L’arrivée de nouvelles générations de télébadges opérables entre différents réseaux autoroutiers et systèmes de collecte en Europe simplifiera la gestion globale du poste péage et donnera accès à de nouveaux services connectés et intelligents.
Avec 142 autoroutes représentant 9 137 km à péage, le réseau autoroutier français est le quatrième réseau mondial. Il a été emprunté en 2016 par plus de 4 000 véhicules lourds en moyenne chaque jour (poids-lourds et autocars), ce qui représente 14 % du trafic global. Malgré un coût relativement élevé, avec des tarifs au kilomètre variables d’un réseau à un autre, allant de 53 centimes/km à 3 centimes/km en moyenne (source classement 2015 des tarifs autoroutes Linternaute.com), l’autoroute reste la voie privilégiée des transporteurs longue distance, permettant de réduire les temps de trajet et de mieux maîtriser les consommations de carburant ou les émissions de CO2. Elle est également incontournable pour accéder à certains sites touristiques ou franchir les ponts et tunnels à péage.
Pour fluidifier le trafic au passage des barrières et simplifier l’acquittement des frais, les solutions de télépéage se sont multipliées ces dernières années et associent au péage les taxes de parcours ou environnementales en vigueur. De simples petits dispositifs à placer derrière le pare-brise, elles sont devenues de véritables boîtiers embarqués intelligents connectés au véhicule et aux infrastructures offrant aux transporteurs une gamme de services de gestion de flotte de plus en plus avancés. Le marché s’internationalise et distingue les sociétés d’autoroutes locales, qui proposent leurs télébadges ou ceux de partenaires spécialisés, des opérateurs de dimension européenne axés sur l’interopérabilité de leurs équipements (Total/AS24, Eurotoll, Axxès, DKV, Telepass, UTA…).
Les premiers offrent des services par abonnement à bas coût mais au champ d’action limité aux autoroutes dont ils ont la gestion. Les seconds proposent une couverture nationale, voire internationale, des services et des télébadges mais à des tarifs plus onéreux. Il s’agit donc d’analyser en amont le besoin et les zones de transport régulières pour choisir au mieux son outil de télépéage et, soit multiplier les boîtiers pour emprunter plusieurs autoroutes, soit, au contraire, utiliser une solution interopérable servant pour toutes les autoroutes, quitte à n’en profiter qu’à 30 %.
Pourquoi équiper ses véhicules en système de télépéage? Pour gagner du temps et simplifier la gestion de ce qui constitue généralement le quatrième poste de coûts des entreprises de transport. Mais aussi, d’une certaine manière, pour limiter les responsabilités des conducteurs et réduire les coûts de péage! Grâce au Free Flow ou passage sans arrêt aux barrières de péage que le car franchit en moyenne à 30 km/h, le trafic est fluidifié et la consommation de carburant réduite. Les conducteurs n’ont pas à se préoccuper du paiement ni à disposer de carte bancaire ou de liquidité. La facture globale mensuelle est adressée directement via internet à l’entreprise de transport et le règlement se fait généralement par virement. Surtout, l’utilisation de télébadges donne droit à des remises sur les tarifs, variables d’une autoroute à une autre en fonction du poids et de la classe Euro du véhicule et qui peuvent atteindre 13 %. Les gestionnaires bénéficient d’un accès en ligne à un portail de gestion pour suivre les consommations de péage de leur flotte, activer ou désactiver à distance un télébadge ou recevoir des alertes lorsqu’un car emprunte un trajet non autorisé ou qu’une erreur d’identification à l’entrée sur l’autoroute induit une surfacturation du trajet le plus long. D’autres services de géolocalisation et gestion de flotte sont accessibles en fonction de l’offre et des possibilités techniques du boîtier de télépéage.
À l’heure de la digitalisation du transport et de la connectivité, le marché du télépéage des véhicules de plus de 3,5 t devient européen et intègre de nouvelles technologies qui vont progressivement amener de nouveaux services aux transporteurs. Car pour être interopérable d’un réseau autoroutier à un autre, les télébadges doivent intégrer des technologies mixtes DSRC, qui autorisent la communication entre le boîtier et la barrière de péage, et GNSS ou satellitaire dans les pays où l’identification des trajets du véhicule se fait par GPS. Toutes les sociétés européennes de télépéage (SET) développent donc de nouvelles générations de télébadges hybrides intégrant en plus le Wifi/Bluetooth et éventuellement des connexions au réseau CAN des cars. Ainsi, derrière l’objectif ultime d’un seul dispositif compatible avec l’ensemble des routes à péage en Europe se cache l’arrivée de nouvelles fonctionnalités orientées vers la gestion de la flotte et du parc, la mobilité ou même la maintenance prédictive. Le télébadge de demain sera plutôt un On Board Unit (OBU) qui, outre ses fonctions natives de franchissement des péages, autorisera la géolocalisation des véhicules et donc l’optimisation des trajets. Il permettra de remonter différentes données techniques sur l’état du véhicule ou sa consommation et peut-être même, à terme, les données du chronotachygraphe.
