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Véhicule autonome: des stratégies différenciées

Quelle sera la place du véhicule autonome dans l’offre de mobilité. Un temps présenté comme la solution universelle, il apparaît désormais comme une solution réservée à des cas d’usages bien précis. Son développement nécessite également de compléter les retours d’expérience, pour éviter de tomber dans le piège de la précipitation. En attendant, si certains observateurs ont l’impression que le véhicule autonome progresse à (trop) petite vitesse, d’autres rappellent que l’innovation passe aussi par des phases de maturation.

Keolis travaille sur le véhicule autonome depuis 2016, notamment à Lyon, où l’opérateur a été pionnier avec Navly: « C’est notre service phare, indique Schéhérazade Zekri, directrice des nouvelles mobilités à Keolis. La logique de cette ligne, c’est celle du premier et du dernier kilomètre, intégrée au reste du réseau de transport, comme le tramway. » Après l’ouverture d’un service similaire à Las Vegas en novembre 2017, Keolis a lancé une autre ligne à l’aéroport Roissy – Charles-de-Gaule, avec un croisement sur route ouverte. Et depuis le 15 novembre, c’est encore à Lyon que l’opérateur a mis en service une ligne autour du parc de l’Olympique lyonnais, avec le Sytral. « La complexité a été augmentée ici, poursuit Schéhérazade Zekri, puisqu’il a fallu faire passer les véhicules autonomes à travers un carrefour très dense. Cela nous a permis de développer notre apprentissage et notre capacité à rouler en voie ouverte. » Enfin, dans la même logique du premier et du dernier kilomètre, Keolis a lancé une ligne sur le campus universitaire de Rennes, intégrée au réseau Star.

Le modèle de Navya se base sur le principe de l’offre intégrée: « On combine un système de conduite autonome, un véhicule et des services de supervision ou de maintenance, explique Étienne Hermite, président du directoire de Navya. Le fait d’avoir combiné ces trois activités nous permet d’aller assez vite. On prend la direction d’un vrai niveau 4, c’est-à-dire sans safety driver, ce qui va complètement changer le paradigme. On se concentre là-dessus. »

Objectif interopérabilité

De son côté, Transdev expérimente le véhicule autonome depuis 2005, date du démarrage de son premier service à Rotterdam, entre une station de métro et une zone d’activité. « Depuis, on a accumulé les expérimentations avec une cinquantaine de projet qui nous ont permis de parcourir 1,6 million de kilomètres », ajoute Christine Peyrot, directrice du développement commercial des transports autonomes à Transdev. Une expérience qui leur permet aujourd’hui de se positionner en tant que gestionnaire de flotte de véhicules autonomes, incluant à la fois des navettes et des voitures, comme c’est le cas à Rouen sur la Technopole du Madrillet. Transdev travaille également en étroite collaboration avec EasyMile et Lohr. Un modèle original qui permet de faire progresser en parallèle l’industriel et l’opérateur. « On apporte 55 ans d’expérience en matière de transport industriel, avec des coûts maîtrisés. Le dialogue avec l’opérateur est permanent. Transdev et Lohr échangent en mode fablab », explique Antoine Herrmann, Export Business Developer chez Lohr.

Chez ZF aussi, l’expérience est conséquente en matière de VA et les chiffres donnent le tournis: « On l’a développé depuis une dizaine d’années, explique Thierry Métais, président stratégie et développement – nouvelles mobilités chez ZF. On a d’abord commencé par les capteurs. Le premier véhicule qu’on a commercialisé c’est un tracteur agricole. Aujourd’hui, on en est à 25 millions de kilomètres parcourus. » À tel point que le temps n’est plus à l’expérimentation, mais à l’opérationnel, et particulièrement à la fiabilité des véhicules: « Il faut qu’il soit disponible à 99,5 %. Quand j’entends des acteurs du secteur parler avec fierté d’une disponibilité à 90 %, je m’interroge. Sur une semaine de trajets domicile-travail, soit 10 déplacements, ça voudrait dire qu’un trajet n’est pas assuré. Compliqué, pour celui qui part travailler en transports et qui a besoin d’une fiabilité presque parfaite », insiste-t-il. Le transport, c’est d’abord des systèmes performants.

Automatisation et efficacité

Même constat pour Agnès Grisoglio, directrice de la MasS Transit Academy au sein de SNCF Transilien. « Il faut bien garder en tête que ni le MaaS ni le véhicule autonome ne pourront se substituer au transport massifié. Si le RER A n’existait pas, il faudrait une autoroute de 2x14 voies pour acheminer plus de 1 million de voyageurs chaque jour », assure-t-elle. Impressionnant, surtout quand on pense que l’A4-A86 fait partie des axes les plus congestionnés du pays… Pour autant, l’automatisation croissante de l’exploitation est à même de faire gagner encore de l’efficacité. Le réseau francilien devrait ainsi être en capacité de transporter 2 % de passagers supplémentaires chaque année.

