Si beaucoup d’autocaristes se sont mis à l’aérien, ils n’en ont pas pour autant oublié l’autocar. Combiner les deux sur certaines destinations présente des avantages… mais aussi des contraintes. Bus & Car les a mis sur les deux plateaux de la balance.
Un autocar, c’est fait pour rouler! Ce n’est pas monsieur de La Palice qui nous contredirait. Ce mode de transport a connu ses heures de gloire touristique, avant que l’aérien ne vienne le détrôner. Les autocaristes n’ont souvent pas eu d’autres choix que de s’adapter. Ils ont ainsi étoffé leurs offres de destinations plus lointaines. Conséquence: le tourisme en autocar a diminué, même si les véhicules continuent à sillonner les routes d’Europe, et restent un maillon essentiel de la chaîne touristique.
Si les autocaristes ont été contraints de se mettre à l’aérien, il n’était pas question pour autant de “lâcher” leur précieux outil de travail. De là à proposer la combinaison des deux modes de transport sur un même voyage, il n’y avait qu’un pas. L’idée a rapidement pris forme chez quelques professionnels, et la formule “car + avion” s’est taillé une place de choix dans les brochures.
En quoi consiste exactement le combiné “car + avion”? Deux types de pratique le caractérisent. Il y a tout d’abord le voyage mixte. Il s’agit d’effectuer un aller en car, et un retour en avion pour un premier groupe et l’inverse pour le second. C’est le système le plus classique.
Il y a aussi le voyage avion + autocar. Dans ce cas, l’autocariste positionne son véhicule et son équipage francophone (conducteur, guide, accompagnateur) dans le pays visité, plutôt en Europe. Périer Voyages (basée à Lillebonne en Seine-Maritime) a pratiqué ces formules durant plusieurs années à destination du cap Nord et de l’Autriche. Anne-Sophie Lecarpentier, responsable de la production autocar: “Il faut être sûr de son coup lorsqu’on met en place le concept, car on peut risquer gros. Prenons par exemple le nombre de participants. Si vous en avez 40 sur le premier voyage, et qu’ils ne sont que la moitié sur le second, votre rentabilité est forcément mise à mal”. L’entreprise normande préfère désormais affréter ponctuellement un autocar sur place, mais n’a pas abandonné pour autant le principe. Elle applique le “car + avion” pour le carnaval de Nice chaque année en février. “Les clients partent en autocar et reviennent en avion, explique-t-elle. Ils apprécient cette formule qui, à l’aller, leur permet d’apprécier les régions traversées, en sachant qu’ils n’auront pas à le faire une seconde fois, et qu’ils seront plus vite de retour chez eux”. Ces clients ne seront pas non plus indifférents au fait de trouver sur place l’autocar de l’entreprise. “Cela leur apporte un certain confort d’esprit, c’est rassurant. C’est aussi bénéfique pour l’image de la société”, soulignent les autocaristes interrogés.
Mais la formule ne connaît pas toujours un tel engouement. Si les clients voyagent en autocar, c’est souvent qu’ils sont allergiques à l’avion, ou inversement. Remplir le voyage, c’est bien là le souci. Pour les professionnels, cela devient un véritable casse-tête, car tout repose forcément sur une estimation du volume à mettre en place.
“À moins d’avoir un noyau dur de clientèle, le “car + avion” ne peut pas marcher, affirme Michel Ronfaut, chef de production chez Faure Tourisme à Grenoble en Isère. On sait bien aujourd’hui que les clients ont tendance à privilégier l’avion, surtout avec l’expansion des vols charters”. C’est une des raisons qui a conduit l’entreprise à abandonner le principe du voyage mixte, qu’elle avait mis en place durant cinq ans.
Et ce n’est pas la seule. Michel Ronfaut évoque également l’aspect financier, les problèmes d’exploitation, ou le relationnel avec les compagnies aériennes: “Les engagements et les conditions d’annulation sont devenus trop draconiens”. Pour Dominique Schorr, responsable de la production autocar chez Salaün Holidays, dont le siège est basé à Pont-de-Buis dans le Finistère, l’aérien n’est pas sans poser de problème: “Si sur les allotements pris, il n’y a pas assez de monde, le voyage est annulé. Pour les places invendues, il n’y a pas de solution, et la programmation est totalement remise en cause”.
Cela fait maintenant une dizaine d’années que le TO breton propose en brochure la formule “car + avion” vers l’Italie, le Portugal, l’Andalousie, le cap Nord et dans une moindre mesure le Tyrol. L’autocar est mobilisé sur le pays environ deux à trois mois, avec des rotations aériennes sur huit jours. “C’est un système qui coûte très cher, et qu’il faut répercuter dans le prix du voyage”, poursuit-il. Et tout se calcule, comme par exemple le temps d’immobilisation d’un véhicule ou encore les éventuels trajets à vide. Mais pour l’entreprise, l’objectif est de faire rouler ses autocars, “tout en valorisant l’image de ce mode de transport auprès de la clientèle”, glisse Dominique Schorr. Pour ce faire, Salaün Holidays n’a pas hésité à lancer le concept "Royal Class", l’équivalent des business class aériennes pour offrir aux passagers un confort optimal (fauteuils inclinables jusqu’à 65o, espace d’environ un mètre entre les sièges, etc.).
C’est aussi pour mettre en avant l’autocar que Michel Voyages (Chauffailles, en Saône-et-Loire) propose la formule depuis une dizaine d’années sur l’Irlande, le cap Nord, la Grèce et la Bulgarie. “Nous utilisons des Volvo 9700, des véhicules de grand standing disposant d’un plancher incliné, indique Annie Chevret, responsable de la production autocar. Nous y associons un équipage propre à l’entreprise”. Un équipage avec des contraintes d’ordre social qu’il faut aussi apprendre à gérer. “Le personnel roulant est soumis à une législation, il faut la respecter, poursuit-elle. Les plannings des conducteurs sont définis en conséquence, mais nous pouvons être amenés à faire appel à un autocariste local si nécessaire pour ne pas être en infraction. C’est un coût supplémentaire dont il faut tenir compte”.
Faire du “car + avion” n’est finalement pas si simple. Même les professionnels qui pratiquent la formule s’accordent à lui reconnaître une réelle complexité. “Il ne faut pas commettre d’erreur, et minimiser les risques. Cela demande une gestion rigoureuse pour que tous les éléments de la combinaison, législatifs, matériels ou humains, s’ajustent dans les meilleures conditions”, souligne Annie Chevret qui, chaque année, relève le défi de proposer en brochure une nouvelle destination sous cette formule. Mais si cela a plutôt bien fonctionné à une certaine époque, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.
Quelques professionnels maintiennent toutefois ce type de programmation, “parce qu’il y a encore une clientèle pour ce produit”, quand d’autres réfléchissent à des évolutions possibles. “La formule plaît aux groupes, souligne Laura Thual, chef de produits au sein de National Tours à Rennes. Cela crée une certaine convivialité dès l’aller en autocar, contrairement à un voyage “tout avion”, plus anonyme”. Le réseau, qui dessert l’Andalousie, le Portugal, l’Italie, l’Autriche, et la Scandinavie en “car + avion”, positionne un ou deux véhicules selon la destination.
“À l’heure où le voyage en autocar est quelque peu mis à mal, conclut Annie Chevret, je pense qu’une telle formule apporte une vraie valeur ajoutée à ce mode de transport, et surtout conforte sa place dans le maillon de la chaîne du voyage”.
