viennent, va se consolider à partir des états généraux.
J.-L. G.: Depuis 15 ans, sur l’impulsion des différents présidents et vice-présidents aux transports, les deux régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées ont beaucoup investi dans les transports, et en particulier dans le transport ferré. Ils nous ont permis d’être en situation de nous projeter à 15-20 ans. Sinon, nous serions face à un réseau bien plus dégradé, sans circulation de trains sur bien des axes.
En Midi-Pyrénées, il y a eu un plan rail très important qui a permis de rénover la très grande majorité du réseau, la dernière tranche engagée étant la ligne Toulouse – Tarbes. Dans le même temps, il y a eu en Languedoc-Roussillon l’avancement de toute la partie grande vitesse, le contournement Nîmes –Montpellier et la mise en place du TER à 1 €. Dans les deux régions, il y a des concrétisations différentes des politiques parce que les réalités sont différentes. C’est flagrant quand on regarde la carte: en Midi-Pyrénées, une étoile à partir de Toulouse, en Languedoc-Roussillon, un râteau avec un axe et des éléments qui s’y raccrochent. Pour autant, sur les deux versants de la région, il y a eu la volonté de développer le service public des transports ferrés.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de difficultés. Il y a des lignes en tension, à défendre, à promouvoir, à réinstaller. Je m’engage à mettre tout en œuvre pour être le vice-président qui pourrait rouvrir au moins une ligne. J’ai en tête la ligne Alès–Bessèges (où il n’y a plus de train depuis deux ans mais où les rails existent toujours), la rive droite du Rhône (où passent des trains de fret mais plus de voyageurs) et aussi la ligne vers Luchon, où il y a à travailler sur des perspectives. Je sais que la présidente y sera très attentive.
J.-L. G.: Nous n’avons pas d’objectifs chiffrés, parce que nous n’allons pas entrer dans les états généraux en ayant déjà décidé la sortie. Par ailleurs, nous allons entamer – et c’est le deuxième chantier de l’année 2016 – la négociation d’une nouvelle convention région-SNCF pour les TER, qui ne pourra pas être la simple fusion des deux conventions précédentes.
Nous aurons une vision plus précise de ce qui est possible ou pas, de ce que nous allons demander à partir des états généraux et de ce que la SNCF va accepter et valoriser.
Quels que soient ces éléments, notre feuille de route est déterminée par l’obsession que la présidente Carole Delga et moi-même partageons pour le train du quotidien, de celles et de ceux qui en ont besoin pour aller travailler ou étudier. Notre première préoccupation est d’améliorer ses dessertes, ses tarifs, son équipement, la présence humaine dans les gares, etc. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas à se préoccuper de la liaison entre les deux métropoles Montpellier et Toulouse qui doit être améliorée, du désenclavement de plusieurs parties de la région et de la grande vitesse.
J.-L. G.: Le conseil régional a décidé un moratoire sur la gare de la Mogère, qui n’est pas un projet consensuel, pendant la durée des états généraux. Cela a une incidence sur la gare de Manduel, même si on n’en est pas au même stade (la première est annoncée pour 2017, la deuxième pour 2020), car ces deux gares sont positionnées sur le contournement de Montpellier et Nîmes: si l’une ne se faisait pas, l’autre serait concernée. Nous nous demandons pourquoi il y a une opportunité pour que la grande vitesse arrive dans le centre-ville à Toulouse, d’un côté de la région, alors que de l’autre côté, les gares sont positionnées hors ville: la Mogère dans l’agglomération mais hors du centre-ville, complètement en dehors de la ville pour Manduel. Cette question doit être traitée, alors qu’on nous demande une participation financière sur des projets dont la SNCF et l’État sont à l’initiative. Il faut aussi une réponse de la SNCF sur la fréquence d’utilisation de ces gares. Est-il urgent de faire une gare à une période où il faut faire des économies et où on nous dit que les autres projets (les lignes de Luchon, Carcassonne –Quillan, Alès–Bessèges, de la rive droite du Rhône) ne peuvent pas se faire pour des raisons financières? Il est légitime de mettre en perspective l’ensemble de ces questions.
J.-L. G.: Nous allons entrer dans une phase d’uniformisation des tarifs, pour mettre en place une politique régionale à un terme que nous souhaitons le moins lointain possible. Ce ne sera pas la généralisation d’un côté ou de l’autre, mais un mixte. Rien n’a encore été décidé, car cela doit être discuté dans les états généraux – et nous souhaitons une expression assez forte de la population sur ces aspects – et la négociation avec la SNCF n’a pas commencé. Nous sommes déterminés à trouver une tarification qui réponde aux préoccupations du train du quotidien, pour celles et ceux qui le prennent le plus souvent. Il faut aussi une tarification qui ait une dimension sociale (ce qui est normal, car nous sommes la seule région dans laquelle la totalité de la gauche est dans l’exécutif régional), et une tarification qui donne envie à des utilisateurs occasionnels de découvrir la région par le train. Ces éléments étant divers, il y aura forcément plusieurs facettes à cette tarification et à l’uniformisation. Ce sera forcément long d’intégrer tout ça.
