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L’extension des agglomérations bouscule le transport scolaire

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L’extension des agglomérations bouscule le transport scolaire

Crédit photo Michel Grinand

Pour son séminaire national annuel, l’Association nationale pour les Transports éducatifs de l’Enseignement public (Anateep) s’est penchée sur le transport scolaire en agglomération. L’évolution des intercommunalités a considérablement modifié l’organisation du transport scolaire, qui s’intègre de plus en plus dans les réseaux urbains, avec des répercussions sur les prix du service et la sécurité.

À l’occasion de son séminaire national annuel, qui s’est tenu à Paris le 25 janvier, l’Association nationale pour les Transports éducatifs de l’Enseignement public a publié son étude comparative sur « Les agglomérations face au transport des scolaires », avec le cofinancement de la Direction générale des infrastructures du transport et de la mer (DGITM) et le soutien du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et de l’Assemblée des communautés de France (AdCF). Faisant suite aux études similaires de 2005, 2009 et 2013, le volet 2017 fait apparaître plusieurs changements sur lesquels l’Anateep veut intervenir.

Le premier d’entre eux est que la mise en application des lois Maptam (Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) et NOTRe (Nouvelle Organisation territoriale de la République) a dilaté les ressorts territoriaux, entraînant le fait que le nombre d’élèves transportés en agglomération est devenu majoritaire par rapport au nombre d’élèves transportés en milieu non urbain. En 2017, sur 3,276 millions d’élèves, 1,876 millions ont été transportés dans le cadre des agglomérations, contre 1,4 million dans le cadre du transport non urbain. Cela tient évidemment au fait que de grands ensembles intercommunaux se sont constitués au détriment des petites organisations. Entre 2009 et 2017, les ensembles intercommunaux supérieurs à 600 km2 sont passés de 14,7 à 36,4 %, tandis que les ensembles inférieurs à 200 km2 sont tombés de 26,5 à 9,1 %.

Baisse des prix pour les opérateurs

Première conséquence, ce sont les intercommunalités qui, en tant qu’Autorités organisatrices de premier rang (AO1) ou Autorités organisatrices de proximité (AO2), décident à présent des conditions de transport des élèves en agglomération en attribuant les marchés. La délégation du transport scolaire aux AO2 par les AO1 est ainsi passée de 28 % en 2013 à 43 % en 2017. Les opérateurs de transport et les autocaristes l’ont appris, parfois à leur avantage, parfois à leurs dépens, en devant répondre à de nombreux appels d’offres. « L’avantage, note Romain Keller, responsable des marchés du groupe Savac, est que les contrats portent désormais sur deux ans, avec reconduction tacite de deux ans, ce qui nous permet d’investir plus sereinement dans du matériel nouveau. Par ailleurs, nos interlocuteurs connaissent mieux le transport et ne se cantonnent plus au seul prix, mais intègrent à hauteur de 60 % des critères techniques tels que la classe et l’âge du véhicule servant au transport, le type de motorisation entre Euro 3, 4, 5, 6 ou à énergie alternative, ainsi que la qualité de service et la présence d’accompagnateurs. » La contrepartie est que, habituées à la concurrence, les AOT traitent les lignes de transport scolaire à l’égal des lignes de transport public, et ont globalement réduit les tarifs accordés aux transporteurs, en particulier ceux qui sont engagés en sous-traitance pour compenser les manques de moyens de détenteurs de lignes. « Il y a des lignes de transport sur lesquelles nous sommes prêts à faire des concessions financières afin de consolider des marchés que nous détenons déjà », reconnaît Romain Keller.

Hausse des coûts pour les collectivités

Cette baisse des montants vient aussi du fait que, toujours comme conséquence des lois Maptam et NOTRe, les régions et les départements ont réduit leur participation aux frais du transport scolaire. Entre 2013 et 2017, le subventionnement moyen accordé au transport scolaire par intercommunalité est ainsi tombé de 3,43 millions d’euros à 2,91 millions d’euros par intercommunalité, alors qu’en même temps, le budget moyen du transport scolaire est passé de 2 à 3 millions d’euros pour 55 % des agglomérations, faisant passer le budget de fonctionnement moyen des intercommunalités organisatrices du transport scolaire de 20,83 millions d’euros en 2013 à 23 millions d’euros en 2017. Ceci tient notamment au fait que les distances de transport ont sensiblement augmenté. Face à cette combinaison d’une baisse des fonds et d’une hausse des coûts, les AOM ont eu recours à quatre mécanismes. Le premier a consisté, pour 70 % des AOM, à abaisser à 3 ans l’âge de prise en charge du transport des enfants, afin de capter les subventions qui accompagnent cette prise en charge. Ensuite, 14 % des AO1 ont renoncé au principe de la gratuité d’un aller-retour quotidien pour les élèves entre 2005 et 2017. Au total, 82 % des AO1 ont donc renoncé à la gratuité. En même temps, le coût moyen du transport scolaire pour les familles a grimpé de 733 euros par an et par enfant en 2013 à 800 euros par an et par enfant en 2017, soit une augmentation de 9,1 %. Sur ce point, notons encore que 50 % des agglomérations affichent un prix moyen de 750 euros par an et par enfant. De plus, 22 % des agglomérations font payer la Carte Jeune entre 200 et 300 euros par an, alors que le prix moyen était de 136 euros en 2013. Notons aussi que 10 % des agglomérations la font payer plus de 300 euros par an. Pour les familles, en particulier celles qui sont les plus éloignées de l’établissement scolaire, ce budget devient une vraie contrainte financière.

