La firme polonaise Solaris Bus s’affirme clairement comme un spécialiste de la traction électrique appliquée aux transports urbains. Outre son tramway à gabarit réduit Tramino, avec les Trollino, elle est le chef de file européen incontesté du trolleybus, et étend son offre avec l’autobus Urbino de 4e génération électrique à batterie.
Solaris Bus n’a pas tardé à développer l’offre de versions autour de l’Urbino 4, puisque dès la fin de l’année 2015, le constructeur d’Owinska proposait une version électrique à batteries. Le modèle qui fait l’objet de cette prise en mains sortait tout juste de la campagne de tests mise en place par la RATP. En marge des tests en marche à blanc, il a vécu une utilisation en conditions réelles d’exploitation pendant trois mois, sur les lignes 21 et 147 de la RATP (billettique mise à part), soit plus de 2 500 km parcourus.
Il n’en demeure pas moins un véhicule de démonstration, comme en témoignent le montage des jantes Alcoa en alliage léger ou l’afficheur numérique avec les commandes tactiles façon Star Wars, optionnels. Autre détail inhabituel pour un véhicule exploité sur le réseau RATP: la configuration à trois doubles portes, un aménagement un peu pénalisant en termes de places assises, mais tellement appréciable aux arrêts pour la gestion du flux de passagers.
Si la motorisation prévoit un moteur simple de 170 kW en pointe, Solaris Bus propose le montage en option d’un pont-portique ZF AVE 130, avec 2 moteurs électriques de 125 kW unitaires en crête. C’est cette configuration qui est l’objet de la prise en mains. Avec le pont-portique, exit le nez de pont traditionnel. L’emmarchement est ici à citer en exemple. Cette offre complète de motorisations est déjà un indice clair de la maîtrise de Solaris Bus en matière de traction électrique, mais nous y reviendrons.
La firme propose différents modes d’alimentation: soit par ravitaillement en dépôt avec un chargeur dédié (montage standard), la trappe de charge accueillant aussi les prises de charge rapide Combo, soit des possibilités optionnelles de biberonnage par induction ou pantographe (systèmes ABB, Siemens ou Bombardier). Ajoutez-y éventuellement des perches avec leurs enrouleurs, et vous obtiendrez un très beau trolleybus de nouvelle génération (le Sytral, dans le cadre de sa veille technologique sur les trolleybus et la traction électrique à batterie, a des contacts avec Solaris Bus France)!
Notez un détail, pas forcément anodin: le chauffage additionnel est optionnel, et au choix, d’origine Spheros électrique ou Eberspächer au méthane (ce qui implique un réservoir dédié supplémentaire). Pour le conducteur, et les passagers, une climatisation avec compresseur électrique est disponible en option. Mais gare à l’addition en kWh! Car tout est ultra-optimisé: preuve en est l’utilisation systématique d’éclairages à diodes électroluminescentes (LED), tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Le carénage de toit permet de dissimuler habilement les batteries, il est commun avec les différentes options disponibles sur l’Urbino 12 Electric. Notez que ce denier peut s’avérer fragile avec certains portiques de lavage à balanciers; un détail auquel les conducteurs devront s’habituer, avec ces véhicules dotés de batteries en pavillon.
La production et la commercialisation ont d’ores et déjà commencé, mais les délais de fabrication sont supérieurs à ceux des versions diesels ou hybrides (comptez de 7 à 9 mois, contre 5 à 6 pour les versions plus conventionnelles). La commercialisation se fait soit en vendant le véhicule complet, soit en vendant le véhicule et en mettant les batteries en location longue durée (via un spécialiste de ce type de prestation, Sodetrel par exemple).
Pour rassurer les exploitants, Solaris Bus monte des packs interchangeables de 40 kWh, ce qui permet de limiter le coût des changements en cas de défaillance, mais aussi et surtout, d’envisager du rétrofit en cours de vie du véhicule! Le constructeur témoigne, là encore, de sa maîtrise de la question de l’électrique appliquée aux autobus.
