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Interview

2. Sécurité: un dispositif dense, adaptable en temps réel

Dans un contexte de tensions sociales exacerbées, et alors que l’état d’urgence vient d’être prolongé de deux mois, la sécurité est un enjeu majeur de l’Euro 2016. Les transports n’échappent pas à la règle. Julien Dufour, chef de l’unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun à la direction générale de la police nationale, décrypte le dispositif de sécurité qui sera mis en place dans les aéroports, les gares et les trains, entre le 10 juin et le 10 juillet.

Connexion TT: Les attentats survenus le 22 mars à l’aéroport et dans le métro de Bruxelles vous ont-ils conduit à revoir le dispositif de sécurité dans les transports en commun durant la période de l’Euro 2016?

Julien Dufour: Euro ou pas, les transports sont historiquement une cible privilégiée du terrorisme. On l’a vu récemment à Bruxelles, et auparavant à Londres, Madrid et Paris. Malheureusement, la France, en raison des lourdes épreuves qu’elle a traversées par le passé, travaille depuis bien longtemps sur ces questions. Nous sommes actuellement en plan Vigipirate alerte-attentats en Île-de-France, et en Vigipirate sur le reste du territoire.

La menace a donc été prise en compte bien avant l’Euro, et le sera encore après. Les événements de Bruxelles n’ont fait que confirmer une menace que l’on connaissait déjà. Nous avons bien sûr dressé un retour d’expériences de Bruxelles. Je m’y suis moi-même rendu deux fois depuis l’attentat. Néanmoins, je le répète, notre posture ne date pas du 22 mars dernier. Elle date de 1995 (attentat du RER B à la station Saint-Michel), et s’est adaptée, de nouveau, en 2015. L’organisation de l’Euro a contribué à multiplier les entraînements et les exercices de simulation d’attaques terroristes.

Fin mars, un exercice international, organisé par Railpol (association des polices du rail européen), a eu lieu à Sens. À cette occasion, la SNCF a mis un train à disposition pour les besoins des équipes. Le 20 avril, la gare Montparnasse a été le théâtre d’un exercice antiterroriste qui a engagé le Raid [unité d’élite de la Police nationale], le GIGN [Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale], la BRIPP [Brigade de recherche et d’intervention de la préfecture de police de Paris]. Un exercice très important de préparation à la menace NRBCE [menace nucléaire, radiologique, biologique et chimique] a également été organisé à Nîmes. Enfin, quatre gares, Marseille Saint-Charles, Lyon Part-Dieu, Lens et Bordeaux, ont été réquisitionnées toute une nuit ou en soirée pour des séances de simulation d’encadrement de supporteurs. La question terroriste a été jouée avec les impératifs de discrétion de circonstance. En effet, la technicité développée dans ces interventions ne doit pas être filmée, afin d’éviter que les personnes du camp adverse ne puissent les utiliser.

CTT: Concrètement, que prévoit le dispositif? Les équipes de sécurité dans les transports en commun seront-elles renforcées? Des moyens techniques spécifiques seront-ils déployés pour l’occasion?

J. D.: Sur le plan technique, la vidéo-protection est un outil central. Il prend tout son sens dans le cadre de manifestations comme l’Euro qui peuvent nécessiter de suivre et de repérer d’éventuels groupes hostiles. Cette technologie peut également être utilisée pour prévenir le passage à l’acte. C’est aussi un outil d’aide à la patrouille et de visionnage a posteriori.

En termes de moyens humains, la quasi-totalité des effectifs de police sera engagée dans la sécurisation de l’événement. Les transports sont un des éléments du concept global de sécurité de l’Euro 2016. Il y aura un engagement maximal dans les transports de la part de l’ensemble des services spécialisés et de la police ferroviaire: SNPF [Service national de la police ferroviaire], BRF [Brigade des réseaux ferrés Ile-de-France] et Suge [Surveillance générale] pour la SNCF; GPSR [Groupe de protection et de sécurisation des réseaux] pour la RATP. Il y aura de la présence policière dans les gares et dans certains trains. Nous travaillons en très grande proximité avec la DLNH [division nationale de lutte contre le hooliganisme] et avec nos homologues européens des 23 pays en compétition. Comme pour la Coupe du monde de football au Brésil en 2014, plusieurs policiers étrangers seront présents dans les transports, avant et après chaque match de l’Euro. Très mobiles, ils seront chargés d’encadrer et de suivre les supporteurs de leur pays respectif tout au long de la compétition.

CTT: Ne craignez-vous pas que le climat social actuel (manifestations contre la loi travail, grèves des cheminots, casseurs) ne vienne entraver le bon déroulement de la compétition? Comment anticipez-vous ces événements? Des sites sensibles ont-ils été identifiés?

J. D.: L’adaptabilité sera un des maîtres-mots de l’Euro 2016. Nous travaillons depuis deux ans sur la mise en place, au niveau national et local, d’un dispositif de sécurité dans les transports, dense et adaptable quasiment en temps réel. Les grands principes de sécurisation sont définis. Nous sommes dans la période où l’on règle les derniers détails.

La nature des mesures en vigueur lors de l’Euro (présence policière renforcée, inspection visuelle à l’entrée des gares, fouille de bagages) le sera par rapport aux analyses qui auront été effectuées quotidiennement par les services de renseignement et de police. C’est un travail de fourmi. On est au cœur de la planification policière. Nous sommes également en relation quasi quotidienne avec la SNCF, les compagnies aériennes et les opérateurs, pour affiner le dispositif en fonction des réservations enregistrées. Cela permet d’estimer la fréquentation et de mettre en place les moyens adaptés pour sécuriser les différents vecteurs de transport.

On se prépare en prévoyant les grands risques qui vont guider notre action. En fonction de critères liés à la ville, à son contexte politique et social, et même climatique, et en fonction de l’affiche des matchs qui peut entraîner des réactions hostiles de supporteurs, certains secteurs plus que d’autres vont attirer notre attention.

Il n’y a pas de zones critiques. Il y a des zones plus difficiles à gérer en raison de leur plus faible capacité d’absorption des volumes de supporteurs. Paradoxalement, Paris pose moins de difficultés que les petites villes de province qui ont moins d’expérience en matière de gestion des flux. Lens, par exemple, sera confrontée à cette problématique le 16 juin, à l’occasion du match Angleterre-Pays de Galles: 50 000 supporteurs sont attendus pour l’occasion, l’équivalent du nombre d’habitants de la ville en temps ordinaire!

La police des transports en chiffres

En France, sur un effectif de 120 000 policiers, 2 000 sont spécifiquement chargés de la sécurité dans les transports, 1 200 d’entre eux sont rattachés à la préfecture de police et 800 au Service national de la police ferroviaire (SNPF).

Les services de Surveillance générale de la SNCF (Suge) emploient environ 2 800 personnes.

À la RATP, le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) compte 1 200 personnes.

Auteur

  • Marie-Noëlle Frison
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