En France, le marché des plus de 8 tonnes est presque exclusivement celui des véhicules complets. En revanche, les minibus et minicars laissent une place aux carrossiers. Ceux-ci travaillent principalement sur des châssis Mercedes Sprinter et Iveco Daily. Naturellement, mieux vaut choisir un carrossier agréé par le fournisseur du châssis.
Alors que l’Espagne a conservé plusieurs carrossiers pour les véhicules lourds de transport en commun, le marché français actuel concentre l’activité des carrossiers sur les véhicules légers. La finition « qualité carrossier » n’en reste pas moins un argument quand un groupe exploite plusieurs marques. En pratique, cela consiste à proposer de multiples variantes de personnalisation à bord des cars Setra et Neoplan qui, sur le plan technique, sont respectivement les jumeaux des Mercedes et des MAN.
En 2016, le marché français a absorbé 5 459 cars et bus de plus de 8 t. Dans cette catégorie, Iveco Bus (y compris Heuliez Bus) domine avec 46,5 %, suivi par Evobus (Mercedes et Setra) à 26,9 %. Les suivants sont loin derrière: 5,9 % pour Neoman (Neoplan et MAN) et 5,2 % pour Otokar. Le marché est également animé par une quinzaine d’autres acteurs dont aucun ne dépasse 3 % de parts de marché.
Sur le marché français des moins de 8 t, les positions en tête de peloton sont inversées. En effet, Mercedes (Evobus) a, en 2016, fourni 44,4 % des 1 134 minibus et minicars français. Iveco suit avec 33,5 %. Le Mercedes Sprinter et l’Iveco Daily représentent à eux seuls 77,9 % du marché. Alors que le Sprinter plafonne à 5,5 t, le Daily atteint 7,2 t. Cela ouvre au Daily un champ d’application plus large, mais l’étoile Mercedes fait vendre. Dans la tranche de tonnages supérieurs, autour de 10 t, le Mercedes Atego souffre du prix élevé de son châssis et subit la concurrence des produits Otokar. Iveco propose pour sa part l’Euromidi, mécaniquement proche du camion Eurocargo.
Responsable de l’activité minibus et minicars pour Evobus France, David Ollinger rappelle « qu’il y a quelques années, les constructeurs faisaient appel aux carrossiers pour la réalisation de véhicules hors gamme répondant à des demandes marginales. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Mercedes (Evobus) dispose d’une gamme complète de carrosseries sur Sprinter et ce sont maintenant les carrossiers qui viennent chercher auprès de Mercedes un complément d’activité et d’image. Ainsi, en 2016, parmi les quelque 500 Mercedes Sprinter livrés, 46,1 % sont de purs produits Evobus, alors que 53,9 % sont des bases techniques de Sprinter équipées par des carrossiers. » Parmi les réalisations emblématiques du « hors gamme », citons les cars cabriolets comme les Mago 2 Cabrio d’Indcar sur base Daily. Un tel modèle de niche peine à assurer une activité régulière. C’est pourquoi les carrossiers recherchent des volumes en concurrençant parfois les modèles de grande série.
Les minis et midis sont fondés sur des châssis à longerons avec moteur à l’avant. Ces châssis sont apparentés à ceux d’utilitaires légers ou de camions de moyen tonnage. Par exemple, le S’Cool, de Vehixel, fait appel à un châssis de camion Daf LF. Comparables au S’Cool, les cars Scoler de Fast Concept Car utilisaient quant à eux des châssis MAN ou Renault Trucks Midlum. En gamme lourde, les carrossiers ont généralement recours à des soubassements en treillis. Cependant, les longerons restent utilisés sur certains véhicules lourds, notamment sur des châssis destinés à la grande exportation et carrossés localement.
La réception européenne par type revient à une homologation. Elle se traduit par la délivrance d’un certificat de conformité valable dans l’Union europénne (COC, Certificate of Conformity). Grâce au COC, des négociants peuvent contourner les barrières à l’importation que pouvaient établir des constructeurs. Ces mêmes négociants sauront séduire en mettant en avant la marque du châssis et le prix du véhicule, mais ils omettront de préciser qu’aucun service après-vente efficace n’a été mis en place.
Avec les COC, les carrossiers sont relativement libres de leurs homologations, surtout quand ils jouent avec l’élasticité réglementaire de certains membres de l’Union européenne. On constate ainsi parfois une triche concernant la masse des véhicules. En cela, l’importation par des négociants qui exploitent les facilités du COC rappelle le marché du camping-car et certains de ses abus.
Il est assez facile de s’autoproclamer carrossier. Ce qui n’est pas forcément du goût des constructeurs de châssis, qui voient parfois arriver des véhicules exotiques dans les garages de leurs réseaux. L’utilisateur, lui, souligne que la base technique de son véhicule correspond à l’enseigne du réseau dans lequel il se rend et insiste pour être dépanné, « et plus vite que cela s’il vous plaît! ». La mauvaise foi ou, pire, l’incompétence, peut inciter le client à omettre de préciser le canal par lequel il a introduit un véhicule en France. Pour les garages, ces véhicules carrossés hors agrément compliquent à la fois la détection des pannes et l’approvisionnement en pièces détachées. David Ollinger regrette que « les réseaux aient à assumer l’insatisfaction du client lorsque le problème est lié aux erreurs d’un carrossier non agréé ».
