Si le secteur des transports n’est pas à la pointe en termes de projets d’exploitation de ses données, les industriels ne le négligent pas pour autant. Le lien avec les outils billettiques reste souvent le premier point d’accès aux solutions big data.
Comparé aux grands acteurs du Web et du e-commerce, le transport conserve une taille modeste. On estime ainsi que Facebook génère 130 terabytes (soit 130 000 gygabites) de données par jour sur ses serveurs, à comparer aux 20 terabytes générés par un réseau de transport moyen, comme celui de Bern, en Suisse, sur une durée de… 20 ans! Mais plus que le volume de données, c’est la nécessité pour les acteurs de la mobilité de rechercher de nouvelles solutions d’optimisation du transport public qui pousse les industriels à déployer des offres spécifiques. Augmentation de la fréquentation, restrictions budgétaires, pressions économiques sur les revenus, objectifs écologiques, enjeux politiques, etc., les facteurs à prendre en compte dans le secteur des transports sont nombreux et les outils d’aide à la décision du big data peuvent apporter de nouveaux éclairages et de nouvelles méthodes de travail. « Les autorités analysent déjà les données qui remontent aujourd’hui de leurs billettiques et de leurs parkings par le biais de rapports, mais le big data apporte plus d’intelligence à ces données », explique Mathias Serre, directeur commercial transport et secteur public de Xerox Business Solutions, éditeur de la solution Mobilty Analytics Platform. Plus d’intelligence, cela passe par une meilleure visualisation graphique de ces données sur la carte d’un territoire, « soit de manière statique, soit de manière dynamique, pour observer les évolutions de fréquentation d’un arrêt de tramway sur une journée par exemple, c’est une manière de présenter les données qui peut amener nos clients à s’interroger sur leur réseau ».
Autre type d’intelligence, l’analyse. « Le big data est un nouveau métier pour les clients », estime Étienne Chevreau, responsable stratégie ITS et équipement billettique de Thales qui commercialise ses outils big data au sein de sa solution cloud TransCity. « Auparavant, les autorités obtenaient des informations de fréquentation par le biais d’enquêtes étalées sur une période d’un ou deux mois, mais aujourd’hui, il est possible d’interroger des bases de données et d’obtenir des réponses rapidement. » Et ce, grâce aux algorithmes, ces méthodes de calcul permettant de résoudre un problème traduit en langage informatique. « Il est aujourd’hui possible d’en déployer des spécifiques, comme celui que nous avons développé en partenariat avec l’université de Montréal. Il permet d’obtenir des statistiques sur les lieux de sortie du réseau des voyageurs, même sans validation par un portillon, tout cela à partir de l’agrégation d’autres données comme le parcours, l’heure du voyage, le lieu d’entrée du passager et son profil anonymisé », détaille Étienne Chevreau. Ces algorithmes, devenus puissants et accessibles, sont la clé de voûte du big data, davantage que le stockage des données.
Accélérer les enquêtes origine-destination des autorités demeure une application concrète et facilement identifiable pour les clients de ces industriels. « Les enquêtes sont coûteuses, longues et peu régulières, l’enjeu avec notre outil est de modéliser les flux des voyageurs, a posteriori ou en temps réel, mais toujours en anonymisant leurs identifiants, explique Mathias Serre, il est aussi possible de déterminer l’occupation des véhicules, les correspondances qui sont effectuées, leur étalement dans la journée, l’accessibilité de zones situées autour d’un arrêt d’autobus, le tout avec un niveau de détail et de granularité très fort. »
Enfin, dernier enjeu, la simulation, niveau le plus abouti mais toujours en cours de développement. « L’idée est que le système apprenne de telle évolution du comportement des usagers à partir des flux enregistrés sur les réseaux, à condition d’avoir un historique de 2 à 3 ans. », explique Mathias Serre.
Le résultat? Simuler n’importe quelle opération sur son réseau et évaluer son impact: création d’une nouvelle ligne, interruption totale d’une ligne de tramway, report modal sur d’autres modes de transport, impact de la création d’un stade sur les déplacements, etc. « Nous l’avons mis en place à Nancy, qui utilise notre système billettique, nous avons pu relier ces données à d’autres sources, comme des données démographiques, il s’agit de modéliser les flux et les comportements. »
Les possibilités sont nombreuses, mais quels sont les prérequis pour décider de déclencher un projet big data? Les compétences, on l’a vu, et l’obtention de données issues de plusieurs sources comptent. Outre la qualité des données (non corrompues, non redondantes, complètes et issues d’une sélection pertinente), l’expertise métier transports est un point clé pour Xerox et Thales, comparé à des généralistes. « Il est plus facile d’identifier ce que l’on cherche à savoir », ajoute Mathias Serre. Même constat pour Étienne Chevreau qui recommande avant tout de bien fixer ses objectifs. « Est-ce que je cherche à créer de nouveaux services? À connaître les usages de mes clients? À optimiser mes grilles tarifaires? À dimensionner mon réseau? » Si la technologie ouvre de multiples possibilités, la règle est toujours la même, pour l’instant: seuls les décideurs pourront l’interpréter et en faire bon usage.
Face aux solutions d’une grande complexité, les industriels n’oublient pas de rappeler la singularité de leur offre sur le marché, notamment en termes d’équipes de R&D. IBM met en avant son centre de recherche de Dublin – le 12e de son réseau mondial avec 3 000 chercheurs – spécialisé dans le big data et les villes intelligentes. « Notre constat est que les villes ont d’énormes quantités de données inexploitées, c’est le fil rouge de notre travail », explique Olivier Verscheure, chercheur senior dans ce laboratoire irlandais.
De son côté, Xerox (ex-Ascom) rappelle l’historique de l’entreprise dans le traitement d’image et le développement d’outils pour modéliser les comportements des utilisateurs de documents, « un domaine d’innovation appliqué aux transports par notre centre de recherche européen basé à Meylan, près de Grenoble ». Le made in France s’applique aussi au big data.
