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L’Allemagne gère la pénurie

L’Allemagne aura besoin de 30 000 chauffeurs de bus d’ici 15 ans. La pénurie en conducteurs menace le développement d’une branche en plein boom depuis la libéralisation du marché en 2013.

Un conducteur épanoui, penchant la tête par la vitre de son véhicule… Une femme souriante, et souveraine au volant de son bus… Ce sont quelques-unes des affiches de la campagne « Parce que tu le peux, deviens chauffeur de bus », avec lesquelles la branche tente depuis quelques mois de lutter contre la pénurie en personnel qualifié qui menace son développement. Les affiches s’adressent délibérément à deux catégories de personnes (les femmes et les personnes issues de l’immigration), perçues comme un réservoir potentiel de nouvelles recrues.

103 000 conducteurs sont actifs dans la branche en Allemagne, selon les estimations de la fédération BDO. Pour compenser les départs en retraite prévus dans les prochaines années, le secteur devra recruter 30 000 chauffeurs pendant les 15 prochaines années, selon les estimations. « L’âge moyen des conducteurs est aujourd’hui de 50 ans, précise Horst Schilling, président de la fédération bavaroise des entreprises de transport en bus.Et la relève n’est pas assurée. » Selon le BDO, 78 % de ses membres sont déjà confrontés à une pénurie en conducteurs. Les besoins du secteur sont d’autant plus élevés que la population urbaine va croissant, et les besoins en chauffeurs des transports en commun municipaux augmentent eux aussi. À cela s’ajoute un fort développement des liaisons interurbaines depuis la libéralisation du marché, en 2013. Face à cette hausse de la demande, l’offre est affectée par la démographie en berne du pays.

Grandes disparités

Des spécificités du secteur (outre la pénibilité) ajoutent aux difficultés, comme le coût élevé du permis catégorie D et l’interdiction d’exercer le métier avant 21 ans. « Il faut compter entre 5 000 et 10 000 euros pour passer le permis de conducteur de bus, rappelle Horst Schilling. Du temps du service militaire obligatoire, beaucoup de jeunes passaient ce permis gratuitement à l’armée. On a perdu ce creuset de conducteurs. La barrière des 21 ans est également un problème car à cet âge, la plupart de ceux qui quittent l’école à 16 ans ont entre-temps appris un autre métier. »

Face aux pénuries, le secteur s’est en partie adapté. En 10 ans, le salaire moyen des chauffeurs de bus et de cars allemands est passé de 10 € bruts de l’heure à 13,50 € en moyenne à l’heure actuelle, avec de fortes disparités selon les régions et le type d’employeurs. Dans la petite ville d’Ulm, les chauffeurs de bus de la compagnie locale de transports en commun ont obtenu voici 4 ans 16 € de l’heure à l’issue d’un long conflit avec leur employeur.

Dans ce contexte, le marché révèle en effet de grandes disparités. Les entreprises privées qui effectuent une grande partie de leur activité dans l’occasionnel (excursions de retraités, sorties scolaires et autres événements d’entreprises) sont le plus gravement touchées par la pénurie en personnel qualifié. « Dans beaucoup de régions, on n’a aucun réservoir de chômeurs qui pourraient poser leur candidature pour les postes ouverts », déplore le BDO. Soumises à une forte concurrence, ces entreprises, souvent de taille régionale, ne peuvent offrir les conditions de travail et les salaires qui pourraient convaincre les candidats potentiels.

Les entreprises qui se sont engagées dans les trajets de longue distance, segment aujourd’hui dominé par Flixbus, et qui emploie 7 000 chauffeurs de cars en Allemagne, ont, elles aussi, du mal à recruter, le métier étant perçu comme peu attractif et difficilement compatible avec une vie de famille.

La situation est tout autre pour les entreprises de transports en commun des grandes villes du pays, comme la BVG à Berlin. « Notre problème, ce n’est pas le manque en personnel qualifié, mais le taux trop élevé de personnel en arrêt maladie, déplore Torsten Mareck, responsable de la division bus de la BVG. Conduire à Berlin est devenu très fatigant, à cause des embouteillages, des chantiers, des véhicules de livraison garés sur les couloirs de bus. En 10 ans, le stress au travail a considérablement augmenté. » La capitale allemande, victime de son succès, voit sa population augmenter de 30 000 à 50 000 nouveaux habitants par an. Les infrastructures peinent à suivre. La BVG fait travailler, en comptant ses filiales et sous-traitants, quelque 5 000 chauffeurs de bus, et forme chaque mois 50 nouveaux conducteurs, prenant en charge les frais élevés du permis D. Pour augmenter son attractivité comme employeur, l’entreprise a également revu à la hausse ses grilles de salaire, et propose une grande variété d’horaires et de durée du travail, notamment pour les femmes.

À Munich, la société locale MVG s’ouvre depuis mai 2017 aux réfugiés et cible à l’aide d’une campagne de publicité les personnes cherchant à changer de métier, là encore notamment les femmes. « Les entreprises doivent faire davantage encore pour augmenter leur attractivité, estime Dorothee Wolf, du syndicat Verdi. Il faut notamment faire plus pour permettre aux salariés de concilier vie professionnelle et vie privée. »

Auteur

  • Nathalie Versieux
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