Dans la course au transport propre, les biocarburants sont en bonne position. Dopés par la volonté gouvernementale, leur consommation augmente doucement mais sûrement. L’Ademe fait le point sur l’avenir de la filière.
Le bio n’est plus uniquement tendance sur les étals des supermarchés. Il est désormais très à la mode dans les réservoirs des véhicules. Cet engouement est porté par le gouvernement qui affiche sa volonté de voir passer la part des biocarburants dans la consommation de 1,2 % en 2006 à 7 % d’ici à 2012. Cela se fera en grande partie avec les voitures particulières et la promotion de l’éthanol. Les premières pompes à essence d’E85 (carburant composé à 85 % d’éthanol) ont ouvert leurs portes, il ne reste plus qu’à démocratiser les véhicules. Pour le transport public, le biocarburant se conjugue à la sauce Diester. Il est incorporé à hauteur de 30 % dans le diesel.
Étienne Poitrat, ingénieur en charge des biocarburants à l’Ademe (Agence pour le développement et la maîtrise de l’énergie), évoque pour Bus & Car les perspectives d’avenir de cette énergie verte.
– Il convient de distinguer deux types d’impact. Le premier est celui à l’échappement du véhicule. Plus le véhicule est ancien, plus les réductions d’émissions, en valeurs absolues, sont importantes.
Sur les moteurs Euro 2, les tests réalisés montraient notamment une diminution de 10 % des rejets d’hydrocarbures, une baisse de 17 % de ceux de particules, et une opacité de la fumée en retrait de 20 %. Il faut également se pencher sur l’impact global. En comparaison avec le gazole, la réduction de l’émission des gaz à effet de serre est de 70 % pour le Diester pur. Ramenée au Diester 30, on obtient une réduction des émissions de 20 %.
– La critique a été produite sous la forme d’un article signé par un membre du service économique de l’Inra (Institut national de recherche agricole). À l’Ademe, nous maintenons que les biocarburants présentent un bon bilan énergétique. Un avis partagé par les membres du service environnemental de l’Inra qui travaillent sur les cycles de vie des énergies. Pour ce qui est du Diester, le rendement énergétique est de 1 pour 3 avec le colza, et monte à 1 pour 3,2 avec le tournesol. Il est important de garder à l’esprit que, pour le gazole, on est à un rapport de 1 pour 0,92, à étude identique. Ce calcul date de 2001. Aujourd’hui, le rendement a certainement été amélioré car il prend en considération toute la filière. Or il s’agit d’une industrie qui s’est développée et organisée. Par ailleurs, au niveau agricole, la maîtrise de la fertilisation azotée constitue une garantie de l’amélioration du rendement énergétique. La mise à jour des données pourrait être finalisée dans les prochains mois. Il est tout de même vrai que ce bilan énergétique est perfectible. Un travail pourrait ainsi être réalisé au niveau de sources d’énergie nécessaires à la production des biocarburants.
– Ce qui pénalise la France aujourd’hui, c’est l’importance de la consommation de gazole. En 2006, elle était de 31,9 millions de tonnes et pour 2010, date d’échéance pour les 7 % d’incorporation, elle devrait passer à 35 millions de tonnes. Cela représente 2,7 millions de tonnes équivalent pétrole de biocarburants. À ce rythme, on risque de manquer de colza. Il faudra développer sa production dans les régions où il est peu exploité, comme le littoral atlantique. Cela demandera un effort de la part des agriculteurs qui devront être encouragés dans cette voie. Mais même en convertissant l’ouest de l’Hexagone à la culture du colza, on risque d’être proche de la pénurie dès 2010. Ce qui est certain, c’est que pour le futur il faudra trouver d’autres solutions.
– Il n’y a pas de décisions prises à ce sujet. Les autorités françaises ne sont guère favorables à l’importation qui peut nous rendre dépendants au niveau énergétique. La France est déjà le second producteur de biocarburant européen, il faudrait donc se tourner vers des marchés plus lointains. Mais est-ce écologiquement cohérent de favoriser une culture d’oléagineux qui se développe en contrepartie de la déforestation, comme c’est le cas avec la palme? Je ne le pense pas. Ces plantes ne sont pas exploitables dans nos régions. Seule l’huile de ricin pourrait s’habituer à nos climats, et la recherche a d’autres priorités.