Du coup, Iveco Bus a créé le label busmaster attribué aux carrossiers dont les réalisations sur base Daily et Euromidi sont le résultat d’une collaboration suivie avec Iveco Bus. Le site web busmaster.com présente une centaine de véhicules labellisés. L’internaute y obtient une sélection de véhicules après avoir renseigné le type de mission, la capacité et le pays d’utilisation. Avec ce dernier critère, Iveco Bus semble vouloir ne présenter aux clients que les véhicules distribués dans le pays d’utilisation et susceptibles de profiter d’un service après-vente. Pour le client français, busmaster.com résume sa vitrine aux réalisations d’Indcar et de Vehixel. En faisant fi du critère géographique, le site révèle ce que chacun peut constater, à savoir que AS Domžale, Auto-Cuby, Caetano Bus, Dypety, Euromotive, EVM, Feniksbus, Ferqui, Forveda, Irmãos Minibus Options, Mellor Coachcraft, Mota, Mussa & Graziano, New Car Costruzione Autobus, Noone, Nu-Track, Officine d’Auria, Rayan, Rosero, Sitcar, Stanford Coachworks et UNVI ne distribuent pas en France!
Chez Mercedes, il existe un label Van Partner, qui ne s’applique pas au transport de personnes. Toutefois, certains carrossiers labélisés Van Partner mettent en avant cette distinction auprès de leur clientèle TCP en laissant planer l’ambiguïté. C’est, par exemple, le cas d’Integralia ou d’Omnicar. Être labélisé Van Partner par Mercedes n’est pas un blanc-seing définitif et il y a eu des cas de déréférencement. Précisons surtout que ce label ne correspond pas à un agrément minibus-minicars par ce constructeur.
Sur le marché français, seuls cinq carrossiers sont agréés minibus-minicars par Mercedes et liés à ce constructeur par un contrat-cadre. Il s’agit de Dietrich Vehicules (à ne pas confondre avec Dietrich Carebus), Durisotti, Éric Ammer Autocars, Negobus et Vehixel. Ces carrossiers doivent équiper les véhicules dans les règles de l’art et assurer un service après-vente dans notre pays.
Ces cinq marques agréées ne correspondent pas toutes à de « véritables carrossiers français » disposant d’usines en France. Dans ce club des cinq, seuls Durisotti et Vehixel ont une activité industrielle dans notre pays, éventuellement complétée par des importations (Indcar est importé par Vehixel). Les autres font carrosser leurs véhicules à l’étranger, par exemple aux Pays-Bas ou en Turquie, avant de les réimporter.
À Rorthais (Deux-Sèvres), Heuliez Bus a une activité de carrossier, car l’entreprise construit les caisses et monte les aménagements sur des soubassements réalisés spécialement par l’usine Iveco Bus d’Annonay (Ardèche). Cependant, Heuliez Bus et Iveco Bus appartiennent tous deux à CNH Industrial. On considère donc que Heuliez Bus est constructeur, puisque le soubassement n’est pas fourni par une tierce partie.De même, Scania construit les soubassements de ses A30 et Touring en Suède, mais les fait carrosser en Chine par Higer, cette entreprise lui appartenant. Précisons que les bus Scania sont intégralement réalisés en Pologne (à Slupsk), alors que ses cars Interlink le sont en Finlande. Parallèlement, Scania fournit des soubassements aux carrossiers espagnols Ayats, Beulas, Irizar et Noge, dont certains sont présents sur le marché français.
Du côté des minis, on assiste aussi à une spécialisation des sites industriels. Ainsi, les châssis des Sprinter sont faits à Dusseldorf, mais les minibus et minicars du catalogue Mercedes (Evobus) sont carrossés à Dortmund.
Les acteurs du marché capables de réaliser tous les organes mécaniques (moteur, boîte de vitesse, essieux), le soubassement, et la carrosserie équipée du véhicule complet se comptent sur les doigts d’une main. S’il fallait réunir toutes ces conditions pour être estampillé constructeur de cars ou de bus, on ne trouverait guère dans cette catégorie que Mercedes, Volvo et Scania. Il est donc admis qu’un constructeur de cars ou de bus ne réalise pas obligatoirement ses organes mécaniques. Pour passer du statut de carrossier à celui de constructeur, il faut réaliser le soubassement ou se le procurer auprès d’un fournisseur appartenant au même groupe industriel. En dixième position sur le marché français avec 1,2 % du marché des plus 8 t, Irizar est, selon ses modèles, soit carrossier en équipant des soubassements Volvo ou Scania, soit constructeur en réalisant la caisse et le soubassement auquel est intégré un moteur Daf.
