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Accident

1. Puisseguin, avancer après le drame

Peu d’éléments de l’enquête ont jusqu’ici filtré sur l’accident de Puisseguin, effroyable brasier dans lequel 43 personnes ont péri suite à la collision entre un camion et un autocar de tourisme. Les professionnels du transport de voyageurs veulent attendre les conclusions du travail de la police avant de s’engager dans de nouvelles réformes.

De cet accident, on sait finalement encore peu de chose. L’origine de l’incendie de l’autocar reste inexpliquée. Michel Seyt, président de la FNTV (Fédération nationale du transport de voyageurs), a recueilli le témoignage du dirigeant des Autocars Vincent, l’entreprise implantée dans le secteur de Libourne qui avait affrété un Mercedes Tourismo pour la sortie touristique d’un club de troisième âge: « Le conducteur était expérimenté et connaissait la route. Il était habitué à transporter des personnes âgées et savait donc adapter sa conduite pour ce type de passagers. Quand il est arrivé dans le virage, un camion, déjà en portefeuille mais qui n’était pas immobilisé, a surgi. Le choc n’a, semble-t-il, pas été d’une grande violence. Ce sont des circonstances incroyables qui ont fait que le feu s’est propagé à une vitesse folle », décrit-il.

L’attitude du conducteur a unanimement été saluée. En décompressant les portes de l’autocar, il a réussi à sauver huit vies en plus de la sienne: « Il a eu un excellent réflexe et il a eu le courage de remonter dans le car pour aller chercher des passagers jusqu’à ce que la température ne le lui permette plus », applaudit le président de la FNTV.

Le conducteur, à son corps défendant, est aujourd’hui un peu le modèle de toute une profession: « Je suis sûr que les salariés de nos entreprises, notamment les chauffeurs, s’identifient à lui », assure-t-il.

Des améliorations, mais lesquelles?

L’émotion passée, les autocaristes vont devoir se pencher sur des évolutions pour ne plus revivre un tel cauchemar. N’ayant pas été associée à l’enquête, la FNTV va se porter partie civile afin d’accéder au dossier dans son intégralité. « On ne fera pas l’économie d’une réflexion. La sécurité doit toujours être améliorée », promet Michel Seyt, très marqué. Il en va de la crédibilité de toute une profession, en état d’euphorie après l’adoption de la loi Macron, le 6 août 2015, qui a libéré les lignes nationales par autocar et favorisera l’émergence de nouveaux acteurs.

Le gouvernement pourrait obliger les constructeurs de camions et d’autocars à installer des dispositifs automatiques anti-incendie plus perfectionnés. Alain-Jean Berthelet, président et fondateur de Réunir, accueille cette proposition avec circonspection: « Dans ce métier, les dangers sont permanents. La réalité peut parfois être pire que la fiction. Le drame de Puisseguin l’a montré. Le Diable devait être dans ce virage. Alors oui, des progrès, nous pouvons toujours en faire, mais je ne sais pas très bien ce que nous pouvons faire de plus. » L’effet des extincteurs est, à ses yeux, limité. « Ils peuvent arrêter un début d’incendie. Mais quand un véhicule s’embrase, que peut-on faire? », s’interroge-t-il, une dose de résignation dans la voix, posant également la question « du rapport coût-efficacité » des prochaines préconisations. Alain-Jean Berthelet fait aussi le vœu que les acteurs du secteur sauront réagir froidement, avec discernement.

Si l’état de la route est, semble-t-il, hors de cause. Les collectivités locales, au premier rang desquelles les départements, s’inquiètent de la dégradation des finances publiques qui pourrait avoir des conséquences sur la sécurité routière. Il y a « le risque que nous soyons obligés de diminuer nos investissements. Et ce sont les investissements routiers qui sont la variable d’adaptation », avertit le député Dominique Bussereau (LR), ancien ministre des Transports et actuel président de l’Assemblée des départements de France.

