Écric Chareyron. Avec les Enquêtes origine-destination et les Enquêtes ménages déplacements, on regarde comment les gens se déplacent sur une journée type. Ces enquêtes étaient plutôt justes dans les années 70. Mais nous vivons aujourd’hui dans une société où il y a désynchronisation des rythmes temporels et spatiaux. Si l’on veut construire des solutions de mobilité adaptées à notre époque, il nous faut comprendre le rythme des gens tout au long de l’année.
E.C. En France, 52 % des adultes de plus de 25 ans travaillent. Les autres (retraités, congés parentaux, demandeurs d’emploi…) n’ont pas forcément de rythmes réguliers. Chez les actifs, il y a un foisonnement de rythmes lié à la diversité des métiers (temps plein, temps partiel, travail le week-end, en saison…). Il y a aussi un phénomène de bi-résidentialité. Certains ne rentrent chez eux que le week-end car ils travaillent dans une commune éloignée. D’autres ont deux logements et passent quatre jours dans l’un, trois dans l’autre. On constate d’ailleurs que le parc de résidences secondaires augmente fortement.
E.C. Nous travaillons avec des données billettique cryptées qui nous permettent de voir quand et où les déplacements ont lieu. On observe entre autres qu’il y a beaucoup de monde aux heures de pointe mais peu “d’exclusifs des pointes” (personnes qui se déplacent toujours aux heures de pointe). Nous étudions aussi les déplacements des visiteurs, ceux qui n’habitent pas dans l’agglomération, à partir des traces mobiles. L’Insee mesure que 150 personnes vont de Blois à Tours pour le travail. Nous voyons qu’elles sont 15 000 à aller de Blois à Tours au moins une fois par mois et presque autant dans l’autre sens. Nous mettons aussi en place des semainiers d’activité dans lesquels plus de 40 motifs de déplacement sont interrogés dont les motifs relatifs à l’accompagnement de personnes. Nous observons que plus de 30 % des personnes ont effectué une démarche médicale, autant ont rendu service à un proche en voiture et plus de 50 % sont sortis pour changer d’air sans motif précis. Enfin, nous conduisons des enquêtes pour interroger la fragilité physique, sensorielle, cognitive et digitale des gens. Ces fragilités sont invisibles, silencieuses et incomprises. Nous voulons trouver des solutions qui y répondent.
E.C. Nous les partageons en interne et en externe et nous y accolons toujours une préconisation concrète. Par exemple, nous réfléchissons à ajouter un numéro aux points d’arrêts de bus. Cela rendrait service aux cinq millions d’illettrés en France, aux personnes qui ont des problèmes de vue et aux étrangers. Nous réfléchissons aussi à des solutions pour désaturer les lignes aux heures de pointe et pour améliorer l’information et la tarification entre les villes.
