Depuis la Coupe du monde 1998, les outils d’information numériques ont pris une nouvelle dimension. Horaires, achats de titres, multimodalité, etc., les applis et sites web sont mis en avant par les organisateurs, pour faire préférer les transports publics à la voiture. Mais le chemin s’avère complexe…
Alors que le football connaît un succès aussi retentissant sur les écrans des jeux vidéos que sur les pelouses des terrains, les déplacements des spectateurs et des amateurs pendant l’Euro 2016 pourraient suivre la même tendance online. La multiplication des supports numériques devrait en effet offrir une grande diversité de sources d’information pour les visiteurs. Une nouveauté, comparé au dernier grand événement sportif organisé en France, en 1998 lors de la Coupe du monde.
Aujourd’hui, la dimension numérique ne peut plus être ignorée. Smartphones, tablettes et montres connectées font partie du kit de base du spectateur de football, au même titre que l’écharpe, le fanion ou le drapeau de son équipe nationale favorite. C’est autant de nouvelles possibilités de communication que les organisateurs et les réseaux de transport des villes hôtes comptent bien utiliser. « Informer les spectateurs des solutions existantes en transport en commun, faciliter l’accès aux titres de transport, inciter les spectateurs à faire du covoiturage », le plan national de mobilité Euro 2016, établi par le gouvernement, souligne les axes prioritaires. Et le visiteur n’aura que l’embarras du choix pour trouver les informations nécessaires à l’organisation de son voyage et de ses déplacements sur place. Un choix trop pléthorique? Sites internet des villes hôtes, de l’UEFA, de la SNCF, partenaire de l’événement, des réseaux locaux de transport, etc. Pas sûr que le visiteur étranger saura trouver son chemin vers la bonne source d’information, pratique et détaillée.
L’UEFA a signé un partenariat avec la start-up Fanzone, spécialisée dans l’accompagnement des spectateurs à destination d’un événement. Le site est très efficace et pourrait servir d’alternative aux portails des transporteurs officiels ou locaux. L’itinéraire du voyageur est parfaitement balisé: choix du ou des matchs auxquels il prévoit d’assister, durée du séjour prévu, point de départ de son voyage, en France ou à l’étranger, mode de déplacement préféré, etc. Le site affiche en un clin d’œil tous les détails. Horaires et tarifs d’avion, de train, de tramway ou de bus une fois arrivé, par exemple à Bordeaux ou Lille, Fanzone apporte toutes les informations nécessaires. Parcours en covoiturage et taxis partagés sont également proposés. La qualité de son ergonomie, la rapidité de ses réponses et la diversité des modes de transports risquent de faire de fanzone.com le vainqueur du championnat d’Europe des déplacements des supporteurs…
En dehors de l’alternative proposée par l’UEFA avec Fanzone, aucune offre française n’émerge réellement. « Le site de l’UEFA servira de portail d’entrée, avec des liens de connexion vers les sites des exploitants des transports, site SNCF, sites des autorités organisatrices des transports, etc. », détaille le plan national de mobilité. Il compte aussi sur la mise à disposition de services pratiques évolués, mais sans en garantir la disponibilité: « sur certains de ces sites, ou via des applications pour téléphone mobile, l’état de la circulation (tous modes) en temps réel est indiqué, des systèmes d’information multimodaux permettent de déterminer des itinéraires porte à porte selon les différents modes de transports, il en existe déjà dans de nombreuses régions ».
Le flou sur la possibilité pour les visiteurs de disposer de services d’information multimodale à l’échelle nationale, et locale, est flagrant. À défaut, les visiteurs devront établir leur propre plan de route sur la toile: SNCF pour les déplacements nationaux, et les sites officiels des villes hôtes leur indiqueront le nom des réseaux de transport locaux ou régionaux avant de télécharger l’appli du réseau selon les disponibilités. Le parcours est tout de même peu intuitif: les informations des sites des villes hôtes sont le plus souvent statiques et n’offrent aucun outil réellement interactif. Dommage!