– Il faut garder à l’esprit que les pays producteurs ont aussi leurs propres besoins à satisfaire. En Afrique, la problématique de la dépendance pétrolière est encore plus forte. Par ailleurs, il se poserait d’importants problèmes d’acheminement de la production. Pour faire face à la perspective de pénurie de terres cultivables, on s’oriente plutôt vers le développement des biocarburants de deuxième génération.
– L’idée est de produire du biocarburant non plus avec la seule graine, mais avec l’ensemble de la plante. C’est ce que l’on appelle également l’exploitation de la biomasse (matière lignocellulosique). Les procédés utilisés manquent encore de maturité pour qu’un développement industriel soit envisagé. Il reste un certain nombre de verrous technologiques à débloquer. Il faut notamment travailler davantage la question du rendement énergétique de ces biocarburants qui ne répondent pas encore aux attentes. L’Agence nationale pour la recherche (ANR) a adopté le PNRB (Programme national de recherche sur les bioénergies). Il développe deux grands axes de recherche pour la conversion de la matière lignocellulosique: la thermochimie et la bioconversion. Les premiers pilotes industriels devraient être opérationnels pour 2012. Les premières applications dans les transports ne sont pas à espérer avant 2015.
– C’est la raison pour laquelle il est essentiel de diminuer la consommation de diesel. Il faut espérer que l’E85 rencontre son public et que des propriétaires de véhicules diesel se tournent vers les voitures Flex Fuel.
À l’heure actuelle, les prévisions pour 2010 ne sont pas de bon augure. Elles promettent que le parc routier sera composé à 80 % de diesel et à 20 % de véhicule fonctionnant à l’essence. Les incitations fiscales se doivent d’être suffisamment fortes pour faire évoluer cette répartition. D’autant plus que sur le plan agricole, l’éthanol ne connaît pas les mêmes limites que le Diester.
– Si on a l’assurance que cette production n’entre pas dans le cycle alimentaire, cela peut constituer une piste qui mérite d’être suivie. Cela pourrait notamment permettre de produire de la matière sèche en grande quantité. Il faut simplement bien réfléchir à la fonction du gène que l’on introduit et à l’intérêt qu’il pourrait avoir dans le cadre de la production de biocarburants.
Il reste que l’impopularité des OGM en France rendrait de telles pratiques assez compliquées.
– Il est clair que sur le plan des émissions, l’utilisation du 100 % Diester est idéale. Cependant la généralisation d’une telle pratique est impensable, notamment en raison des limites de production de ce biocarburant. À Stockholm, le réseau local exploite des autobus Scania qui roule 100 % à l’éthanol. L’expérience avait été menée à Tours à la fin des années 80, mais on n’y avait pas donné de suite dans l’Hexagone.
Je sais que la RATP regarde de près l’exploitation dans la capitale sué- doise. La régie a même consulté Scania sur ce sujet. L’utilisation de l’éthanol pour les flottes captives de bus serait une bonne voie pour soulager la filière Diester.
– Il serait injuste de leur jeter la pierre. Les constructeurs jouent le jeu et garantissent leurs véhicules avec l’utilisation du Diester. Je ne pense pas qu’ils seraient particulièrement hostiles à une augmentation du taux d’incorporation. Le problème se pose plus nettement avec les équipementiers.
Les premiers autobus au Diester 30 ont pris la route au début des années 90.
Après 15 ans d’une lente croissance du parc, on est passé à la vitesse supérieure.
Le recensement que publiera l’association Partenaires Diester ce mois-ci annonce plus de 1 000 autobus ou autocars roulant avec ce biodiesel, alors qu’ils n’étaient que 750 en 2005. Une croissance qui devrait encore s’accélérer: "Notre association compte aujourd’hui 15 réseaux.
Ils seront presque autant à nous rejoindre en 2007, et nous compterons ainsi 300 véhicules supplémentaires", se réjouit Gaël Petton, responsable de l’association.
Les rangs des "Diester 30" sont notamment gonflés par les réseaux interurbains.
"De plus en plus de conseils généraux se penchent assidûment sur la question environnementale et souhaitent que leur réseau départemental roule plus vert", confirme Gaël Petton.
