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Marseille: sortie de route pour NAP

Au printemps dernier, NAP Tourisme avait raflé au tandem Transdev/Kéolis l’exploitation de la ligne reliant l’aéroport de Marignane à la gare Saint-Charles. Réputée comme la plus rentable de France, cette ligne n’a visiblement pas apporté les bénéfices escomptés par l’autocariste aubagnais, qui préfère jeter l’éponge après moins d’un an d’exploitation. Splendeur et misère d’un outsider qui a peut-être trop présumé de ses capacités.

Rien ne va plus chez NAP Tourisme. Depuis novembre 2018, l’autocariste fait l’objet d’une restructuration en profondeur, menée par le cabinet parisien PMA Corporate Restructuring, spécialiste de la gestion de crise. À sa tête, Christophe Béranger, mandaté par les nouveaux actionnaires de NAP Tourisme (Connect Pro, BNP Paribas Développement, bpifrance). Ce « cost killer », qui supervise le redressement de douze entreprises simultanément dans l’Hexagone, a aussitôt succédé au président de NAP, Thierry Pourchon, débarqué avec pertes et fracas. Contacté par Bus&Car, Christophe Béranger n’a pas souhaité s’exprimer quant à la restructuration en cours de cette entreprise de 200 salariés.

Les nouveaux actionnaires, qui annonçaient en 2017 vouloir doubler le chiffre d’affaires de l’entreprise en cinq ans (pour passer de 17,3 M€ en 2016 à 32 M€ en 2022) et la hisser au rang d’entreprise de taille intermédiaire, se retrouvent confrontés à une crise. Le groupe se sépare des agences de voyages de Gardanne, de Plan-de-Campagne et ferme le dépôt du Rove (7 000 m2). Il pourrait aussi se défaire de celui de Lançon (10 000 m2). Selon nos sources, les difficultés financières de l’entreprise pourraient conduire le management à mettre en place un plan de sauvegarde. L’entreprise serait au bord du dépôt de bilan.

En effet, depuis plusieurs mois, NAP Tourisme accumule les coups durs dans la ligne régulière, incitant PMA Corporate Restructuring à tourner le dos à cette activité (qui pèse tout de même 70 % du chiffre d’affaires) et à se repositionner dans le transport touristique.

Marchés perdus et dénoncés

En septembre 2017, premier revers. NAP Tourisme perd le service de transport scolaire de la Côte Bleue, au bénéfice de la RDT13, sans mise en concurrence. Quelques mois plus tard, elle se fait doubler par Suma sur Marseille-Cassis. NAP, qui opérait cette ligne régulière depuis 2004, accuse le coup (800 000 € par an de perdus). Par ailleurs, au printemps prochain, trois lignes (15, 16, 17), aujourd’hui exploitées par NAP, feront l’objet d’une nouvelle mise en concurrence. Le vainqueur sera connu en septembre. En jeu? 25 autocars et un marché supérieur à 2 M€ par an.

Des dérapages dans la gestion des lignes régulières de voyageurs auraient été observés incitant le nouveau management de l’entreprise à dénoncer certaines lignes. C’est le cas de la Ligne 25, service Miramas-Salon-Aix-en-Provence, effectué en sous-traitance pour le compte de Car Postal. Dénoncé en septembre, ce service interurbain cessera en juin 2019, pour être repris par Suma. Là encore, c’est un marché de 2 M€ par an qui s’évanouit pour NAP.

Novembre 2018: nouvelle réduction de la voilure. Après seulement huit mois d’exploitation de la navette aéroport-gare de Marseille Saint-Charles (L91), l’entreprise signifie alors à la métropole Aix-Marseille Provence (AMP) son souhait de ne pas reconduire le contrat. NAP se retire afin d’éviter le crash.

L91, jugée non rentable par les nouveaux actionnaires de NAP

NAP Tourisme avait emporté ce marché (3 M€ par an sur quatre ans, renouvelable chaque année) de haute lutte en février 2018, face aux poids lourds du secteur en serrant les prix. Certains diront que les moyens matériels déployés n’étaient pas en adéquation avec l’exploitation de la ligne à haut cadencement sur un axe extrêmement fréquenté. Une stratégie dont elle fait les frais, puisque selon nos sources, NAP perdrait chaque mois plusieurs dizaines de milliers d’euros. Visiblement, la ligne réputée « la plus rentable de France » bénéficie davantage à l’autorité organisatrice de transport qu’à l’exploitant!