Partenaire et transporteur officiel de l’Euro 2016, la SNCF tire son épingle du jeu à travers son site de vente et agence de voyages voyages-sncf.com. Des pages spécifiques ont été développées et sa couverture internationale lui offre une visibilité de premier ordre, qu’elle compte bien mettre à profit pour devenir le point d’entrée des visiteurs étrangers. De même, sa filiale Ouibus, également présentée sur les pages dédiées aux villes de l’Euro 2016, bénéficiera d’une mise en avant des liaisons dédiées.
Au niveau local, les sites web de certains TER régionaux (Paca notamment) profitent eux aussi de pages labellisées Euro 2016, traduites en anglais et en italien. Un bon point qui n’est pas partagé par toutes les déclinaisons des sites TER en région. Plus le besoin d’information concerne les réseaux locaux, plus le niveau de développement de portails multimodaux et d’applis de transport se fait ressentir. Car toutes les villes et régions ne disposent pas des mêmes outils, et un événement international comme l’Euro 2016 devient vite une vitrine pour les outils numériques multimodaux des réseaux, pour le meilleur en ce qui concerne Lyon et son appli multimodale et temps réel Optimod’Lyon, ou pour le pire lorsqu’ils n’en disposent pas.
Certaines collectivités ont décidé de profiter de l’événement pour se mettre à niveau. C’est le cas de Saint-Étienne qui a présenté, 15 jours avant le début de la compétition, un portail multimodal flambant neuf: Moovizy. La communauté urbaine de Saint-Étienne Métropole et la Stas (Société de transport de l’agglomération stéphanoise, filiale du groupe Transdev) ont développé cette appli multimodale et multifonctions: information en temps réel et prédictif sur tous les modes de transport (bus, car, train, voiture, avion), calcul d’itinéraire multimodal avec prise en compte des préférences de l’utilisateur, achat de titres de transport et validation sur smartphone pour le réseau Stas.
Moovizy s’inscrit dans la lignée de son voisin Optimod’Lyon qui, l’an dernier, avait inauguré avec Cityway, la filiale technologique de Transdev, le premier service de ce genre en France. Se plaçant au niveau d’un GPS urbain, Moovizy cherche à concentrer le plus de services possibles dans une seule appli, que ce soit pour localiser et afficher la disponibilité d’un vélo VéliVerts ou d’un bus du département de la Loire. De même, en voiture, une assistance au suivi d’itinéraire est proposée, ainsi que des alertes sur l’état réel du trafic et des parcours alternatifs en cas de problème. Enfin, Moovizy permet l’achat et la validation de titres directement sur smartphone par Bluetooth (technologie Beacon).
Malgré les développements en cours d’applis multimodales par certaines régions ou départements, le retard accumulé par les réseaux locaux ou urbains est important. Et d’autres acteurs pourront aisément tirer leur épingle du jeu. Moovit, Citymapper, TransitApp, etc. Ces applis de transport offrent une porte d’entrée unique aux réseaux locaux.
Moovit est sans conteste l’appli la plus présente en France, et elle s’est fait une spécialité de couvrir des événements internationaux. Aucun accord n’a encore été annoncé, mais plusieurs villes hôtes, gérées ou non par Keolis, actionnaire de Moovit, relaieront pour l’occasion leurs informations sur cette plateforme, Lens notamment.
Moovit, quel atout? Les villes profitent d’un niveau de notoriété international, et une fois arrivé sur place, le voyageur n’a pas besoin de connaître le nom du réseau local pour accéder aux informations nécessaires à ses déplacements. Elles peuvent également compter sur leur présence dans de nombreuses villes à l’étranger: un visiteur en France, anglais, allemand ou italien, a de fortes chances de déjà disposer de l’appli Moovit ou Citymapper sur son smartphone, dans sa langue natale de surcroît. Un avantage que d’autres applis de renommée internationale et disposant d’offres locales reproduiront: Uber pour les VTC, Airbnb pour les hébergements, et même Deliveroo ou Foodora pour la livraison de repas. Mais à la différence des taxis ou des hôteliers, les réseaux de transport peuvent encore profiter de l’impossibilité d’acheter ou de réserver des titres de transports sur les applis des acteurs tiers… Le temps de combler leur retard avant les Jeux olympiques de Paris en 2024?
