L’édition 2016 du salon d’Istanbul, en avril dernier, était dominée par une actualité technique: le passage du marché domestique à la norme Euro VI. En apparence, peu de nouveautés. Pourtant, à y regarder de plus près, des surprises attendaient les visiteurs. On a pu notamment redécouvrir des marques, un temps disparues, comme BMC.
Le marché turc, traditionnellement très cyclique, subit les affres des achats anticipés, un phénomène bien connu en France et en Europe de l’Ouest, lors du changement de norme. En effet, selon Isuzu Anadolu, le premier trimestre 2016 s’est soldé par une baisse des immatriculations de 22 % par rapport à la même période en 2015. Par contre, cela signifie aussi que les constructeurs locaux sont désormais parés pour produire et livrer toutes leurs gammes en Europe occidentale.
Une évolution à laquelle s’est préparé Cummins, très présent en Turquie: il met l’accent sur ses nouvelles motorisations ISB, avec fonctions stop and start, déjà vues à Busworld Courtrai 2015. Le motoriste est extrêmement puissant dans le pays, puisque nombre de constructeurs locaux (Temsa, Karsan, BMC, et, dans une certaine mesure, Isuzu Bus) ne fabriquent pas leurs ensembles mécaniques.
De même, un équipementier comme Allison Transmissions soigne sa présence à un salon comme Busworld: le marché turc est encore relativement ouvert, et Voith ou ZF n’y ont pas acquis des positions inexpugnables! Pour l’occasion, Allison Transmissions a d’ailleurs officialisé l’accord de la fourniture de boîtes automatiques T3325 xFE pour le constructeur Akia, une marque aux origines complexes, puisqu’elle est d’origine iranienne, mais établie industriellement en Turquie! Akia a révélé un mégabus appelé Metrobus, ressemblant étrangement à feu l’APTS Phileas par son style, son poste de conduite central et ses accès traversants. Mais ici, il n’est pas question de chaîne de traction hybride.
L’origine perse de la marque ne doit pas surprendre outre mesure: la délégation iranienne est la 4e en termes de visiteurs lors de cette 6e édition de Busworld. La fin de l’embargo est perçue comme un signal très positif pour les industriels turcs, les besoins d’autocars et d’autobus étant considérables en Iran. Une ouverture qui ne peut également que satisfaire Didier Ramoudt, président de Busworld International, qui souhaite ancrer le rendez-vous istanbuliote comme la place incontournable de la filière pour les pays du Moyen-Orient. Le nombre de visiteurs non ottomans est du reste passé de 14 % en 2014 à 16 % en 2016, selon l’organisateur.
Au salon 2016, nombre de conférences de presse des constructeurs ont révélé leur intérêt pour les marchés d’exportation. L’Europe de l’Ouest tient une large part des discussions, mais la Tunisie s’affiche de plus en plus, pour beaucoup de constructeurs turcs, comme une destination prisée à l’export. On notera également le retour surprise de BMC, visiblement très motivé par le marché des autobus urbains, tandis que Karsan et Evobus ont décidé de se faire désirer en boycottant l’évènement.
BMC a bien modernisé son modèle Procity avec ses baies basses, et s’est offert le luxe de présenter un concept bus à base de sièges baquets bicolores. Une référence au fait que conduire en ville s’apparente à du sport? Aucun autocar n’était en exposition, le constructeur semblant se concentrer sur le marché des autobus urbains. Ce n’est pas Otokar qui lui donnera tort! En 2016, il ne livrera pas moins de 100 autobus Kent C articulés à plancher plat intégral à Eshot, exploitant des transports de l’agglomération d’Izmir. Ils rejoindront les Vectio C qu’Otokar a déjà livrés à cette collectivité.
On notera aussi l’intérêt des marques locales pour les énergies non conventionnelles. Si l’on ne parle pas (encore) de pile à combustible en Turquie, l’intérêt pour les autobus au méthane (GNV), voire pour l’électrique (en particulier chez Temsa), n’est pas feint. Le GNV pourrait d’ailleurs vite se traduire par des réalisations très concrètes à destination des marchés d’exportation (en particulier l’Europe de l’Est). Il suffit pour cela de voir l’avancement de réalisations de ce type chez Otokar, Isuzu Anadolu et BMC. Arriveront-ils en France? Sur ce sujet, les réponses divergent selon les constructeurs, mais des surprises ne sont pas à exclure.
Les équipementiers, que ce soit pour les composants mécaniques (Allison Transmissions, Brist Axle, Voith, ZF, etc.) ou pour les équipements intérieurs (sellerie, climatisation) ont tous répondu présent, preuve de l’enjeu du marché turc pour ces fournisseurs. Brist Axle SRL apparaît comme une nouveauté, pour nous, européens de l’Ouest. Il s’agit en fait de la nouvelle raison sociale des activités liaisons au sol de Voith! La société, basée en Italie, fournit un grand nombre de constructeurs turcs, que ce soit pour les ponts rigides ou les essieux à roues avant indépendantes. Brist Axle a même des roues arrières indépendantes dans son catalogue! Voilà un équipementier à suivre.
L’actualité était dense du côté des carrossiers dans le domaine des minicars et minibus. Ainsi, EA Autocars devient importateur officiel Erener pour la France. Lors de ce salon, Éric Ammer, le directeur de la société (anciennement Omnibus Trading), a conclu un partenariat de cinq ans avec le carrossier turc Erener, représenté par Gazanfer Eren, son directeur général. La signature finale a eu lieu sur le salon Busworld, ce qui matérialise la conclusion de deux ans d’échanges entre l’entreprise lorraine et le carrossier de Bursa (ville du nord-ouest de l’Anatolie).
Désormais, EA Autocars distribue les gammes EFES (base fourgon) et Grande EFES (châssis auvent) sur bases Mercedes-Benz Sprinter, ainsi que Revolution sur bases Iveco Daily. Le distributeur bénéficie de la reconnaissance de ses véhicules sur bases Mercedes-Benz dans le réseau Omniplus en France, puisque l’entreprise achète ses châssis auprès de la filiale française d’Evobus et les fait carrosser chez son partenaire (également agréé, mais par Mercedes-Benz cette fois-ci).
À la demande d’EA autocars, l’entreprise familiale Erener a également développé des versions urbaines, ligne et scolaire de ses modèles traditionnellement typés haut de gamme. Éric Ammer ne s’est pas fixé d’objectifs commerciaux, mais il est optimiste pour l’avenir, sachant qu’en 2017, il pourra bénéficier d’une offre complète sur tous les segments de marché des minicars et minibus.