Le Code de la route ignoré

S’ajoute encore à cela la pratique de plus en plus courante, dans le transport scolaire en milieu urbain, de remplacer le transport en autocars dédiés ou Service à titre principal scolaire (SATP) par du transport en Service régulier ordinaire (SRO). Entre 2013 et 2017, le nombre des intercommunalités ayant effectué ce transfert est ainsi passé de 50 à 70 %. Cela signifie qu’aujourd’hui, 66 % des élèves du transport scolaire en milieu urbain voyagent dans des autobus de ligne, voire dans des véhicules de classe 1 à plancher bas. Si ces véhicules, dits Low Entry, ont une véritable utilité pour faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite, ils n’en présentent pas moins un danger en ce qu’ils sont autorisés à rouler à 70 km/h alors que les passagers voyagent majoritairement debout et non ceinturés. C’est ce que signalait lors du séminaire George Dussauce, représentant de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Charente-Maritime (17), en réclamant: « Un enfant, une place assise, une ceinture. » Comme lui, l’Anateep s’était émue de cette situation au point que sa présidente: Nicole Bonnefoy, qui est aussi sénatrice, avait déjà signalé cette anomalie à l’Assemblée nationale: « Le règlement sur le transport des enfants stipulé dans le Code de la route précise que les enfants doivent être transportés assis et ceinturés dans le cadre du SATP, rappelait lors du séminaire Gaëlle Paternotte, de la DGITM. Les transports debout en lignes SRO doivent être exceptionnels, y compris dans les agglomérations. »

En termes clairs, le transport scolaire en SRO est donc illégal. Le ministère du Transport aurait promis d’étudier la question. Une solution pourrait consister à limiter la vitesse de ces véhicules sur les routes à 50 km/h ou d’imposer que le transport d’élèves s’effectue au minimum dans des véhicules de classe 2, c’est-à-dire équipés de ceintures pour chaque siège. Tout aussi inquiétante est l’ignorance de l’usage des bus Low Entry dans leur juridiction qui domine en 2017 chez les AO1: 51 %, contre 12 % seulement qui le font sciemment et 37 % qui s’y refusent.

Réduction des accompagnateurs

Reste encore la question des accompagnateurs. Garants de la sécurité des enfants, ils sont obligatoires dans le cadre des SATP. Mais leur coût est important, de l’ordre de 95 € par mois et par enfant pour Limoges Métropole, par exemple, et il n’est pas subventionné. Du coup, seules 30 % des agglomérations en assument le financement, note l’Anateep. Ce sont souvent des intercommunalités qui ont connu des incidents sérieux, voire des accidents mortels comme Limoges Métropole ou l’intercommunalité de l’Île de La Réunion. Les autres demandent à leurs AO2 d’inclure cette prestation dans l’offre de transport ou, si elles n’en ont pas, demandent à leurs communes membres de payer ou de mettre à disposition du personnel communal ou intercommunal pour remplir cette tâche. Ainsi, en 2017, 43 % des AOM refusent l’accompagnement, en hausse de 10 % par rapport à 2013, tandis que 41 % ne l’assurent que pour le transport des élèves de maternelle et environ 12 % l’imposent sur les SATP. Pourtant, la responsabilité en cas d’accident est pénale. Notons encore cette entorse au règlement qui se fait jour dans le cadre des SATP: de plus en plus de communes rurales qui financent des SATP ouvrent le service scolaire au public quand les véhicules de ramassage ne sont pas pleins.

L’Anateep en pare-feu

Face à cette évolution anarchique du transport scolaire, l’Anateep a démarré depuis 2016 une action d’adhésion directe des Autorités organisatrices de transport (AOT) régionales, urbaines, intercommunales et communales, afin de les faire bénéficier de ses conseils. Après Île-de-France Mobilités, adhérente depuis 2010, les régions Centre – Val-de-Loire, Bourgogne – Franche-Comté, Corse, Martinique, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et PACA ont adhéré. Au premier semestre 2018, les régions Rhône-Alpes-Auvergne et Grand-Est devraient suivre. Ces adhésions prouvent que les régions sont conscientes de leurs lacunes et de leurs difficultés en matière de transport scolaire. Elles ouvrent aussi des perspectives de réduction des coûts par le biais de l’usage généralisé des technologies que recommande l’Anateep. Lancée en 2013, l’intégration tarifaire qui, en s’appliquant de façon conjuguée à tous les modes en cours sur le département et la région, abaisserait les coûts des abonnements tout en augmentant l’attractivité des transports en commun reste ignorée de 66 % des agglomérations en 2017. Seules 4 % des agglomérations ont intégré leurs tarifs avec leur département et leur région. La numérisation du titre de transport, elle aussi source d’économie, fait mieux avec 84 % des agglomérations qui l’ont adoptée, mais elle côtoie encore les cartes en papier, ce qui en réduit le bénéfice. Dans la nouvelle organisation du transport scolaire en milieu urbain, les Autorités organisatrices de transport peinent donc encore à trouver le modèle économique rentable dont elles ont besoin pour maîtriser leurs coûts et offrir le meilleur service.

Auteur

  • Michel Grinand
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