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Transport léger de voyageurs: genèse d’une révolution

L’apparition de la société Uber a donné naissance à ce que l’on appelle l’« ubérisation » de l’économie, et l’émergence des plate-formes de réservation numérique, en un éclair, a révolutionné le monde des transports publics.

Taxis, VTC et chauffeurs Loti (Loi d’orientation des transports intérieurs) s’empoignent, dénigrant les avantages de leurs concurrents et faisant valoir leurs droits dans un vacarme assourdissant. « 10 000 emplois en danger », « On est bien mal lotis », etc. Leurs slogans ont fusé pour riposter aux taxis. Début février, place de la Nation à Paris, plusieurs centaines de chauffeurs, Loti et travaillant pour les plate-formes VTC, se sont rassemblées sous la houlette de Joseph François, président de l’association Alternative mobilité transport (AMT). Ils ont du mal à encaisser que les revendications des taxis aient été entendues avec bienveillance par Manuel Valls, le chef du gouvernement. Ce dernier a en effet annoncé un renforcement du contrôle des voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) et promis de faire du ménage parmi ceux qui exercent avec une licence de transport collectif (Loti). Les taxis l’ont alerté sur le fait qu’ils exerceraient des courses individuelles au mépris de la loi.

La chasse aux Loti

Matignon semble bien décidé à faire disparaître des milliers de véhicules des plate-formes de réservation par Internet. Depuis le 1er janvier 2015, un décret autorise pourtant les chauffeurs Loti à effectuer ces courses avec réservation préalable de « deux à dix personnes ». Par souci d’optimisation, les sociétés de VTC se sont donc ouvertes aux « Loti capacitaires », transporteurs publics routiers de personnes (TPRP) dont le statut est défini par la loi d’orientation des transports intérieurs. L’aubaine était porteuse de croissance. Leur but était double: élargir le nombre des conducteurs et réduire au maximum le temps d’attente des clients. À l’origine, ces plates-formes auraient aimé intégrer les taxis dans leur service. Mais le conseil constitutionnel s’y est opposé.

D’après plusieurs sources concordantes, certains chauffeurs Loti sont allés plus loin, acceptant de temps à autre des clients uniques, alors que la loi ne les y autorise pas. Les taxis ont alerté les pouvoirs publics contre cette dérive supposée, bien difficile néanmoins à quantifier.

La difficile tâche du médiateur

Cherchant à trouver un compromis, Matignon a nommé un médiateur. Le député socialiste de la Côte-d’Or, Laurent Grandguillaume, a été appelé à la rescousse pour mener des consultations avec les différents acteurs du transport individuel et les organisations de transport collectif telles que la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs). Habité, dans un premier temps, par l’envie de trouver rapidement une issue acceptable pour tous, le jeune parlementaire de 38 ans semble aujourd’hui moins pressé: « L’administration nous a d’abord demandé de formuler au plus vite des propositions pour faire évoluer la réglementation », d’après une source de la Fédération.

Les résultats d’une table ronde réunissant l’ensemble des acteurs le 26 février sont attendus (cet article a été écrit avant ce rendez-vous).

Entretemps, le ministère des Transports, sous la houlette d’Alain Vidalies, a envoyé des courriers à une vingtaine de sociétés de réservation de véhicules de transport avec chauffeur (Uber, Chauffeur-Privé, SnapCar, etc.). Il les pressait de retirer de ces plate-formes les Loti capacitaires, exigeant qu’elles vérifient si leur « plateforme ne comporte pas de mentions qui, notamment, révèleraient l’organisation d’un système de mise en relation pénalement prohibé », et rappelait que la licence Loti ou « capacité de transport routier de voyageurs », « ne permet, le cas échéant, que la réalisation de prestations dans les transports collectifs: elle n’autorise en aucun cas la réalisation de prestations de transports publics particuliers ». Dans cette lettre, le ministre indique que « les contrôles opérés par les forces de l’ordre révèlent un nombre croissant de prestations de transport public particulier, effectuées sans y être autorisées au moyen d’un véhicule de transport public collectif par des conducteurs présentant une capacité de transport routier de voyageurs ». Les sociétés de VTC ont eu jusqu’au 28 février 2016, au plus tard, pour fournir à l’administration le décompte exact des Loti travaillant pour elles.

Avant d’envisager des réformes, qui complèteraient la loi Thévenoud, Laurent Grandguillaume s’agite en coulisse pour que le seuil minimum de ces courses occasionnelles, qui autorise les transporteurs routiers de personnes à s’inscrire sur ces plateformes, passe à cinq passagers. La FNTV pourrait accéder à cette demande à la condition qu’il « y ait une équivalence VTC pour ces chauffeurs ». Cette contrepartie leur permettrait ainsi de ne pas avoir à se plier à l’examen et la formation préalables pour accéder au statut de VTC.

Un problème structurel

D’autres problèmes sont soulevés par ces mutations fulgurantes. Il y a d’abord la question des réglementations, différentes selon les ministères de tutelle: l’Intérieur pour les taxis, l’écologie pour les VTC et les Transports pour les Loti. Une cure d’harmonisation semble s’imposer pour faire converger les réglementations. Cette tâche pourrait relever de la gageure, car ces trois modes de transport jouissent d’avantages dont les autres aimeraient profiter.

La mission de Laurent Grandguillaume s’annonce périlleuse. En l’état, il n’est pas du tout écrit qu’il arrive à mettre d’accord l’ensemble des acteurs. Des milliers d’emplois sont en jeu. Une chose est néanmoins acquise: dans les années à venir, ces mutations vont profondément bouleverser le paysage français du transport de personnes.

Auteur

  • Xavier Renard
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