Cette dynamique du marché du télépéage européen et son innovation technique devraient profiter à tous les transporteurs et pas seulement aux acteurs européens spécialistes des trajets longues distances. Ces derniers bénéficient déjà d’un boîtier interopérable dans sept à huit pays et qui peut être mis à jour à distance pour intégrer de nouveaux services, comme ajouter aux réseaux à péage français les autoroutes espagnoles ou belges. Les TPE/PME vont également tirer profit de solutions avancées de « gestion de l’autoroute » à des tarifs d’entrée de gamme comparés à ceux des systèmes télématiques première ou seconde monte. Demain, avec la géolocalisation et la connectivité des télébadges, les entreprises pourront générer des rapports pour comparer les trajets réels et les frais de péage. D’une gestion « manuelle » et au cas par cas des péages, elles pourront automatiser le paiement et le suivi des consommations tout en accédant à des services complémentaires et même intégrés au logiciel de gestion du transport.
Ainsi, les transporteurs ont aujourd’hui un large choix de solutions de télépéage allant de moins d’un euro à une vingtaine d’euros par mois selon le périmètre et les fonctionnalités qu’ils peuvent encore adapter à leurs besoins et faire facilement évoluer. Tant mieux, car malgré un taux d’équipement des transporteurs français encore assez faible, en raison d’une activité fortement concentrée sur le territoire, la fluctuation du marché et la concurrence européenne poussent de plus en plus d’entreprises à simplifier leur gestion et à optimiser les coûts. Le télébadge n’est qu’un outil parmi d’autres pour y parvenir mais son évolution télématique devrait clairement aider les transporteurs à gagner en performance et rentabilité.
DKV, T-Systems et Daimler créent Toll4Europe pour déployer d’ici 2018 un boîtier de télépéage techniquement interopérable sur toutes les routes d’Europe. L’année 2018 sera une année majeure pour le télépéage interopérable en Europe. On y assistera à l’extension en Allemagne du péage à toutes les routes fédérales à compter du 1er juillet 2018, ainsi qu’à l’ouverture à la concurrence du système satellitaire de collecte des péages jusqu’à maintenant géré par Toll Collect. Cela signifie que les SET vont pouvoir proposer aux transporteurs européens de s’acquitter de la taxe en vigueur en Allemagne via leur dispositif embarqué respectif, à condition qu’ils intègrent le géopositionnement par satellite. Trois géants de l’industrie allemande ont ainsi décidé de s’allier pour concevoir ce futur télébadge intégrant plusieurs technologies de péage: DKV Euro Service, acteur majeur du télépéage et des cartes carburant en Europe; T-Systems, filiale de Deutsche Telekom impliquée dans le télépéage Viapass en Belgique, et Daimler. Ils ont annoncé en avril dernier la création de Toll4Europe, une joint-venture qui commercialisera dès 2018 un boîtier télépéage unique pour la facturation dans toute l’Europe. « Il s’agit d’apporter nos expertises technologiques réciproques afin de construire un boîtier techniquement compatible avec l’ensemble des systèmes de péage européens, axé sur le traitement des données et stable dans le temps », confie Guillaume Cunty, directeur général de DKV France. « Il y aura un planning d’intégration progressive de nouveaux réseaux autoroutiers à péage mais l’objectif est bien l’interopérabilité totale du boîtier avec tous les systèmes d’Europe. »
Un équipement à la portée de tous. T-Systems apporte son expertise des réseaux de télécommunication et une plateforme Cloud analytique pour le traitement des données de transaction tandis que Daimler aidera à l’intégration optimale du télébadge dans les véhicules. Enfin DKV apporte ses outils et son savoir-faire en matière de télépéage et de gestion de transactions financières (140 000 clients). Mais Toll4Europe n’a pas vocation à proposer directement aux transporteurs un service européen de télépéage. « En tant qu’opérateur de télépéage, DKV achètera le boîtier à Toll4Europe pour y associer nos propres services de reporting, d’alertes, de gestion, etc. Nous sommes en train de constituer l’offre pour l’intégrer à notre plateforme web clients. Mais les autres SET pourront également acquérir le télébadge Toll4Europe pour étoffer leurs offres puisqu’il sera commercialisé en marque blanche. Au final la gamme de services dépendra de chaque opérateur et deviendra le critère de différenciation. » Le lancement d’un boîtier utilisable dans toute l’Europe est prévu avant juillet 2018. Au début de sa commercialisation, le boîtier desservira la France, la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne. L’Italie, le Portugal, l’Espagne et la Hongrie en feront partie dans la mesure du possible ou seront reliés au système en peu de temps. « Pour DKV l’enjeu économique est de taille, notamment pour gagner des parts de marché dans les pays de l’est de l’Europe auprès de grands comptes internationaux. Nous avons des efforts à faire en France auprès des opérateurs de transporteurs de voyageurs, dont le taux d’équipement représente peut-être 30 % contre 70 % chez les transporteurs de marchandise. En fonction de leurs activités plus locales ou transfrontalières, les opérateurs français auront, grâce au nouveau boîtier Toll4Europe, un plus large choix de matériels et de tarifs pour ouvrir les barrières et s’acquitter des péages sans moyen de paiement », explique Guillaume Cunty.
