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Multimodalité

Centrales de mobilité: du numéro vert à la plateforme multiservices

Plus qu’une simple plateforme internet et qu’un calculateur d’itinéraire digital, les centrales de mobilité opèrent, pour l’exploitant de transport ou pour l’autorité organisatrice de mobilité (AOM), un accueil physique, téléphonique et numérique. Un service en pleine évolution, avec la montée en puissance du numérique et des nouvelles formes de mobilité.

Une disposition législative de 1999 lance le déploiement des Systèmes d’information multimodale (SIM) sur le territoire français. L’objectif est de fournir au voyageur toute l’information nécessaire à la réalisation de son voyage: plans du réseau, consultation des lignes et des horaires, calculateur d’itinéraire, état du trafic, éventuelles perturbations, etc. Pour mener à bien cette mission, se sont développés des sites internet puis des applications smartphone regroupant toutes les informations liées au réseau de transport public. « À nos débuts en 2000, nous étions spécialisés dans les logiciels de calcul multimodal d’itinéraires, explique Baptiste Delloye, directeur d’exploitation à Cityway, qui gère des sites internet multimodaux comme Vialsace, Itinisère et Mobisavoie mais aussi des centrales de mobilité téléphoniques, dédiées, par contrat, à un client (Bourgogne, Oise) ou mutualisées (Paris, Nice, Bassens), ainsi qu’une agence avec accueil physique (Beauvais). Mais dans ces années-là, tout le monde n’était pas équipé d’une connexion internet. Nous avons donc proposé des centrales d’appel téléphonique, dans l’idée d’une continuité médiatique de la relation client. » Le directeur d’exploitation indique cependant que le canal téléphonique représente à l’heure actuelle moins de 5 % des consultations d’un site internet comme celui d’Oise Mobilité.

L’humain, facteur clé de la mobilité

Ainsi, les centrales de mobilité, présentes un peu partout en France, font office de guichet unique de la mobilité. Leur rôle: simplifier le voyage et apporter une valeur ajoutée à l’Autorité organisatrice de mobilité (AOM). Pour cela, la présence humaine à travers les agences recevant du public est essentielle. La tendance à la dématérialisation dans les réseaux de transport comme dans tous les services publics pénalise une partie de la population. « L’accueil humain reste nécessaire dans toutes les situations difficiles ou complexes: pour les personnes peu à l’aise avec l’informatique ou non équipées, par exemple, précise Laure Fraboulet, responsable marketing de Cityway. En 2017, toutes catégories de difficultés confondues (handicap, vieillesse, fragilité sociale, défaut d’équipement) plus d’un Français sur quatre n’est pas en capacité d’utiliser seul les services numériques pour ses démarches quotidiennes. »

Le transport sur prescription est organisé selon des règles d’utilisation précises: les clients qui veulent réserver doivent passer par un canal expert. « Même si aujourd’hui, de nombreuses solutions de réservation de transport à la demande en « self-service » se développent, il existe encore des réseaux qui s’adressent à des personnes à digitalité réduite », ajoute Baptiste Delloye. Un conseiller est également nécessaire lors de situations particulières: perturbations dans les transports, urgence, dysfonctionnement de la carte d’abonnement, problèmes de facturation et cas d’indisponibilité du site internet. « En 2011, beaucoup de signaux nous donnaient à penser que ce métier allait disparaître, phagocyté par l’offre digitale, soulève Baptiste Delloye. Effectivement, nous observons une diminution du rythme de la croissance, mais l’activité continue tout de même de se développer. Les curseurs ont bougé. Avec l’amélioration des réseaux et des services de transport de proximité, les personnes qui n’étaient pas mobiles le sont devenues. »

Les centrales: couteau suisse de la mobilité

MT3, une entreprise girondine créée en 2000 et basée à Mérignac (720 000 € de CA en 2017), est spécialisée dans l’assistance à la maîtrise d’ouvrage auprès des collectivités et des transporteurs sur tous les systèmes liés au transport public. En collaboration avec le Syndicat mixte des transports de l’Oise, le SMTCO, elle a mis en place une centrale de mobilité à vocation mixte. « Il s’agit d’un lieu physique qui reçoit des personnes mais qui traite aussi les appels téléphoniques et répond à des questions via internet ou smartphone », indique le dirigeant Hervé Marchyllie. Cette structure dispose de plusieurs niveaux de services: information voyageurs, vente de titres, réservation de transport à la demande, avec un numéro unique et un système qui rassemble la quinzaine d’exploitants présents sur le département. « Mis en place depuis six ans, ce dispositif évolue régulièrement et intègre toutes les mobilités: le covoiturage avec La Roue Verte ou Blablacar et prochainement des services de location de vélo. »

