Les transports en commun et la mobilité douce sont au premier plan de la campagne électorale des candidats à la mairie de Grenoble. La plupart des candidats rivalisent d’ailleurs de propositions vertes dans la seule ville de plus de 100 000 habitants dirigée par un maire écologiste.
En 2014, l’écologiste Éric Piolle, élu maire de Grenoble avec 40,02 % des suffrages au deuxième tour, avait fait campagne sur… le vélo. Cette année, tous les prétendants à la mairie ont leur mot à dire sur la petite reine, et militent pour le développement de sa pratique! La thématique environnementale avec sa déclinaison mobilité fait même partie des priorités de toutes des listes, au nombre de sept cette année. Face à l’écologiste Éric Piolle (EELV–LFI-PCF-Génération.s-Nouvelle Donne), se présentent l’ancien maire, Alain Carignon (soutenu par LR), 24 ans après sa condamnation pour corruption, mais aussi le socialiste Olivier Noblecourt (PS-PRG-MRC-Go Citoyenneté) et la députée LREM Émilie Chalas. À eux quatre, ils totaliseraient 91 % des voix au premier tour des élections municipales avec respectivement 36 %, 20 %, 19 % et 16 % des intentions de vote, selon le dernier sondage réalisé par Ipsos-Sopra Steria du 17 au 20 février. Les trois autres listes en lice sont conduites par l’ex-député européenne d’extrême droite Mireille d’Ornano, Bruno de Lescure (divers gauche) et Catherine Brun pour Lutte ouvrière.
Selon l’institut Odoxa, 49 % des électeurs sont préoccupés par l’environnement et la lutte contre la pollution, qu’ils considèrent comme leur priorité absolue. Bordée par les massifs du Vercors, de la Chartreuse, et de Belledonne, la cité est construite dans une cuvette qui concentre les rejets de polluants liés notamment au trafic routier dense (à qui l’on doit 52 % des émissions d’oxydes d’azote et 28 % des émissions de gaz à effet de serre, selon les mesures de l’institut Atmo) et souffre d’une climatologie défavorable à leur dispersion. Depuis longtemps terre d’innovation, la ville s’est pourtant illustrée pour son côté novateur en matière de mobilité avec le retour du tramway dans l’espace public dès les années 1980, la mise en place d’un service de location de vélo dès la fin des années 1990, et depuis 2014, la réduction de la vitesse de circulation routière à 30 km, la création d’une vaste zone à trafic limité (ZTL) limitant la circulation des véhicules les plus polluants, le développement d’autoroutes à vélo… Mais face à l’urgence sanitaire doublée aujourd’hui de l’urgence climatique, la plupart des candidats à l’élection municipale semblent plus offensifs. Avec, bien sûr, des nuances.
Revenons d’abord sur le vélo. 17,1 % des Grenoblois l’utilisent pour aller au travail, selon une enquête Insee de 2018. Trois ans plus tôt, 15,2 % le faisaient. Et entre janvier 2009 et décembre 2018, la pratique du vélo a explosé de 50 % sur l’agglomération, qui totalise 450 km d’itinéraires cyclables, 2 000 places de stationnement sécurisées et 7 800 métrovélos (vélos en libre-service). « Dans cette campagne, personne ne se prononce contre les Chronovélos. C’est une grande avancée », se félicite Emmanuel Colin de Verdière, le secrétaire d’ADTC Grenoble, association de piétons, cyclistes et usagers des transports en commun, qui œuvre pour l’amélioration des moyens de déplacement pour tous. Ces autoroutes à vélo, lancées en 2017, larges de 4 m et séparées de la chaussée automobile par une bordure en béton de 15 cm de haut (déjà 20 km aménagés) avaient pourtant d’emblée fait polémique. Pour l’espace pris à la circulation routière, et plus encore en hypercentre, sur la zone à trafic limité réservant le boulevard Agutte Sembat à la circulation des cycles, des transports en commun et des véhicules autorisés. Alain Carignon et Émilie Chalas souhaitent d’ailleurs revoir ce dispositif qui « génère un conflit d’usage entre les piétons et les cyclistes, et pénalise les automobilistes ».