Jean Coldefy, directeur du programme Mobilité 3.0 à l’association ATEC-ITS France et ancien responsable adjoint du service mobilité urbaine à la Métropole de Lyon, a lui aussi permis de remettre les choses en perspective: « La première question qu’on doit se poser sur le véhicule autonome c’est: à quoi ça sert? On a aujourd’hui des problèmes d’accès aux zones d’emploi des grandes agglomérations. Le vrai sujet, ce n’est pas les courtes distances mais les flux longue distance. Ce sont ces flux qui viennent saturer les réseaux routiers et les villes. » Et de rappeler que 80 % de la circulation du périphérique parisien n’est pas du fait des Parisiens eux-mêmes mais des habitants du périurbain. Et pour ces flux, le véhicule autonome peut apporter une partie de la solution: « Son intérêt, c’est le débit. On pourrait passer de 2 000 à 4 000 véhicules par heure et par voie d’autoroute. Ça ferait 16 000 personnes par heure et par voie si ces véhicules sont des bus autonomes, c’est très intéressant. Tout le monde s’inquiète de la vitesse faible mais ce n’est pas le vrai problème. Une vitesse modérée peut au contraire apporter davantage de fluidité », conclut-il.

Quels clients pour demain?

Pendant les expérimentations, les opérateurs ne manquent pas de recueillir l’avis des usagers des véhicules autonome. « On a interrogé plus de 1 000 personnes, indique Christine Peyrot, directrice développement commercial des transports autonomes à Transdev. Le taux de satisfaction est de 8,7/10. Les personnes évaluent davantage une nouvelle technologie qu’un vrai service de transport mais ça reste encourageant. Et le sentiment de confiance envers cette technologie est assez immédiat. »

« L’acceptabilité est un sujet très important, renchérit Schéhérazade Zekri, directrice des nouvelles mobilités chez Keolis. On a observé les mêmes choses que Transdev. Il faut passer outre l’effet wahou des usagers. » Keolis a creusé le sujet de l’acceptabilité dans 15 villes dans le monde. « La chose la plus intéressante est que les citoyens ont confiance envers les collectivités locales pour mettre en place les réseaux de transport de véhicules autonomes. » développe Schéhérazade Zekri. Plusieurs raisons expliquent cela: l’inclusion, l’équité sociale et surtout le fait que les citoyens ont plus confiance en la collectivité pour gérer les données qu’envers une entreprise privée.

Dans tous les cas, il est probable que les clients des VA de demain seront plus à chercher parmi les utilisateurs actuels des transports en commun que chez les automobilistes. Un point en légère contradiction avec le vieux fantasme de la voiture individuelle autonome. « Si on veut augmenter la sécurité en réduisant la liberté, on se trompe et on va fâcher les citoyens, juge Thierry Métais. C’est mieux de commencer avec les autobus. »

Reste la question du modèle économique, encore très floue. L’exemple du projet Mia, lancé en mars dernier, et dont le budget d’exploitation est financé par les employeurs de la ZAC des Gaulnes, sur laquelle circule la navette Mia opérée par Berthelet. « L’expérimentation, qui doit durer deux ans, vise à valider ce cas d’usage. L’investissement s’élève à 200 000 €, financés par le Grand Lyon et la SERL. Eiffage Energie Système s’est chargé de l’équipement des infrastructures, dont notamment les feux connectés. Le budget d’exploitation atteint quant à lui 480 000 €, financés majoritairement par Eiffage », expose Olivier Malaval, directeur régional Centre-Est chez Eiffage Energie &Systèmes.

Transpolis monte en puissance

Opérationnelle depuis janvier 2019, Transpolis est implanté à 45 km au nord-ouest de Lyon et à 30 km au sud de Bourg-en-Bresse sur la friche industrielle du camp des Fromentaux. Il s’agit de l’entrepôt de réserve générale de munitions (ERGMu) dit « de Leyment » créé en 1917 et désaffecté par l’armée en 2004. 320 km de fibre optique sont destinés à rendre l’infrastructure communicante avec, par exemple, des feux de signalisation connectés et l’annonce de la vitesse optimale pour éviter les arrêts aux feux. La ville-laboratoire est par ailleurs un site pilote national pour la 5G, technologie qui comprend des modes de communication dédiés à l’IoT, tant en bas débit qu’en très haut débit. Côté énergie, plusieurs megawatts sont prévus pour les systèmes de charge rapide des véhicules électriques.

Transpolis regroupe 14 actionnaires (Adetel group, Aixam, Berthelet, Caisse des Dépôts, Colas, Eve System, Fédération française de la carrosserie, Groupama Rhône-Alpes – Auvergne, Hikob, Ifsttar, Renault Trucks, Syndicat des équipementiers de la route, Vibratec, Vicat), huit partenaires technologiques majeurs (Objenious, Bouygues Telecom, Ericsson, Acome, IPG Automotive, Selus, Lacroix City, Sensys) et bénéficie du soutien financier d’acteurs publics (DGE, région Auvergne – Rhône-Alpes, département de l’Ain, communauté de communes de la plaine de l’Ain, métropole de Lyon).

« À la demande du Sytral, nous avons reproduit le parcours entre le terminus de tram et le stade de l’Olympique lyonnais. On a travaillé sur des scénarios critiques avec Keolis, et testé la navette pour qu’elle soit opérationnelle le jour J, explique Stéphane Barbier, directeur du développement de Transpolis.

De plus en plus de collectivités nous sollicitent pour adapter les infrastructures de manière à accueillir un véhicule autonome. »

Auteur

  • Olivier Hielle
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