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Transition énergétique

Les nouvelles promesses de l’hydrogène

Selon la filière française de l’hydrogène, 18 % du parc véhicule et 25 % des bus devraient rouler à l’hydrogène d’ici 2050, à condition d’abaisser les coûts de cette motorisation encore très coûteuse. Ce vecteur énergétique, qui permet de stocker les surplus d’électricité verte, apparaît comme une solution de complément à la motorisation tout électrique, et pourra même servir à produire un GNV plus vert.

Quel carburant fera rouler les bus dans dix ans? Et dans trente ans? Le gouvernement a ouvert le 19 mars le débat sur la feuille de route énergétique de la France, appelée Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit définir la politique énergétique de notre pays jusqu’en 2028. La consultation publique, qui s’achèvera le 30 juin, devrait faire la part belle aux énergies alternatives pour atteindre les objectifs que la France s’est fixé dans le cadre des Accords de Paris. À cette occasion, les grands acteurs de la filière hydrogène – EDF, Engie, Total, Air liquide, Alstom, Michelin, SNCF, Hyundai, Toyota, le CEA et l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC) – ont opportunément publié une étude prospective, destinée à mettre en avant le rôle de l’hydrogène décarboné. D’après cette étude, réalisée avec le concours de McKinsey, en 2050, l’hydrogène pourrait représenter 20 % de la demande d’énergie en France et alimenter 18 % du parc de véhicules. Cela permettrait de contribuer à réduire les émissions de CO2 de 55 millions de tonnes, soit près d’un tiers de la réduction nécessaire par rapport au scénario de référence. Ce vecteur énergétique apparaît en effet comme la variable d’ajustement idéale lors de la production d’énergies renouvelables, en stockant le surplus sous forme gazeuse pour la restituer ultérieurement. Son usage pour la propulsion des véhicules prend donc tout son sens.

Adapté aux véhicules lourds

Le salon HyVolution, organisé par l’AFHYPAC au Parc floral de Paris les 4 et 5 avril dernier a mis en lumière plusieurs expérimentations de transport public propulsés par des piles à combustibles, comme les future lignes BHNS de Pau et d’Artois-Gohelle (Pas-de-Calais). D’autres projets cherchent à fédérer autour d’une filière hydrogène verte les énergies de producteur, distributeur et utilisateur, comme Hyport en Occitanie, Zero Emission Valley en Auvergne Rhône-Alpes ou encore EAS HyMob en Normandie. Un choix politique fort puisque ce vecteur énergétique, lorsqu’il est produit à partir d’énergie renouvelable (issue de la biomasse, ou des filières solaire et éolienne), présente un bilan écologique idéal: zéro rejet de particule nocive ou de CO2. Ses avantages sont connus. Grâce à sa pile à combustible embarquée, un bus à hydrogène bénéficie d’une autonomie plus grande qu’un véhicule électrique classique, permettant des parcours plus longs. Des boucles de 300 km ne lui font pas peur, le tout en offrant des services à bord gourmands en énergie, comme le chauffage/air conditionné, la billettique ou l’information voyageurs, qui, additionnés, consomment jusqu’à 40 % de l’énergie utilisée. Le tout pour des temps de ravitaillement équivalents à celui d’une solution gazole.

Enfin, le recours à la mobilité hydrogène ne pèse pas sur le réseau électrique, contrairement à une mobilité tout électrique susceptible de générer des problématiques de surcharge sur le réseau, comme auprès des bornes d’alimentation. Selon l’étude prospective mise en avant par la filière, la technologie des véhicules à hydrogène est particulièrement adaptée aux modes d’exploitations qui nécessitent des temps d’immobilisation courts, notamment les taxis et les véhicules utilitaires légers, mais aussi les véhicules lourds comme les autobus. En 2050, un bus sur quatre (et un camion sur cinq) devrait ainsi fonctionner à l’hydrogène.

Segments de niches

Si l’horizon de 2050 paraît si lointain, c’est que cette solution reste actuellement terriblement coûteuse. À titre d’exemple, le Businova H2 de Safra, un bus de 12 mètres de 100+8 places, est commercialisé à 625 000 €, soit presque le triple d’un bus thermique. La ville de Pau, qui va faire rouler huit bus à hydrogène en 2019 en partenariat avec Engie et le constructeur Van Hool, n’aurait jamais pu se lancer dans cette aventure sans de confortables subventions européennes et régionales, qui couvrent 40 % des coûts. « En considérant l’acquisition des véhicules et l’installation d’un réseau d’avitaillement, le choix d’une motorisation hydrogène est trois à quatre fois plus onéreux qu’une solution classique », a expliqué Lucie Kempf, responsable du service exploitation transports urbains de Pau, lors d’une conférence sur le salon HyVolution. Le choix de l’hydrogène ne s’avère rentable qu’au bout de 8 à 15 ans selon les estimations recueillies.

D’après l’Ademe, qui vient de faire paraître une fiche technique sur l’hydrogène, la baisse des coûts ne pourra être obtenue que par une industrialisation de la fabrication des piles et l’élargissement de l’offre de véhicules. En attendant, l’Agence fait part de nombreuses réserves, à tel point qu’elle recommande de recourir à la technologie de la batterie électrique (par rapport à la pile à combustible) dans la mesure du possible. L’agence pointe, à raison, le faible rendement énergétique de la chaîne hydrogène, de l’ordre de 20 à 30 % (contre plus de 80 % pour la batterie) puisqu’il nécessite une succession de transformations gourmandes en énergies (électrolyse, compression du gaz, recomposition des molécules dans la pile à combustible).

Ce n’est pas tout. L’intérêt environnemental de l’hydrogène peut osciller du meilleur… au pire. Une analyse « du puits à la roue », effectuée en 2013 révèle que l’hydrogène peut dégager de 68 à 201 g équivalents CO2 par kilomètre, un spectre très large qui démarre un peu au-dessus du niveau d’un véhicule électrique (58 g) pour dépasser celui d’un diesel (143 g). Effectivement, le bilan environnemental sera d’autant plus lourd que l’hydrogène provient d’origine fossile (95 % des cas actuellement) et qu’il est ensuite acheminé sur une longue distance. L’Ademe préconise donc une production locale, à moins de 100 km du lieu de ravitaillement, à partir de la biomasse ou d’énergie renouvelable. Notons que les projets des agglomérations précités font souvent référence à ce type d’énergie. Autre problème soulevé: un risque d’inflammation ou d’explosion plus élevé qu’avec d’autres carburants, et des fuites, liées à la très petite taille de la molécule d’hydrogène. Enfin, la construction de la pile à combustible nécessite pour l’instant des métaux rares comme le platine, dont les quantités actuelles ne pourront couvrir une production de masse.

Coup de pouce au gaz

L’utilisation de l’hydrogène, on le voit, ne pourra être exclusive et viendra donc s’insérer dans les interstices laissés par les véhicules à batterie. Cette complémentarité pourrait même englober une autre énergie, puisque l’Ademe plaide également pour l’incorporation de l’hydrogène au GNV, afin de le rendre plus vert. L’hydrogène peut en effet être mélangé au GNV (jusqu’à 20 %) sans en affecter les propriétés, pour produire un gaz appelé Hytane. À Dunkerque, 50 bus vont tester ce procédé à travers le projet GRHYD. Une autre utilisation prometteuse verra la création d’un méthane de synthèse, obtenu en faisant réagir de l’hydrogène avec les émissions CO2 produites par l’industrie. De quoi tendre une nouvelle passerelle entre les motorisations électriques et GNV.

Auteur

  • Grégoire Hamon
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