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Le sans contact n’est pas sans effets

Le passage à une billettique sans contact n’est pas sans conséquences. Cette évolution a un coût, elle influence la stratégie marketing de l’exploitant, et suppose une formation des équipes.

Le ticket chic, cher à la RATP des années 80, n’a pas tenu le choc. Le bon vieux titre de transport à bande magnétique laisse sa place à la billettique sans contact. Et cette modernisation n’est pas limitée à la capitale. En France, tous les grands réseaux, à l’exception de ceux de Lille et Nantes (voir p. 28), sont passés ou se préparent à franchir le pas vers cette nouvelle technologie. “Cette généralisation s’est opérée sur les cinq dernières années. Aujourd’hui, les réseaux de petite taille s’y mettent aussi. Ils sont suivis par les réseaux interurbains qui sont en plein boom”, explique Robert Coste, directeur commercial de ACS, qui truste près de 50 % du marché hexagonal. L’autre moitié est entre les mains de l’intégrateur ERG. Thales, autre poids lourd du secteur, reste étonnamment discret en France (voir encadré ci-contre).

Pour qui la note?

Comment les réseaux, de tous types, vivent-ils cette évolution? Sur le plan financier, ils ne sentent pas le passage au sans contact. “En France, c’est l’autorité organisatrice qui investit pour son exploitant. Elle assume le coût du matériel (valideurs, outils de contrôle), mais également les logiciels nécessaires à l’utilisation de cette nouvelle technologie. Ce n’est pas le cas à l’étranger, où c’est souvent l’opérateur qui finance le passage à la télébillettique”, précise Robert Coste.

Bonne nouvelle pour les AO qui hésiteraient encore, la note du sans contact est moins douloureuse que celle du magnétique. Un valideur de cette technologie se facture dans les 1 000 euros, soit la moitié d’un composteur traditionnel. Si un réseau dispose déjà d’un système avec appareil magnétique, il devra certainement se tourner vers des valideurs mixtes. Il lui en coûtera alors le même prix que pour ses anciens équipements, soit environ 2 000 euros. “Sur un réseau d’une centaine de bus, il faut compter un million d’euros pour une installation complète. Avec une flotte plus importante, on n’applique pas de coefficient multiplicateur au nombre de véhicules: plus le parc est important, plus les logiciels sont amortis rapidement”, confesse Robert Coste.

Une mise en œuvre de 12 à 18 mois

Si l’opérateur ne se soucie guère de la facture de la télébillettique, il peut se montrer regardant sur les conséquences de son installation. Sur un réseau d’une centaine de véhicules, la mise en place prend 12 à 18 mois. Ce n’est pas l’équipement des valideurs des véhicules qui prend toutefois le plus de temps. “Nous pouvons équiper cinq véhicules par jour. Nous travaillons de nuit pour éviter les immobilisations”.

Le passage à la télébillétique implique une réorganisation plus vaste. Il faut notamment installer un serveur central capable de recueillir toutes les données, équiper les dépositaires et les agents de contrôle. Pour ces derniers, les intégrateurs se tournent vers les PDA (ordinateur de poche). “Cela nous permet de disposer d’interface conviviale à des prix intéressants. Le souci, comme avec tous les équipements technologiques de grande consommation, c’est qu’ils sont très rapidement obsolètes et ont tendance à ne pas tenir le choc”, reconnaît Robert Coste. En revanche, du côté des valideurs, les soucis de maintenance semblent écartés. Selon les intégrateurs, ces équipements sont beaucoup plus fiables que les composteurs magnétiques, dont l’électromécanique se montrait parfois capricieuse.

Un optimisme confirmé par les différents opérateurs interrogés, qui assurent que leurs équipes de maintenance interviennent rarement sur ces valideurs de nouvelle génération. Cela n’empêche pas les acteurs de ce marché de proposer des contrats de maintenance. Mais les opérations concernent généralement le serveur central ou les pupitres de vente. “Elles se résument bien souvent à de la télémaintenance. Il est rare que nous intervenions sur place.” Chez ACS, le coût de ces contrats varie en fonction de leur durée. “Il faut compter 3 % du prix de l’installation pour un an, 4,5 % pour deux ans et 6 % pour trois ans.

Un volet formation

L’arrivée de la télébillettique change la façon de travailler de bon nombre de salariés d’un réseau: contrôleurs, exploitants, conducteurs receveurs… L’offre des intégrateurs comprend également un volet formation. Son coût est également compris dans la facture de la prestation globale. Il faut compter deux à huit heures de mise à niveau. “Mais cela dépend de l’équipement que possédait le réseau avant notre arrivée. Nous avons nos propres équipes de formateurs ou nous travaillons avec leurs formateurs lorsque les réseaux sont importants.