Sans surprise, l’équipe du maire sortant veut renforcer le réseau de la ville devenue capitale française du vélo au baromètre 2019 de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), devant Strasbourg et La Rochelle. Son projet? Réaliser quatre nouvelles pistes Chronovélo dont un ring qui fera le tour de la ville en plus des quatre pistes (44 km) déjà livrées ou en chantiers, et créer un réseau de proximité, Proxivélo, pour mieux relier les quartiers de la ville entre eux.
Côté transports en commun, les priorités diffèrent. Notamment sur le tramway. Tous reconnaissent que le tram contribue fortement au report de la voiture vers le réseau de transport en commun. Illustration? La ligne E, la dernière mise en service (en 2014-2015) enregistrait déjà + 100 % de fréquentation en 2018 par rapport à la ligne de bus n° 3 qu’elle a remplacé. Cette ligne E doit être d’ailleurs prolongée jusqu’à Pont-de-Claix d’ici 2030. Éric Piolle souhaite étendre également la ligne D jusqu’à Fontaine en passant par le CHU et le centre-ville de Grenoble. Olivier Noblecourt, Émilie Chanas et Mireille D’Ornano réclament eux une ligne de tramway vers le Grésivaudan. Ils souhaitent en effet la transformation de la ligne C1 Grenoble Meylan, la plus fréquentée des lignes avec déjà 10 800 voyageurs par jour, en tram et non pas en BHNS comme prévu dans le PDU approuvé en novembre dernier. Une orientation plébiscitée par l’ADTC Grenoble. « Le prolongement de la C1 vers Montbonnot et vers la presqu’île devrait porter sa fréquentation quotidienne à 15 000 voyageurs. Avec sa transformation en BHNS, elle devrait atteindre 20 000 v/j et en Tram plus de 30 000 v/j », précise l’association dans son manifeste remis aux candidats des élections municipales de la région grenobloise.
Alain Carignon appelle, lui, à faire « un saut qualitatif comme lorsqu’on a fait le tram », avec la construction d’un « monorail qui permettrait d’aller de Crolles à Voreppe, du type de ce qui est prévu à Saint-Quentin-en-Yveline ». Le projet, qui reprend le système développé par Supraways (lire également en pages 42-43) a surpris. Pour limiter l’autosolisme pour entrer dans la ville, les autres candidats militent plutôt pour la mise en service de TER-RER vers le Grésivaudan (jusqu’à Brignoud), Rives-Moirans et Clelles, utilisant les voies de chemin de fer existantes. Éric Piolle annonce un premier « RER Grenoble-Echirolles-Gières-Domène-Lancey-Brignoud toutes les 15 minutes dès 2025, pour offrir une concurrence inédite à la voiture avec un simple ticket TAG ».
Prévu dans le plan de déplacements urbains de l’aire grenobloise 2018-2030, le deuxième projet de téléphérique urbain grenoblois a été validé le 20 février par le Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG). Cette nouvelle liaison, qui devrait être finalisée en 2023, permettra de relier les communes de Fontaine et de Saint-Martin-le-Vinoux en survolant les deux rivières Drac et Isère, l’autoroute A480, la RN481 et une voie ferrée. Les travaux seront réalisés par la société iséroise Poma, dont le siège social de Voreppe se trouve à deux jets de câble. Baptisé Métrocâble, cette ligne sera intégrée au réseau de transports collectifs avec une connexion aux lignes de tramway A, B et E. Des voix ont commencé à s’élever pour contester le budget d’investissement (57 millions d’euros HT, auxquels s’ajouteront 2,4 millions d’euros de fonctionnement). Dans un communiqué, l’ADTC, l’Association pour le développement des transports en commun, estime que « les prévisions de trafic sont très faibles pour un investissement de cette ampleur », et juge préférable de rallonger de la ligne E du tram jusqu’à Pont-de-Claix pour un trafic « cinq fois supérieur à celui du métrocâble ».