Quant à la palette des services proposés par les centrales de mobilité, elle ne s’arrête pas à la vente de titres ou à l’information voyageurs. « Nous avons développé un logiciel dédié à la gestion des réclamations et des suggestions dans les transports et la mobilité, explique Baptiste Delloye de Cityway. La collecte continue et massive des insatisfactions et des suggestions des clients (bus pleins, incivilités, ponctualité) est traitée pour piloter la politique, le contrôle, la planification des courses, afin d’apporter des aménagements et une amélioration des réseaux de transport. » Cityway diffuse différentes informations (perturbations, interruptions de ligne) sur plusieurs canaux, comme les réseaux sociaux, les panneaux à messages variables, les listes SMS et mail de destinataires abonnés, les pôles d’échanges, via des équipes de webmastering et de community management.

Une gestion à la carte

La mise en œuvre des centrales de mobilité est la plupart du temps le résultat d’une réponse à un appel d’offres, d’une durée de trois ans en moyenne. « Ce type de projets est à distinguer des délégations de service public (DSP) de transport, qui varient de 7 à 10 ans, confie Nicolas Furgé, directeur général de Kisio (filiale de Keolis), créée en 2015, qui gère 13 centrales de mobilité et emploie 600 salariés (CA: 60 millions d’euros). Dans le monde du service, les choses évoluent plus vite. » Plusieurs scénarios sont possibles. Tout d’abord, l’AOM confie sa centrale de mobilité à son exploitant puis l’intègre dans la DSP. Dans ce cas, l’exploitant a le choix entre l’opérer lui-même, ce qui est rare, ou bien de lancer un appel d’offres à sous-traitance. « Les opérateurs de réseaux de transport ne sont pas des spécialistes de la relation client mais ils souhaitent l’améliorer », poursuit Nicolas Furgé. Autre possibilité: l’autorité organisatrice décide de garder la centrale de mobilité dans son périmètre. Dans ce cas, soit elle l’exploite elle-même, soit elle organise un autre appel d’offres, comme en Paca, par exemple. « De nombreux modèles existent en ce qui concerne la rémunération: des marchés forfaitaires (pour un certain nombre d’appels ou de réclamations à traiter) ou une unité d’œuvres (où chaque acte a un prix). Chaque client définit son cahier des charges », conclut Nicolas Furgé.

Dans le cas d’Oise Mobilité et de la société MT3, la centrale de mobilité résulte d’un partenariat public/privé (PPP). « Cityway (calculateur d’itinéraire) et Vix (billettique) ont ainsi créé une société commune: Citoise, précise Hervé Marchyllie. C’est elle qui investit, embauche le personnel et gère le système. » L’exploitant de la centrale présente trimestriellement ou annuellement, lors de comités de pilotage et de réunion de gouvernance, les résultats et les différents indicateurs. « Nous entretenons une relation de proximité avec nos clients, reprend Nicolas Furgé. À la gare routière d’Aix-en-Provence et à l’espace de mobilité de Dijon, nous opérons dans les locaux de l’exploitant. » Parfois, Cityway ou Kisio entrent en concurrence avec des acteurs généralistes qui opèrent également des centrales d’appels dans les banques et les télécommunications. « Nous avons fait le choix de gérer des centrales de mobilité à taille humaine, entre 10 et 30 personnes, qui diffèrent de ces plateaux d’appel de 300 conseillers, précise le directeur général de Kisio. La mobilité est un métier de spécialistes, nos salariés sont formés et polyvalents: animation de réseaux sociaux, mises à jour de site, relation client, réclamations, réservations, vente, etc. »

