Du 26 au 28 octobre, notre confrère allemand Omnibusspiegel a organisé un grand rassemblement autour des autobus urbains électriques à batteries. Nombre de premières animent cette rencontre, avec le Bluebus 12 m de Bolloré et le finlandais Linkker de 13 m. Connexion ne pouvait manquer ce rendez-vous exceptionnel!
Après un Bus Euro Test marqué en juin par la domination des autobus électriques à batteries, c’est au tour d’Omnibusspiegel de réunir un plateau d’autobus urbains à accumulateurs.
Hormis l’Ebusco 2.0 et le Solaris Urbino 412 m Electric, les autres participants sont inédits: on compte le germano-turc Sileo/ Bozankaya 12 m, le VDL Citea SLF-120 Electric et deux véhicules jamais vus à ce jour lors d’essais de presse: le Bluebus 12 m de Bolloré et le Linkker 13 m. Visiblement, l’univers de l’autobus urbain à batteries n’a pas encore touché les majors, Iveco Bus, MAN ou Mercedes-Benz. La rupture technologique induite par les batteries amène de nouveaux industriels à tenter leur chance. La réunion (organisée de main de maître par Omnibusspiegel, avec la bienveillance du réseau SWB de Bonn) a donné aussi quelques instructives indications sur les forces et les faiblesses générales de cette nouvelle génération d’autobus.
En premier lieu, il convient de mettre en avant leur agrément de conduite: ils se sont révélés globalement très doux et plaisants à conduire, en particulier dans les manœuvres délicates ou dans la circulation dense.
La récupération d’énergie à la décélération et au freinage a également prouvé son efficacité sur nombre des véhicules. À ce sujet, les autobus à batteries ont bien profité des déclivités prononcées du parcours test.
Autre surprise, les accélérations sur le plat ont été impressionnantes chez tous les participants, profitant à plein d’une linéarité que seule la traction électrique sait offrir. Cela est un peu moins vrai en côte, où les véhicules dotés du pont ZF AVE 130 bimoteur ont nettement dominé leurs rivaux.
Du côté des inconvénients communs, il y a lieu de mentionner la mauvaise répartition des masses, avec les batteries de traction généralement placées sur le toit, générant un roulis assez prononcé. Seul à échapper à ce problème: le Linkker finlandais, mais il n’embarque que 55 kW de batteries dans son compartiment arrière. Autre aléa à relever: malgré une installation de 360 V et 125 A dans les dépôts de la SWB, la première nuit de recharge a vu les Solaris et les Bluebus pâtir d’un incident de charge (arrêt inopiné pendant la nuit, les deux véhicules étant branchés sur la même installation).
Pourtant, le réseau SWB a déjà six autobus Sileo E12 en exploitation (ils ont leurs prises dédiées sur le parc). L’alimentation des participants (hormis le Sileo) se faisait sur des prises dans les garages et non sur les chargeurs dédiés. Là encore, il y a un gros travail d’harmonisation et de standardisation à faire pour rendre les véhicules et leurs points de charges ouverts, et non captifs d’une marque ou d’un équipementier.
Quant à l’autonomie, elle a permis, même avec des charges incomplètes, d’effectuer les boucles d’essais tout au long de la journée (les 140 km sont atteints sans problème, les 200 paraissant réalistes pour certains candidats). Seul le Linkker, disposant de très peu de batteries embarquées et privé de ses installations de charge rapide par pantographe, n’a pu faire le même programme que ses rivaux.
En ce qui concerne les finitions, seul le VDL donne une impression vraiment favorable, les autres véhicules étant sujets à des bruits de mobilier plus ou moins envahissants et agaçants. Pour autant, on sent que l’on a quitté le domaine de l’expérimental pour arriver vers des véhicules proches de ce que doivent être des modèles de série.
Hélas, cette réunion n’a toujours pas levé les questions liées aux batteries de ces autobus électriques. Quid de leur durée de vie effective? Quid de leur recyclage en fin de vie? Comment adapter les infrastructures de charge (puissance, standardisation)? Comment s’assurer de l’innocuité environnementale de l’électricité nécessaire à la recharge? Quant au prix unitaire de ces véhicules, c’est toujours une question taboue. « Quand on aime, on ne compte pas », dit le proverbe. Et en l’espèce, les élus semblent aimer… à la folie.
La cause est entendue: la Mairie de Paris ne veut plus entendre parler de moteurs diesel, fussent-ils Euro VI (portant proches du zéro émission). Mais nos zélés élus savent-ils que les autobus électriques dont ils vantent les méritent se chauffent… au gazole non routier? Et les braves brûleurs Eberspächer ou Webasto sont très loin d’être aussi propres que les moteurs diesel Euro VI (euphémisme). En effet, ces équipements sont exempts de toute réglementation quant à leurs rejets dans l’atmosphère. Des équipementiers comme Thermo King, Eberspächer ou Konvekta travaillent sur des pompes à chaleur afin de remédier à ce paradoxe aberrant. Mais de tels équipements ont un coût qui vient grever celui déjà considérable des autobus électriques. Et nombre de participants au test d’Omnibusspiegel se chauffaient au fioul!
L’apparition des autobus à batteries est, comme pour les hybrides série, très exigeante en termes de formation des personnels. Outre les questions préalables de choix relatifs aux conditions d’exploitation, aux véhicules et à l’infrastructure, il faut des mécaniciens habilités aux « courants forts »: les circuits haute tension sont ici généralement en 600 V. À cela s’ajoutent des ateliers disposants de coursives sécurisées pour l’accès aux pavillons, où sont généralement implantés les systèmes de refroidissement et les batteries de traction, voire les pantographes de recharge rapide.
Autre exigence: pour obtenir les meilleures performances commerciales, autonomie et confort des passagers, le volet formation des conducteurs est essentiel. En effet, la récupération d’énergie à la décélération ou au freinage est un élément clé de l’autonomie opérationnelle. Des conducteurs ayant la culture de « l’accélérateur/freins » provoqueront avec ces véhicules électriques, très « coupleux » au démarrage, nombre de plaintes des clients et contribueront à une usure très accélérée des pneumatiques.
Autre aspect étonnant: contrairement aux moteurs thermiques, le moteur électrique ne souffre pas des fonctionnements à régimes moyens ou à charge partielle sur l’accélérateur: on peut donc accélérer en douceur, progressivement, contrairement à un moteur à combustion interne qui est à son optimum de rendement au régime de couple maximal. Là encore, une habitude à changer.