Vis-à-vis des exploitants, passer du statut de carrossier à celui de constructeur correspond aussi à une volonté d’indépendance commerciale, indépendance qu’il faut être en mesure d’assumer par un service après-vente de qualité. Sur ce point, Irizar s’est habilement affranchi de Scania depuis février 2014 en commercialisant directement ses véhicules complets fondés sur des soubassements Scania, tout en confiant l’après-vente aux 97 points de service Scania français, leur assurant ainsi un certain volume d’activité.
Tandis que les « grands constructeurs » tirent le marché vers les véhicules complets, les carrossiers doivent entretenir leur raison d’être en répondant à des demandes particulières et en occupant des niches de marché. Pourquoi ne pas créer celles-ci en innovant? Rappelons à toutes fins utiles que l’innovation, ce n’est pas que le coup de génie. Ce peut être aussi le résultat d’une démarche. Cela s’apprend et s’entretient.
Jusqu’aux années 1950, le monde de l’autocar était celui des carrossiers. Un châssis surbaissé était acquis chez un constructeur de camions, puis carrossé par l’un des nombreux spécialistes d’alors. Citons Belle Clot, Carde, Di Rosa, Faurax & Chaussende, Gangloff, Grange, Le Bastard ou Ravistre-et-Martel parmi les dizaines de carrossiers d’autocars actifs en France au cours de l’après-guerre.
L’arrivée des caisses autoportantes et des moteurs placés dans le porte-à-faux arrière ou à plat dans l’empattement provoque un changement de paradigme. L’un de ses initiateurs est William Bushnell Stout (1880-1956) dont le véhicule de transport en commun à moteur arrière et à caisse autoportante est concrétisé au cours de la seconde moitié des années 1930 par Gar Wood, l’entreprise de Garfield Arthur Wood (1880-1971).
En 1938, Joseph Besset (1890-1959) achète la licence Gar Wood. C’est sous la marque Isobloc qu’il commercialise en France des cars à caisse autoportante dès l’avant-guerre. Jusque-là carrossier, Joseph Besset devient ainsi constructeur. Certes, il achète ses moteurs, boîtes et essieux à des tierces parties, mais il réalise et vend un véhicule complet. Il ne se contente plus de construire une caisse qu’il pose sur un châssis apparenté à celui d’un camion.
Après-guerre, les carrossiers traditionnels sont dépassés par de multiples phénomènes. Isobloc produit pour répondre aux immenses besoins de rééquipement. Chausson, nouveau constructeur d’autocars, inonde le marché avec ses modèles de grande série. Il en est de même de la part de Renault, qui habitue les autocaristes au moteur sous le plancher. Berliet suit le mouvement et développe également ses gammes. Face à ces nouvelles réalités, les exploitants s’habituent à acquérir un véhicule complet et non plus un châssis à faire carrosser. Cette mutation est pratiquement achevée à la fin des années 1950. Que reste-t-il alors aux carrossiers? Il leur reste le « hors gamme », c’est-à-dire les produits particuliers qui n’intéressent pas les spécialistes de la grande série. Ces derniers ne produisent que des modèles standardisés dont les volumes de production entraînent des économies d’échelle.
En France, et plus généralement en Europe du Nord, les « grands constructeurs » de cars et de bus ne laissent aux carrossiers que des niches de marché.
Avec l’arrêt de la production du carrossier britannique East Lancashire Coachbuilders, actif de 1934 à 2011, les espagnols Ayats et UNVI se partagent le marché du cabriolet à double étage avec Neoplan, qui propose son Centroliner en double étage. Cela dit, depuis 2014, le constructeur chinois Anhui Ankai vient jouer les trouble-fêtes.
Ayats réalise le Bravo 1 R City, tandis que UNVI est reconnu sur ce marché singulier avec son Urbis Double Deck Open Top. Ce dernier est proposé en de multiples configurations et se fonde, selon les vœux de l’exploitant, sur une mécanique MAN, Mercedes, Volvo, voire Freightliner.
Dans Paris, des cars cabriolets double étage sont en service depuis 1998-1999 avec les Cars Rouges (Big Bus Paris) et les véhicules verts de l’Open Tour. Pour sa part, Foxity a lancé ses bus blancs et orange dans les rues de la capitale en 2010. Ainsi, quelque 90 bus cabriolets à deux étages sont en service dans Paris (environ 36 chez Big Bus Paris, 44 pour l’Open Tour et 9 chez Foxity). Les véhicules de Big Bus Paris sont pour la plupart des soubassements Volvo (B10M, puis B7L) carrossés par East Lancashire Coachbuilders, puis par Ayats à partir de 2012. Depuis 2014, cet exploitant a acquis six Anhui Ankai. Comme Big Bus Paris, l’Open Tour a d’abord misé sur des Volvo B10M carrossés par East Lancashire Coachbuilders, puis cet autocariste s’est tourné vers Neoplan avant de choisir l’Ayats Bravo 1R City et enfin, l’UNVI Urbis avec mécanique MAN en 2016.
Quant à Foxity, il a choisi des UNVI Urbis 2.5 Double Deck sur soubassement Volvo B9TL pour son équipement initial à partir de 2010. En 2014, ils sont complétés par deux Volvo/UNVI avec calandre rétro-vintage, puis suivis en 2015 par deux Ayats Bravo 1 R City.
