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La médiation sociale, indispensable à la prévention

Depuis quelques années, dans les grandes villes, les usagers des transports en commun ont coutume de voir les agents de médiation sociale arpenter le couloir du bus. Leur mission est de prévenir et d’apaiser les conflits. Mais aussi d’améliorer la qualité de service en informant et en guidant les voyageurs.

Bientôt 17 heures… le moment pour Gladys de démarrer sa journée de travail. Cette jeune trentenaire fait partie des 38 agents de médiation sociale qui, de jour comme de nuit, circulent dans l’Essonne quotidiennement sur le réseau de Transports intercommunaux centre Essonne (Tice). Leur mission ne se limite pas à informer, aider et guider les voyageurs. Ils doivent aussi mener une veille préventive sur le terrain et résoudre, si nécessaire, les situations de crise comme les litiges, dysfonctionnements et conflits. Face à une situation délicate, par exemple une agression verbale, cette médiatrice a pour consigne d’intervenir tout en observant une distance de sécurité. « Si je n’arrive pas à calmer la situation, je fais appel au PC pour prévenir le service compétent, les pompiers, la police, ou tout simplement les contrôleurs. »

On s’en doute, notre médiatrice ne travaille pas seule. Systématiquement, elle est accompagnée d’au moins trois coéquipiers. Talkie-walkie en poche et bien emmitouflés dans leur blouson estampillé au logo de l’entreprise, les médiateurs empruntent les différentes lignes du réseau qui leur ont été affectées par le responsable du poste central. Durant leur mission, qui se poursuivra jusqu’à une heure du matin, ils seront escortés d’une voiture Tice, de sorte à pouvoir se déplacer rapidement en cas d’urgence.

Des agressions en diminution

À l’instar de ses coéquipiers, Gladys ne travaille pas uniquement de nuit. « Nous travaillons en trois huit », explique la jeune femme qui est entrée en novembre 2012 chez Tice. Créé en 1975, ce réseau est constitué d’une vingtaine de lignes desservant 20 communes de l’Essonne. En 2009, le réseau avait fait l’actualité avec le caillassage des bus à Corbeil. Ce type d’incidents est devenu assez rare. « Depuis une dizaine d’années, nous constatons une amélioration sur les lignes, avec des agressions verbales et physiques en baisse, c’est une tendance lourde », explique Karine Hallouin, directrice marketing et communication de Tice, qui compte 550 salariés dont 350 conducteurs, une trentaine de contrôleurs et 38 médiateurs sociaux. En 2017, Tice a recensé moins d’accidents qu’en 2016, avec moins de 400 signalements d’agressions physiques et verbales sur l’année pour plus de 80 000 voyageurs transportés chaque jour. Pour autant, le réseau, qui a généralisé la vidéosurveillance dans les bus, a signé en mai un contrat local de sécurité avec la préfecture et le parquet d’Évry.

La médiation sociale pour prévenir l’anxiété

En dépit de la diminution des violences enregistrées également par d’autres transporteurs, le sentiment d’insécurité persiste partout en France. Dans les bus et autres moyens de transport en commun, plus d’un voyageur sur deux éprouverait de l’anxiété, selon l’étude « Sentiment d’insécurité dans les transports en commun: situations anxiogènes et stratégies d’évitement », publiée en janvier dernier par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). S’appuyant sur des enquêtes Cadre de vie et sécurité menées entre 2010 et 2013 par l’Insee et l’ONDRP, les auteurs constatent que les femmes se sentent moins en sécurité que les hommes. Les incivilités et l’absence d’autres voyageurs font partie des facteurs générant le plus d’insécurité chez les usagers quotidiens. Et la présence d’agents rassure davantage les usagers que les caméras de vidéosurveillance.