Cette formation ne se résume pas à la façon d’utiliser les outils de contrôle ou à l’interprétation des indications visuelles et sonores des valideurs. L’idée est également de faire découvrir au transporteur tous les avantages qu’il pourra tirer de la remontée d’informations que lui apporte cette nouvelle technologie.

Adapter l’offre marketing

La carte sans contact paraît parfois idéale pour les voyageurs abonnés ou réguliers. Mais beaucoup moins adaptée pour les occasionnels. La faute au prix du support. Un ticket sans contact à l’unité coûte cher à son éditeur. “Aujourd’hui il faut compter près de 0,5 euro, et dans le meilleur des cas, 0,2 euro quand les quantités sont vraiment importantes.” De son côté, le bon vieux billet magnétique ne coûte que 0,03 euros. Le modèle économique viable du ticket sans contact jetable n’a pas été trouvé. C’est une des raisons pour laquelle la quasi-totalité des réseaux conserve les deux systèmes en parallèle. Seule la ville de Marseille a décidé de passer au 100 % télébillettique.

Pour s’affranchir du magnétique et rendre le ticket sans contact abordable, les réseaux devront mettre à contribution leur service marketing. “L’objectif est de multiplier les offres de fidélisation. Proposer par exemple des tickets valables pour cinq voyages pour faire baisser le coût unitaire”. L’objectif plus large est de faire baisser au maximum la part des voyageurs occasionnels. À la RATP, ils ne représentent plus que 7 % des usagers, et cette part pourrait continuer à baisser. Cette tendance à la diminution est observée dans d’autres réseaux.

A contrario, la carte sans contact devient rapidement rentable. Son prix de fabrication oscille entre deux et trois euros seulement, sa durée de vie est importante (trois à cinq ans) et le taux de perte est faible. “Les possesseurs en prennent tout autant soin que de leur carte de crédit.” Cette fois, c’est la carte qui devient chic en s’invitant dans les portefeuilles.

Thales cale en France

Il paraît que nul n’est prophète en son pays. Thales en fait l’expérience. Poids lourd de la télébillettique à l’international, l’intégrateur n’équipe que deux réseaux en France: Strasbourg et le réseau de surface de la RATP. Accrocher la régie parisienne à son tableau de chasse n’est pas rien, mais Thales en voudrait plus. Il y a un an et demi, il avait lancé Transcity, une offre packagée destinée aux petits et moyens réseaux. Depuis, aucun contrat n’a été conclu. "Nous sommes un intégrateur capable de gagner les marchés plus complexes, pour monter des projets à l’échelle nationale. Citons par exemple Trans Link aux Pays-Bas, système de billettique complètement intégré sur l’ensemble des transports publics: un tel système n’est pas envisageable en France. Outre la différence de taille du pays, la France n’est pas organisée pour ce genre de dispositifs, notamment en raison de la complexité de l’organisation institutionnelle des territoires", explique Gérard Najman, directeur du développement commercial de la billettique au sein de l’activité transport de Thales. "En France, les projets sont de taille relativement modeste et de ce fait, les maîtres d’ouvrage ont plus besoin d’équipementiers que d’intégrateurs. La RATP et la SNCF qui ont des projets conséquents jouent le rôle d’intégrateurs pour leur propre compte. Cela ne nous permet pas d’apporter notre réelle valeur ajoutée, et dans ce cas, nous ne sommes plus compétitifs sur le marché."

TÉLÉPHONE À TOUT FAIRE

À quoi ressemblera le titre de transport dans dix ou quinze ans?

Il faudra très certainement composer avec un téléphone portable pour prendre le bus ou le métro. La technologie n’est pas inédite. Elle va même être lancée à Bordeaux (lire p. 27). "Techniquement, c’est déjà faisable avec les téléphones NFC. La difficulté tient plus aux accords que devront trouver les différents acteurs: opérateur de transport, opérateur téléphonique, etc.", explique Gérard Najman, directeur du développement commercial de la billettique au sein de l’activité transport de Thales.

Le téléphone pourrait même se substituer au ticket jetable. "Il serait l’outil idéal pour répondre au problème du coût du ticket sans contact jetable", assure Robert Coste, directeur commercial de ACS.

Le téléphone devrait même se transformer en terminal de paiement. Et son émergence risque de mettre en péril l’existence de ces derniers plutôt que celle de la carte sans contact.

"Les deux technologies vivront de concert. Je ne pense pas que le téléphone fasse disparaître la carte, du moins à court ou moyen terme", estime Gérard Najman.

Auteur

  • David Reibenberg, Nathalie Arensonas, Hubert Heulot, Conrad Freeling.
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