Avec son bus modulable multi-énergies Businova, le constructeur albigeois Safra vient de décrocher son premier contrat pour la livraison de six modèles à hydrogène. L’entreprise vise la production de 200 unités d’ici cinq ans.
Le constructeur Safra, peu connu du grand public, a profité du salon HyVolution qui s’est tenu à Paris les 4 et 5 avril, pour s’affirmer comme le premier constructeur français d’autobus à hydrogène. L’entreprise albigeoise a en effet décroché un marché de six bus H2 de 12 mètres pour le compte du Syndicat mixte des transports Artois-Gohelle (Pas-de-Calais). Une consécration pour cette entreprise albigeoise, jusqu’alors surtout spécialisée dans l’aménagement de bus et de matériel ferroviaire. En 2011, cette entreprise créée en 1955, s’était lancée dans un programme ambitieux nommé Businova, avec l’objectif de produire un bus électrique hybride rechargeable, doté d’une architecture modulable avec différents gabarits (9,5 m, 10,5 m et 12 m) et plusieurs motorisations. Grâce à son architecture composée d’un châssis passager et de son pack énergie, ainsi qu’à la configuration des coffres latéraux, le Businova peut intégrer différents types de motorisation: électrique/hybride rechargeable avec un prolongateur diesel (Euro VI) ou GNV
En conservant toute l’architecture du véhicule (habitacle passager, châssis, pont, organes mécaniques, batteries, architecture électrique) Safra a en effet adapté un système hydrogène sur la chaîne de traction électrique initiale de 250 kW, alimenté par un pack batteries lithium-ion de 132 kWh. La pile à combustible de 30 kW est fournie par Michelin, et le système intègre un stockage de 28 kg d’hydrogène à 350 bars, ce qui permet de couvrir une autonomie supérieure à 300 km par jour. Michelin s’occupe également de la maintenance de la pile à combustible. « Certaines agglomérations comme Paris peuvent se contenter de tournée de 100 km alors que d’autres, plus étendues ont besoin de 300 km par jour, c’est le marché de la pile à combustible », indique Vincent Lemaire, président de Safra, fier de sa stratégie. « En ayant misé dès le départ sur une architecture électrique, nous partons avec moins de contraintes que des constructeurs traditionnels, qui sont avant tout des motoristes et des fabricants issus du camion, qui ont investi sur le diesel », complète-t-il.
Le parc roulant de Safra est encore ténu et s’est d’abord concentré en région Occitanie, avec les villes de Gaillac, Albi et Toulouse, qui possèdent chacune un exemplaire hybride électrique de première génération. Marseille est doté d’un modèle de seconde génération, comme le seront bientôt Castres et Albi. Les six premiers exemplaires en version hydrogène seront utilisés pour une ligne BHNS opérée par le SMT d’Artois-Gohelle. Pour répondre aux appels d’offres qui se « multiplient » comme des petits pains, en France comme à l’étranger, Safra indique qu’il est prêt à monter en puissance.
« Nous disposons actuellement d’une capacité de production de 15 unités par an, sachant qu’elle passera à 30 en 2019 avec un objectif de 200 par an en 2021-2023, toujours sur le site d’Albi », précise Jean Christophe Hoguet, ingénieur d’affaires de Safra. De quoi se positionner par exemple sur le projet Hyport porté par la région Occitanie et Engie pour mettre en place des stations-service à hydrogène dans les aéroports de Toulouse et Tarbes, avec une flotte de 55 véhicules dont cinq bus H2.
Pour autant, Safra n’a pas répondu à l’appel d’offre de renouvellement des bus parisien. Un marché jugé « hautement concurrentiel et surtout très gros », d’autant plus avec l’arrivée des constructeurs chinois. Safra ne craint pas non plus ces derniers. « Ces constructeurs vont-ils s’intéresser aux lots des agglomérations de 5 à 10 véhicules, qui souhaitent souvent des bus très personnalisés? Il y a donc de la place pour des acteurs comme nous, lance le patron de Safra. Nous sommes confiants en nos forces, tout en étant ouverts aux alliances. »
Le prix d’un bus hydrogène se situe en haut de la fourchette de l’électromobilité. « Notre version de 12 mètres, pour 100-108 passagers revient à 625 000 € en version hydrogène et 500 000/550 000 € pour une version électrique », détaille Jean-Christophe Hoguet. Pour rester compétitif par rapport à une solution diesel équivalente, qui tourne de 250 000 à 300 000 € selon les options, Safra doit faire preuve de pédagogie. « On s’y retrouve en termes de TCO à partir de 8 à 10 ans, pour une durée de vie de 15 à 20 ans », conclut Vincent Lemaire.
* Ce modèle répond aux exigences du groupe 1 du décret de la loi de transition énergétique puisqu’il peut être utilisé en pur électrique sur un périmètre donné, grâce au GPS embarqué.