Sur ce segment hautement concurrentiel, la PME avait-elle les reins suffisamment solides pour se frotter aux grands groupes sans rogner dangereusement sur ses marges? Du côté de la commande publique, rappelons que la métropole avait retenu l’offre la moins-disante. Une offre anormalement basse, selon les experts, sans que cela n’éveille les soupçons de l’autorité organisatrice chargée des transports. Cette dernière avait modifié la nature du contrat, passant d’une délégation de service public sécurisante pour le délégataire à un simple marché, entraînant une certaine instabilité juridique. Contactés, les services de la métropole refusent de s’exprimer sur ces questions, un nouvel appel d’offres étant en cours.

Nouveau contrat de 21 M€ sur cinq ans

À présent, la collectivité rectifie le tir. Un nouvel appel d’offres a été lancé le 30 décembre 2018 imposant des critères d’accès au marché plus stricts. Pour répondre, le candidat doit « réaliser un chiffre d’affaires annuel de 8,40 M€ HT », précise le document. Cette fois-ci, la durée du contrat a été portée à cinq ans afin de permettre à l’autocariste d’investir. Une flotte neuve d’autocars grand tourisme étant exigée. Dans ce nouvel appel d’offres, le nombre de trajets quotidiens a été porté de 124 à 200. Cette augmentation sensible de la fréquence (30 %) permettra à l’aéroport Marseille-Provence de proposer un départ toutes les 10 minutes au lieu de 15 minutes actuellement en heure de pointe (matin/soir).

La date limite du dépôt des offres a été fixée au 31 janvier dernier. À présent, les services de la métropole vont s’atteler à examiner les dossiers. Le nom du vainqueur sera connu mi-mars pour un démarrage du nouveau service le 6 mai 2019. L’adjudicataire remportera alors un marché avoisinant les 21 M€ (une fourchette de 10,5 à 42 M€) sur la période. En parallèle, cette année, le marché de la ligne 37 reliant Marignane au quartier d’affaires Euroméditerranée, actuellement opérée par Suma, doit être renouvelé. Les opérateurs attendent la publication de l’appel d’offres de cette deuxième boucle.

Une chose est sûre, l’arrivée de l’Hyperloop censé relier Marseille à son aéroport en 72 secondes n’est pas pour demain. Et il faudra encore s’armer de patience pour parcourir les 25 km qui séparent les deux infrastructures. Si les voies dédiées aux autocars se développent sur le réseau autoroutier, la desserte de l’aéroport demeure encore un des principaux points noirs de la métropole.

L91, vitrine des transports en commun de la métropole

9,4 millions de voyageurs ont foulé le tarmac de Marseille-Provence en 2018, positionnant la plateforme au quatrième rang des aéroports régionaux (+ 4,3 % de fréquentation). La part des transports collectifs progresse de manière continue. 1,5 million de passagers ont pris les transports en commun en 2018 (+ 7,7 %). Ils devraient être 2 millions en 2020.

« Chaque jour, 4 300 passagers prennent les transports en commun pour rejoindre Marseille, soit un passager sur six en 2018 contre un sur sept en 2017. Notre ambition étant de voir la part modale passer de 16,8 % en 2018 à 20 % en 2020 », annonçait, en janvier dernier, le directeur marketing de la plateforme aéroportuaire, Julien Boullay.

Sur 1,5 million de voyageurs ayant emprunté les transports collectifs, la seule ligne routière entre l’aéroport et la gare Saint-Charles concentre un million de passagers. Cette fameuse L91, générerait chaque année, selon nos sources, entre 500 000 € et un million d’euros de recettes pour la collectivité. Un montant jalousement gardé secret par la collectivité.

En huit ans, la fréquentation de la L91 a doublé, portée par la dynamique de l’aéroport (21 nouvelles dessertes aériennes pour 2019) et les incitations au report modal. Compte tenu de son importance et des enjeux qu’elle représente en termes d’amélioration de l’expérience voyageurs, la ligne fait l’objet de toutes les attentions, à la fois de l’aéroport et de la métropole.

Cette navette routière est également hautement convoitée par les autocaristes. Pas étonnant non plus que cet axe structurant de la métropole Aix-Marseille intéresse Transpod. La société canadienne a inclus cet axe dans sa stratégie française de déploiement de l’Hyperloop à 1 000 km/h. Pour les Marseillais, piégés matin et soir dans les bouchons de la départementale 20, ce projet s’apparente plutôt à une galéjade!

Auteur

  • Nathalie Bureau du Colombier
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