Connexion Transports & Territoires serait-il acheté par le constructeur? Que nenni! Regardez l’intégration des batteries, de l’électronique de puissance ou des convertisseurs de courant: c’est propre, net, clairement signalé et identifié. L’expérience du tramway et des trolleybus est passée par là. Solaris Bus, contrairement à un constructeur Breton dont on taira le nom, prouve qu’il n’a rien à cacher et rien à craindre en matière de maîtrise de fabrication et de montage d’autobus électriques. Prochainement, le catalogue devrait s’étoffer avec l’apparition d’une version articulée 18 m de l’Urbino électrique, la puissance stockée pourra alors atteindre les 320 kWh.
Dans tous les cas, Christian Weintz, gérant chez Solaris France, insiste sur l’exigence d’évaluer exactement le parcours et les conditions d’exploitation, pour dimensionner précisément les capacités des batteries embarquées (de 75 à 240 kWh), leur couple électrochimique (lithium fer phosphate ou lithium oxyde de titane) et leur mode de charge. Un travail d’avant-vente effectué conjointement par Solaris Bus France et sa maison mère en Pologne.
Reste que l’addition pour rouler « zéro émission » demeure salée: 500 000 € HT pour un autobus de classe standard 12 m!
Longueur hors-tout: 12 m.
Hauteur hors-tout: 3,35 m.
Empattement: 5,9 m.
Largeur hors-tout: 2,55 m.
PTAC: 19 t (hors batteries).
Motorisation: Medcom asynchrone 170 kW en crête ou ZF 2 x 125 kW (option du modèle essayé).
Batteries: lithium-ion fer phosphate 240 kWh (autres montages possibles).
Recharge lente: par câble 380 V et 60 kW, prise charge rapide Combo.
Options recharge par biberonnage: (induction ou pantographe).
Essieu AV: à roues indépendantes ZF RL75 (option pont avant rigide ZF), pont portique ZF AVE 130 à l’AR. Option moteurs-roues.
Direction: à assistance électrohydraulique ZF Servocom.
Freinage: à disques intégral, à commande pneumatique, régulations ABS et EBS, antipatinage en série.
Suspension pneumatique intégrale d’origine Wabco ECAS, avec agenouillement (-70 mm; + 60 mm).
Carrosserie: autoportante, structure en acier inoxydable et panneaux en aluminium.
Capacité: de 23 à 37 + 1 UFR+ 1 places assises, plus 30 à 34 passagers debout.
Autonomie: NC.
Le tableau de bord optionnel exigera des conducteurs de conduire en gants blancs, tant il est sensible aux traces de doigts!
Le montage d’origine Actia sera certainement plus raisonnable.
En mouvement, on retrouve le plaisir de la traction électrique, avec une parfaite linéarité des accélérations.
La limitation à 70 km/h intervient en douceur et entraîne, en cas de dépassement, une phase de récupération d’énergie.
On a l’impression de conduire un trolleybus… sans fil à la patte.
La visibilité à bord de l’Urbino 4 est excellente, tant en vision directe qu’en rétrovision côté droit. Le miroir côté gauche est pénalisé par des reflets dans la vitre conducteur. Le gabarit est facile à cerner, et cela est précieux en parcours étroit.
Le rayon de braquage n’appelle aucune critique, ni éloge particulier.
Le filtrage de direction est excellent. Malgré la surcharge pondérale, le comportement dynamique est excellent, même en courbe.
On regrette que la récupération d’énergie ne soit pilotée qu’au pied, via la pédale de freins. Un freinage par ailleurs très progressif.
Seule appréhension: les démarrages en côte, le délai entre le relâchement des freins et l’accélération effective génère un recul très stressant! Le roulage en roue libre est tout aussi déconcertant, mais moins vicieux que cet effet recul.
Reste la question du bruit: en supprimant le moteur thermique, on entend tout le reste, à commencer par le refroidissement de l’électronique de puissance et le roulement des pneus.
→ Douceur et linéarité des accélérations.
→ Absence totale de vibrations.
→ Filtrage de direction excellente.
→ Facilité de conduite.
→ Très bonne vision directe.
→ Démarrages en côte délicats (effet de recul).
→ Reflets dans la vitre gauche désagréables.
→ Bruits électroniques lancinants.
→ Tableau de bord numérique salissant.