D’autres acteurs se sont invités dans le débat. Ainsi, l’Anateep (Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public) a interpellé les acteurs publics et les entreprises pour qu’ils « poursuivent et amplifient leurs investissements dans une politique de long terme, en soutenant la prévention afin de modifier les comportements en cas d’accident (techniques d’évacuation, connaissance des équipements de sécurité, etc.). »

Les autocaristes épargnés

Mais, à part la réaction hâtive et maladroite du député écologiste Noël Mamère, unanimement critiquée, les politiques n’ont pas jeté l’opprobre sur une profession stupéfaite par la violence du brasier et sonnée par l’ampleur du drame. Michel Seyt, qui s’est entretenu en privé avec Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, et Alain Vidalies, le secrétaire d’État aux transports, salue l’attitude « responsable et digne » de ce dernier, qui a « fait aussitôt la bonne analyse ».

De ce point de vue, Alain-Jean Berthelet s’accorde avec le président de la FNTV: « Contrairement à l’accident de 2006 (lequel s’était soldé par la mort d’un enfant à Saint-Étienne), où le ministre des Transports avait mis en cause les autocars, les réactions politiques ont été très mesurées. » L’Anateep, généralement moins scrupuleuse, a fait savoir dans un communiqué que cet accident ne devait « pas occulter tous les efforts continus des partenaires du transport collectif routier de personnes (transporteurs, organisateurs, associations), qui ont permis à ce secteur d’être parmi les plus sûrs qui soient pour se déplacer. » Et de rappeler que la sécurité des transports scolaires est proche du zéro victime (5 tués en 2014).

Quel impact à court terme?

Pour l’heure, l’engouement populaire pour les lignes Macron, quelque 250 000 passagers ont été transportés par ces nouvelles lignes cet été, n’a apparemment pas été affecté. Michel Seyt affirme qu’aucune information sur un éventuel recul des ventes n’était remontée jusqu’à lui. Le cadre d’un nouvel acteur du transport, qui assure de grandes liaisons nationales, confirme « que les usagers ne se sont pas détournés de ce mode de transport qui a l’avantage de proposer des coûts attractifs. Les gens ont compris que l’autocar n’était pour rien dans le drame de Puisseguin. »

Dès que l’accident a été connu, Michel Seyt avait joué les pompiers de service pour que ni les médias, ni les politiques, ni le grand public ne fassent d’amalgames et n’associent ce car avec les lignes Macron. Il a aussi diffusé largement des indicateurs, bien connus de la profession: « Le transport par autocar est trente fois plus sûr que les autres modes de transport routier ».

Michel Seyt, président de la FNTV.

« Ce sont des circonstances incroyables qui ont fait que le feu s’est propagé à une vitesse folle. »

Une réglementation sérieuse

La législation et la sécurité des cars ont été renforcées depuis le drame de Beaune, en 1982, qui avait fait 53 morts. Des systèmes de coupe-circuit ont été mis en place, ainsi qu’une séparation entre le moteur et le corps du véhicule. En 2006, la réglementation européenne a obligé les chauffeurs à rouler moins de 9 heures par jour et moins de 4 h 30 d’affilée. Les autocars neufs sont dorénavant équipés de ceintures de sécurité. Depuis le 1er septembre 2015, elles sont obligatoires dans tous les cars, tout comme l’éthylotest antidémarrage (EAD).

Et puis, les nouvelles technologies sont arrivées. Des systèmes de rectification de trajectoire, en cas de franchissement de ligne par exemple, se sont peu à peu généralisés.

Tous ces efforts ont porté leurs fruits. Selon l’observatoire national interministériel de la sécurité routière, sur les 14 260 personnes mortes dans un accident de la route entre 2011 et 2014, seules 12 étaient passagères d’un car.

Alain-Jean Berthelet, président et fondateur de Réunir.

« Oui, des progrès, nous pouvons toujours en faire, mais je ne sais pas très bien ce que nous pouvons faire de plus. »

Dominique Bussereau, député, président de l’Assemblée des départements de France.

« Il y a le risque que nous soyons obligés de diminuer nos investissements. Et ce sont les investissements routiers qui sont la variable d’adaptation. »

Auteur

  • Xavier Renard
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