Vers une vision globale de la mobilité

Avec la loi NOTRe, la plupart des centrales disséminées dans les départements ont vocation à se regrouper. « Dans les mois qui viennent, on s’attend par exemple à ce que les centrales de Bourgogne et de Franche-Comté fusionnent, avec la création de la nouvelle grande région, indique Hervé Marchyllie. En Nouvelle Aquitaine, TransGironde vient également d’être repris par la Région. Dans les Hauts-de-France, Oise Mobilité et le PassPass picard vont cohabiter pour le moment. » Les transferts de compétences vers les régions et l’émergence du covoiturage, de la location de scooters, de l’autopartage, du vélo ont provoqué une prise de conscience de la part des autorités organisatrices: le transport public n’a plus le monopole de la mobilité. « Entre le réseau public, Uber, les cars Macron, Blablacar, les voyageurs ont le choix, confirme Nicolas Furgé. Les acteurs privés ont fait progresser la réflexion sur la mobilité et fait avancer le marché. Le rôle des AOM est d’organiser l’espace public et rendre cohérente l’offre disponible. L’offre structurée d’un transport en commun ne doit pas précéder la demande de l’usager. »

Les SIM, sur lesquelles les centrales s’appuient, sont ainsi appelées à évoluer pour devenir des CSIM, des centres de services et d’information multimodaux. Ainsi géreraient-ils toutes les problématiques de mobilité: l’offre des collectivités mais aussi les services offerts par les partenaires privés. « La collectivité devient un tiers de confiance pour l’usager: elle valide un service dont elle n’est pas elle-même responsable », affirme Hervé Marchyllie.

L’auto-stop urbain fait ses preuves

Île-de-France Mobilités (ex-Stif) et la région Île-de-France ont lancé le 1er octobre dernier l’opération « Tous Ensemble pour le Covoiturage ». L’opération, qui devait s’achever en décembre 2017, a été prolongée de six mois. La région verse 2 euros par trajet aux 16 plateformes partenaires, dans la limite de 50 000 euros par entreprise. OuiHop’, un service d’autostop urbain connecté créé en octobre 2015, qui compte 40 000 utilisateurs et emploie huit personnes, a annoncé dans la foulée son intégration au service d’information francilien ViaNavigo. « Sur son application, le piéton voit s’afficher en temps réel des lignes de covoiturage proposées par les automobilistes inscrits qui circulent, telles des lignes de bus », explique Franck Rougeau, dirigeant et cofondateur. La volonté de OuiHop’ est ainsi de se positionner en réseau de transport collectif complémentaire, avec un même système d’abonnement mensuel, sans engagement (2 euros par mois). « OuiHop’ intervient partout où il existe des carences dans le transport public: trajets de banlieue à banlieue, alors que les flux de voitures sont considérables, ou pour le dernier kilomètre entre une gare RER et le domicile ou le travail », reprend Franck Rougeau. Convaincue par la complémentarité du système, Ile-de-France Mobilités subventionne à raison de 2 euros par trajet les parcours covoiturés, la somme étant ensuite redistribuée par les plateformes aux automobilistes. « Nous avons également intégré le calculateur multimodal du site et de l’application ViaNavigo pour proposer nos lignes de minibus à trois places, aux côtés des lignes du réseau Transilien, indique Franck Rougeau. Nous offrons la gratuité de nos services aux voyageurs qui disposent déjà d’un pass à Paris, Bordeaux et Lyon. »

Wimoov opère des plateformes de mobilité pour encourager l’insertion professionnelle

Site internet, centre d’appel téléphonique et conseillers sur le terrain: l’association Wimoov gère 25 plateformes de mobilité sur neuf régions en France. Sa particularité? Elle accompagne les personnes en insertion professionnelle vers une mobilité autonome et pérenne. « Sept millions d’actifs sont en situation de précarité, une personne en insertion sur deux a déjà refusé un travail ou une formation du fait d’une problématique de mobilité, indique Philippe Savoie, directeur Plateforme Mobilité. Près d’un Français sur quatre a même renoncé à un travail ou à une formation pour ces mêmes raisons. Le transport en commun a des limites: les bus et les tramways ne circulent pas la nuit par exemple. » Les conseillers en mobilité de Wimoov interviennent alors pour trouver une solution personnalisée lors d’entretiens d’environ une heure. « On exploite au maximum les structures existantes mais en dernier lieu, on peut encourager un microcrédit social pour l’acquisition d’un véhicule », conclut Philippe Savoie. Et la formule de faire recette puisque Wimoov enregistre un taux de 46 % de maintien ou de retour à l’emploi et à la formation.

Auteur

  • Caroline Albenois
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