Une centaine de dispositifs recensés en France

De quoi conforter les agglomérations et les villes qui ont déployé des dispositifs de médiation sociale en France. La direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère de la Transition écologique et solidaire en identifie une centaine sur l’Hexagone et dans les départements d’Outre-Mer. Un chiffre en augmentation par rapport à la soixantaine de dispositifs recensés dans une première étude de 2014 sur la médiation sociale dans les transports collectifs terrestres réalisée par le ministère (anciennement ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer. Une seconde étude a suivi en 2016 afin d’en évaluer l’impact par l’analyse d’une dizaine de dispositifs. Il y est démontré que la médiation sociale contribue à diminuer les actes transgressifs sur les réseaux, apaiser des situations tendues ou conflictuelles, améliorer la qualité et l’efficacité du service ainsi qu’à ancrer l’entreprise sur son territoire. Fort de ce constat, le ministère a édité en 2017 un guide méthodologique pour accompagner les opérateurs de transport et les Autorités organisatrices de transport (AOT) qui souhaitent déployer de tels dispositifs.

80 % des grandes villes équipées

Pour l’heure, 80 % des communes de plus de 100 000 habitants sont couvertes contre 45 % pour celles allant de 30 000 à 100 000 habitants. Un peu plus de 2 000 médiateurs sociaux (230 encadrants et 1 850 agents de médiation) sont recensés en France. Plus de 50 % d’entre eux sont en contrat à durée indéterminée et 47 % en contrat aidé. Par ailleurs, 75 % ont un diplôme inférieur au bac tandis que près du quart ont un diplôme ou un titre professionnel spécifique à la médiation sociale. Enfin, on dénombre un quart de femmes pour trois quarts d’hommes. Cette tendance tend à diminuer dans les nouveaux dispositifs de moins de cinq ans mais elle reste encore dominante. En majorité, ces dispositifs comptent moins de dix médiateurs sociaux tandis que les agglomérations de Lille, de Lyon et de Paris concentrent à elles seules plus de 760 médiateurs.

Deux tiers des dispositifs internalisés

Pour un peu plus du tiers, ces missions sont assurées par des associations. À l’instar de la métropole de Lille, qui faisait appel à deux structures associatives, Citéo et Mediapole. En 2018, cette dernière s’est vue attribuer la totalité du lot médiation. En revanche, le nombre d’agents est passé de 350 à 120. Ce lot lui a été affecté à l’issue d’un appel d’offres lancé par Transpole-Keolis. En charge de l’exploitation des transports en communs lillois, le transporteur a vu son contrat reconduit pour la période 2018-2025. Il prévoit d’humaniser les métros, tramway, bus et pôle d’échange par la présence de 120 agents de sécurité, de 110 agents Welcomers en charge d’accueillir et d’accompagner les voyageurs et des 120 agents de Médiapole. En clair, l’internalisation des médiateurs sociaux reste la solution la plus répandue. Les Deux tiers des dispositifs sont donc gérés par les réseaux de transport eux-mêmes. Dans 90 % des cas, c’est l’opérateur de transport qui les recrute directement.

C’est le cas notamment en Île-de-France. RATP Dev prévoit de recruter 100 médiateurs pour renforcer sa présence dans les bus de nuit. À l’exception de la RATP, le recrutement des agents de médiation sociale pour les réseaux de bus franciliens est financé par Île-de-France Mobilités qui fait travailler 90 entreprises privées regroupées au sein de l’association Optile. Avant chaque recrutement, les entreprises doivent décrire leur projet de médiation sociale de sorte à éviter une approche uniquement « présentielle ». Une fois les dossiers instruits, l’AOT assure la contractualisation avec chaque entreprise, puis le suivi et le contrôle de l’emploi des ressources. Elle fournit également des modèles de fiches de postes pour préciser les contours du métier, les compétences et les qualités requises pour la fonction.

Sur ces bases, Transdev recrutera cette année 12 agents de médiation locaux afin d’améliorer la sécurité sur les lignes de bus de Marne-la-Vallée et Seine-et-Marne Express ainsi qu’en gare routière et aux arrêts de bus. Pour l’AOT, il s’agit de renforcer la sécurité des transports en commun de la Grande Couronne en installant, d’ici la fin de l’année, des caméras de vidéoprotection et en recrutant 200 agents de sécurité pour les lignes de bus en plus des 12 nouveaux médiateurs.

