Le train à hydrogène permet de réduire le bilan environnemental des lignes non électrifiées, sans avoir à investir sur le réseau. Alstom vient de recevoir une première commande allemande pour quatorze rames fonctionnant à l’hydrogène. Cette solution énergétique zéro émission sera utilisée pour la première fois en service voyageurs à partir de la fin de l’année 2021.
Pour réduire les émissions polluantes des trains assurant des services régionaux, il y avait déjà la solution des rames bimode. Sous la forme initiale des Bombardier AGC auxquels se sont ajoutés les Régiolis d’Alstom, cette formule diesel ou électrique – suivant que la ligne est électrifiée ou pas – a prouvé son efficacité depuis janvier 2004. Mais Alstom a souhaité aller plus loin en concevant un train qui n’émet que de la vapeur d’eau.
Dénommé Coradia iLint et dérivé d’un matériel diesel en service depuis plus de dix-sept ans, ce train a été l’une des attractions d’Innotrans Berlin, le plus grand salon ferroviaire au monde, fin septembre 2016. Alstom, son constructeur, a souhaité répondre aux besoins des lignes non électrifiées. Rien qu’en Allemagne, il en existe plus de 20 000 km, ce qui justifie la circulation de plus de 4 000 trains sur ce réseau. C’est pour réduire les émissions polluantes de ces convois qu’Alstom a donc créé un train zéro émission. Selon des données mises en avant par le constructeur, les locomotives et autres rames assurant le service sur les 100 000 km de lignes non électrifiées en Europe consomment 1,4 milliard de litres de gazole par an. Si ces matériels étaient remplacés par d’autres fonctionnant à l’hydrogène, cela conduirait à une réduction potentielle des émissions de l’ordre de 4 millions de tonnes par an et à la non-électrification de lignes supplémentaires au prix d’un million d’euros le km. Le marché est donc très important.
Une grande partie du mérite lié au lancement de cette nouvelle technique revient aux länder de Basse-Saxe, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Bade-Würtemberg et à l’Autorité des transports publics de Hesse. Ce sont, en effet, ces collectivités qui lui ont apporté le coup de pouce nécessaire en signant dès 2014 des lettres d’intention pour le nouveau matériel produit dans l’usine allemande de Salzgitter. Portant sur un total de soixante rames, ces lettres d’intention constituaient, alors, l’engagement de l’Allemagne à réduire ses émissions de CO2 de 40 % d’ici 2020 (par rapport à 1990) et à utiliser 80 % d’énergies renouvelables dans l’approvisionnement en énergie d’ici à 2050.
Un nouveau cap a été franchi le 9 novembre 2017. C’est, en effet, à cette date que le land de Basse-Saxe a annoncé la commande des quatorze premiers trains Coradia iLint pour une mise en service attendue vers la fin de l’année 2021. Le calendrier a donc dérapé de trois ans par rapport à ce qui avait été annoncé en 2016. Le montant de la commande n’a pas été annoncé. Tout juste Alstom consent-il à indiquer que l’ordre de grandeur pour ce contrat incluant la maintenance des rames durant une période de trente ans avoisine les 200 millions d’euros. Il est donc difficile, à ce stade, d’évaluer le surcoût par rapport à une rame bimode, par exemple.
Comportant deux caisses pouvant accueillir 300 voyageurs, le premier Coradia iLint est alimenté par une pile à hydrogène d’une puissance de 400 kW. Cette dernière fournit de l’énergie électrique en combinant l’hydrogène – stocké dans des réservoirs embarqués implantés sur le toit de la rame – à l’oxygène présent dans l’air. L’efficacité du système repose également sur le stockage d’énergie dans des batteries lithium-ion à hautes performances positionnées sous la caisse, à proximité des bogies. Elles stockent l’énergie venant de la pile à combustible lorsqu’elle n’est pas nécessaire pour la traction ou de l’énergie cinétique du train pendant le freinage électrique et participe, ainsi, à la fourniture d’énergie pendant les phases d’accélération. La rame émet donc uniquement de la vapeur et de l’eau condensée – aucune émission de CO2 – lorsqu’elle circule. De même, son niveau de bruit est réduit. Le dispositif pile à combustible et batteries confère à la rame une puissance totale de 630 kW.
Des progrès ont, semble-t-il, été réalisés depuis septembre 2016 au plan de l’autonomie annoncée. De l’ordre de 600 km initialement, celle-ci ressort à présent à 1 000 km, soit une valeur identique à celle des matériels diesel actuels. Sa vitesse maximale sera de 140 km/h.
S’agissant de la conduite des trains, les Coradia iLint ne nécessiteront aucune formation particulière. En revanche, l’installation de distribution d’hydrogène constituera une première mondiale en matière ferroviaire. Implantée à Bremervörde, cette installation d’un coût de 10 millions d’euros environ sera financée par le gouvernement fédéral.
Attendue dans le courant du premier semestre 2018, l’homologation du nouveau train zéro émission autorisera la mise en exploitation à titre expérimental des deux premières rames dans la foulée. Il faudra, néanmoins, attendre décembre 2021 pour voir circuler en service commercial les premiers Coradia iLint entre Cuxhaven, Bremerhaven, Bremervörde et Buxtehude (nord de l’Allemagne). Ils remplaceront, alors, des éléments automoteurs diesel de l’autorité des transports Elbe-Weser-Verkehrsbetriebe (evb), supprimant, ainsi, toute pollution sur les lignes parcourues.
En France et alors que l’hydrogène commence à pénétrer de nouveaux marchés comme l’aéroportuaire, des marques d’intérêt ont d’ores et déjà été exprimées par certaines régions pour le train zéro émission. Interrogé sur ce point, le constructeur n’a pas souhaité révéler le nom des régions concernées et n’a pas voulu en dire plus sur la possibilité de dériver des versions élargies à trois ou quatre caisses ou d’augmenter la vitesse maximale des rames à 160 km/h comme c’est la norme en France à présent.