R.C.
KM-X, filiale d’Axxès, propose une solution de télépéage en France pour véhicule de plus de 3,5 t à partir de 0,99 €/mois HT avec accès à des remises jusqu’à 13 %. L’offre inclut un télébadge et l’accès à une facturation unique de l’ensemble des transactions. Plusieurs niveaux d’options sont proposés sous formes de package allant de 2 à 5,50 € par mois et qui incluent des alertes de gestion et des rapports détaillés de consommations.
Après les difficultés provoquées par l’échec de l’écotaxe en France, l’opérateur de télépéage Eurotoll, qui a été repris à 100 % par Abertis à la Sanef le 16 mai dernier, axe sa stratégie Customer centric sur les clients et l’innovation tout en continuant d’étendre l’interopérabilité de sa Tribox Air. « Avec 55 000 kilomètres de routes à péages gérées par Eurotoll dans 16 pays d’Europe, notre stratégie vise à accompagner nos clients transporteurs tels que Keolis dans la simplification de la gestion de leur péage », commente Nadi Kanaan, directeur commercial et marketing Europe. « Cela passe par l’intégration de notre portail ou des données de péage directement dans les systèmes d’information des transporteurs, le développement de réseaux Machine to Machine intelligents pour automatiser de nombreux processus de collecte des données ou encore le développement d’outils prédictifs d’aide à la décision pour établir des rapports de rentabilité et alertes métiers. Aujourd’hui, les clients sont prêts à payer un peu plus cher pour un service et une offre totalement interopérables en Europe. Eurotoll travaille donc à étendre toujours plus cette interopérabilité. En septembre, le télébadge Tribox Air sera parmi les premiers à être homologué pour le télépéage ViaPass en Belgique et nous lancerons une offre pour l’Autriche cette année et pour l’Allemagne fin 2018 via cette même Tribox Air. » Nadi Kanaan évoque également le lancement au dernier trimestre 2017 d’un nouveau portail web conçu à l’aide de clients transporteurs et d’ergonomes pour simplifier et optimiser la gestion. De plus, avec le rachat par Abertis, Eurotoll devrait bénéficier d’investissements qui se traduiront notamment par de nouveaux services. « Avec la géolocalisation, nos boîtiers peuvent fournir une traçabilité du transport à tous les intervenants de la chaîne et nous continuons de développer des services combinés de télépéage et gestion de flotte. Nous pousserons aussi les données vers de multiples systèmes d’information. »
« Le télépéage est notre cœur de métier, mais Telepass franchit une étape vers la mobilité des personnes et des véhicules », explique Régis Cottereau, directeur commercial de Telepass, pour annoncer le lancement à la fin de l’année d’un nouveau télébadge ou, plus exactement, d’un OBU télématique. « Avec le lancement d’une offre interopérable en Belgique sur le réseau ViaPass à la fin de l’année et dès 2018 en Allemagne, le réseau Telepass met à disposition des transporteurs un nouveau boîtier télématique embarqué doté de multiples technologies DSRC à ondes courtes et GNSS par satellite. Outre un accès aux données de positionnement qui ouvre la voie à de nouvelles applications métier de gestion, une seconde étape de développement est prévue pour connecter l’OBU au bus CAN des véhicules et ainsi remonter les données techniques. »
En outre, Telepass teste un pilote d’une nouvelle version du portail web qui peut envoyer via le web service les données directement dans l’ERP des transporteurs. Il permettra d’enrichir les applications liées aux données télématiques, par exemple le stationnement pour les autocaristes, l’envoi de messages aux conducteurs ou la recherche de points d’intérêt. Les gestionnaires auront également accès à des applications métier de gestion de la flotte et du parc.