Des actions de sensibilisation auprès des élèves

Dans leur quasi-totalité, les dispositifs de médiation sociale sont déployés dans les réseaux de transport. Mais des actions sont menées aussi ailleurs, dans les gares, les centres commerciaux et les établissements scolaires. Comme en témoigne à Marseille la Régie des transports métropolitains (RTM). Cet opérateur a noué un partenariat avec l’Association médiation sociale (AMS) dont les médiateurs Transports dans la ville interviennent quotidiennement sur le réseau de transport en commun. Parallèlement, RTM dispose de sa propre cellule médiation, prévention, information. Créée en 2009, ses trois agents de prévention réalisent un travail d’animation et de prévention dans les quartiers sensibles de Marseille, auprès de mineurs incarcérés ou en milieu scolaire. La cellule dispose de supports pédagogiques et ludiques. 200 classes par an sont sensibilisées, soit près de 5 500 élèves.

Même stratégie pour la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS, plus de 1 500 salariés) qui mène depuis 2010 différentes actions avec ses propres agents mais aussi avec des associations partenaires pour promouvoir le civisme dans les transports. « En interne, nous avons sélectionné une dizaine d’agents d’exploitation parmi les conducteurs et contrôleurs et nous les avons formés aux techniques de médiation », indique Jean-Michel Augé, directeur du développement durable et des affaires juridiques à la CTS. Parmi les médiateurs sélectionnés, certains sont déjà entraîneurs sportifs ou animateurs dans les structures d’éducation populaire. Plusieurs demi-journées par an, ils se rendent dans des établissements situés notamment dans leur secteur d’activité avec le bus prévention de CTS. Durant leur intervention, les agents présentent leur métier et échangent avec les jeunes dans un cadre posé pour les sensibiliser et les éduquer au civisme et au respect des personnes et des matériels de l’entreprise.

6 500 jeunes sensibilisés à Strasbourg

Personnellement impliqué dans le déroulement de ces actions, Jean-Michel Augé privilégie la méthode inductive. À partir de situations concrètes, il s’agit d’impliquer les élèves dans les discussions grâce à des outils pédagogiques conçus à cet effet. CTS s’appuie aussi sur des associations à vocation éducative afin de sensibiliser les écoliers et les collégiens au civisme. C’est notamment le cas de Sporting Strasbourg Futsal. Créé par des éducateurs, ce club de football en salle mène des actions éducatives et citoyennes pour lutter contre les discriminations. « Plusieurs fois par an, elle organise des matches de football qui s’achèvent par une activité de sensibilisation dans un de nos bus équipé à cet effet d’outils pédagogiques. » Grâce à ses partenaires et ses agents de médiation, CTS a sensibilisé en 2016 près de 6 500 jeunes à la citoyenneté dans les transports publics (contre 5 778 en 2015). Parmi ceux-ci, plus de 1 600 collégiens et écoliers ont rencontré des agents de prévention CTS au sein de leur établissement. Une initiative soutenue par les professeurs qui voient leurs discours éducatifs relayés par des tiers. CTS a prévu de prolonger son action auprès des jeunes en les sensibilisant au harcèlement vis-à-vis des femmes. Une démarche déjà initiée auprès des élèves du réseau d’éducation prioritaire de Strasbourg-Cronenbourg. Un support pédagogique a été réalisé afin de lutter contre les incivilités et d’inciter les élèves à adopter un comportement citoyen basé sur le respect et l’égalité entre les femmes et les hommes.

Quid des transports scolaires?

La médiation sociale ne couvre pas seulement les lignes de bus régulières. Elle intéresse aussi l’accompagnement des jeunes dans les transports scolaires. C’est le cas par exemple dans la communauté d’agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette ou des médiateurs de l’association du groupe Addap 13 accompagnent les élèves afin de réguler les tensions notamment lorsque le trajet domicile/collège est long. C’est aussi le cas à Mayotte où 90 médiateurs de proximité sont chargés, entre autres, de sécuriser le transport scolaire. De quoi inciter élèves et étudiants mahorais à reprendre les cours en toute sécurité.

Auteur

  • Éliane Kan
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