J.-L. G.: Ce dialogue a été aussi mené en Languedoc-Roussillon puisqu’il y a des supports identiques ou compatibles à Montpellier, Nîmes, Alès, et dans les départements. Il faut rapidement mettre en place un support unique pour la totalité de la région et pour l’essentiel des transports.
Vous devez aussi intégrer les transferts de nouvelles compétences transport à la région en 2017. Au premier janvier 2017, la loi nous transfère la compétence du transport routier interurbain. Au 1er septembre 2017, ce sera le tour du transport scolaire. Avec la présidente Delga, nous n’avions pas forcément la même posture vis-à-vis de la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République), puisque je fais partie de celles et de ceux qui l’ont combattue. Mais la loi s’applique et nous sommes d’accord sur le fait qu’il y aura bien une politique régionale. Cependant, cette politique ne sera pas décrétée du bureau de la présidence ou de la vice-présidence. Elle va être co-construite avec les acteurs actuels des conseils départementaux.
Si mes renseignements sont bons, le transport scolaire est régi selon une dizaine de modalités différentes dans les 13 départements du Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées. Tout cela ne se règlera pas en une seule fois. Il y a un besoin de proximité. Il faudra donc se concerter pour trouver des solutions gagnantes et pas perdantes. Personne n’a la superbonne solution et il va falloir trouver une solution médiane.
Carole Delga a engagé une tournée de rencontres avec tous les présidents des conseils départementaux. Quand ce sera terminé, nous aurons une réunion régionale avec les vice-présidents aux transports des conseils départementaux et un temps de concertation et de négociation. La présidente tient à ce qu’il y ait une politique régionale, aussi bien pour les transports scolaires qu’interurbains, mais cela ne sera pas en place au 1er septembre 2017.
J.-L. G.: Les transports interurbains seront un des aspects abordés lors des états généraux du rail et de l’intermodalité (mais pas les transports scolaires). Il y a des réseaux et des circuits qui fonctionnent bien et il n’est pas question d’en faire abstraction. Mais il va falloir trouver une cohérence régionale. Notre démarche sera de donner la meilleure réponse à l’ensemble de la population. Je ne pense pas que cela passe par la mise en concurrence des départements ou des métropoles, par décerner des bons ou des mauvais points à tel ou tel choix.
La présidente est issue d’une partie rurale de la Haute-Garonne et elle sait ce que c’est que d’être dans les coins pas forcément les plus en vue. Nous fixons des objectifs qui sont ceux du service public, de la proximité, de l’accessibilité, de l’augmentation de l’accès des ayants droit, et nous construisons la politique qui permet d’atteindre ces objectifs en nous appuyant sur les expériences réussies.
J.-L. G.: La discussion budgétaire ne fait que commencer. Mais le transport reste une priorité. La présidente ne s’engage pas comme elle s’engage dans les états généraux du rail et de l’intermodalité pour au final dire qu’on n’a pas le début d’un euro et donc qu’il ne se passera rien. Si on s’engage sur les états généraux, c’est bien pour pouvoir faire des choses!
En 2002, la marque Tisséo fait son apparition dans le paysage urbain. Ce nom, évocateur de lien et de mobilité, révèle les enjeux de demain: anticipation et modernisation. Tisséo devient ainsi l’accompagnateur du développement d’un véritable réseau d’agglomération des transports en commun. Ces missions relèvent de la compétence du SMTC (syndicat mixte des transports en commun) qui confie l’exploitation commerciale à une régie sous forme d’Épic (établissement public industriel et commercial).
• 3 500 km de voies ferrées (2 200 km en ex-MP et 1 300 km en ex-LR).
• 500 trains par jour.
• 56 000 voyageurs TER par jour (29 000 en ex-MP, 23 000 en ex-LR).
• 2 fois plus de voyageurs TER en 10 ans, de 5 à 12 millions par an en ex-MP et de 5 à 9,3 en ex-LR.
• 20 lignes TER (12 en ex-MP, 9 en ex-LR, dont une commune, Narbonne –Toulouse).
• 460 M€ d’investissements pour la rénovation du réseau depuis 10 ans dont:
– 400 M€ en ex-MP avec le plan rail (2007-2013) d’un coût total de 920 M€: renouvellement de 500 km de voies sur 11 lignes et doublement de 18 km de voies entre Toulouse et Saint-Sulpice.
– 58 M€ en ex-LR sur des opérations d’infrastructures, dont le viaduc de Courbessac, le pôle d’échange multimodal de Montpellier Saint-Roch et de Baillargues (maîtrise d’ouvrage région), le chantier de transport combiné Saint-Charles à Perpignan, les réseaux ferroviaires portuaires de Sète et Port-la-Nouvelle, etc.
– 1,9 Md€ d’investissement dans les TER depuis la régionalisation (1,2 en ex-MP, 0,7 en ex-LR). Carole Delga, présidente de la région LRMP.
