Difficile pour les collectivités martiniquaises de faire évoluer les transports publics. Une myriade de taxis collectifs occupe le terrain, opposant une vive résistance à l’organisation des appels d’offres. Face au poids de l’histoire, le tramway pourrait être l’élément déclencheur qui propulsera l’île vers la modernité.
“Le transport est un enjeu fondamental pour le développement de l’île, tant sur le plan socio-économique que sur celui de l’aménagement durable. La modernisation des déplacements figure au cœur des préoccupations”. Ainsi s’exprime le conseil général, en charge les transports interurbains sur l’île de la Martinique. Mais au-delà des déclarations, qu’en est-il du terrain? Pas grand chose, en vérité. En application des dispositions légales de la loi Sapin, comme ailleurs, le conseil général a en effet lancé en 2006 une procédure d’attribution des services de transports interurbains de personnes. Mais celle-ci a été déclarée sans suite, après que seuls trois transporteurs ont fait acte de candidature. L’une d’elles est arrivée hors délai, alors que les deux autres ne répondaient pas aux critères énoncés dans l’avis!
La situation reste donc en l’état. Avec des transports interurbains assurés en totalité par les taxis collectifs. Ils sont près d’un millier (presque autant d’exploitants) à sillonner les routes de l’île, principalement avec des véhicules de neuf places, même si, depuis la loi Sapin, la licence d’exploitation qui leur est attribuée, n’a plus de valeur juridique. En fait, si leur nombre a tendance à diminuer, c’est uniquement en raison des départs à la retraite des chauffeurs, indépendants pour la plupart, et surtout, de l’augmentation sensible du taux d’équipement en automobiles de la population.
La prédominance de ce mode de transport a diverses explications. Les taxis collectifs ont correspondu à une certaine époque du développement social. Dépendants des mairies, ils ont bénéficié d’un réel appui politique. Et en tant que gros consommateurs de véhicules, ils ont aussi joué, jusqu’à ces dernières années, un rôle économique indéniable pour l’île. Enfin, le pouvoir de nuisance que peut exercer cette profession jusqu’à présent fort bien organisée, est réel.
Pourtant, aujourd’hui, leur position se trouve fragilisée. D’abord, parce que les crédits accordés par les banques aux particuliers pour acquérir des voitures neuves a provoqué une explosion de l’équipement des ménages. Ensuite parce que la hausse du prix de l’essence a rendu l’exploitation des taxis collectifs un peu moins juteuse. Enfin, parce que les autorités administratives ont mis la pression sur ces artisans, histoire de régulariser la situation. Pourtant, à ce jour, le transport interurbain leur appartient, alors que les autocaristes engagés dans l’activité touristique n’ont aucune implication dans les transports réguliers.
Ayant pris acte de cette situation, le conseil général a décidé de mettre fin à la procédure de délégation de service public et de s’autoriser à signer avec les transporteurs individuels ou réunis en groupement, des conventions qui intégreront des obligations de service public minimales, telles que le respect des horaires, ou les services du soir et du week-end. En contrepartie, il envisage de mettre en place des mesures fortement incitatives au regroupement et à la mise en commun des moyens de ces micro-entreprises (aide au regroupement, assistance technique…). Le maillage se fera par communes et par secteur.
Autre axe fort, l’action envisagée pour mettre en place un système de billetterie, afin que, le cas échéant, ces structures puissent bénéficier de compensations financières en cas de pertes d’exploitation pour cause de service public. Des mesures qui ont pour corollaire un contrôle plus strict des nombreuses pratiques qualifiées de déloyales par les autorités (racolage, travail illégal, etc.) et jusque-là peu sanctionnées par les forces de police. Cette politique pourrait s’accompagner d’un délai supplémentaire de cinq ans avant une nouvelle mise en concurrence des professionnels.
De leur côté, les services de ramassage scolaire fonctionnent assez classiquement. Environ 450 véhicules circulent à travers 128 circuits, pour environ 26 000 élèves transportés quotidiennement.
En attendant de démêler l’écheveau complexe des taxis collectifs de l’île, le conseil général poursuit ses efforts pour la doter des équipements complémentaires au transport. Il s’est engagé dans la construction de sept gares routières (Basse Pointe, François, Sainte-Anne, Diamant, Morne Rouge, Fort-de-France et Sainte-Luce) pour un montant de 34 millions d’euros. Figurent également au menu, la gare mixte, routière et maritime de Valable aux Trois-Ilets, qui doit démarrer sous peu, le centre multimodal de Fort-de-France, la mise en place de 651 points d’arrêt (dont 532 équipés d’abris voyageurs), et la construction de 24 appontements dans différentes communes.
Le transport maritime apparaît en effet comme l’une des solutions pour pallier l’asphyxie du réseau routier, notamment dans la baie de Fort-de-France. Dans le domaine scolaire, une expérimentation de subventions du transport des jeunes est régulièrement reconduite depuis 2006.
L’une des évolutions les plus significatives pourrait être la définition d’un périmètre unique de transport de la Martinique, et la création d’une autorité organisatrice unique qui se substituerait à l’ensemble des structures existantes.
Ce modèle se grefferait sur l’actuel syndicat mixte du transport en commun en site propre (TCSP), en charge du projet de tramway entre Fort-de-France, Place Mahault et Carrère. Celui-ci réunit déjà le conseil régional, le conseil général et la communauté d’agglomération du Centre de la Martinique (Cacem).
Cette idée vient d’être validée par les élus du conseil général lors de l’assemblée plénière de fin 2007. Il est vrai que sa concrétisation est facilitée par le fait que sur l’île, la totalité des communes adhère à l’une des trois communautés d’agglomération: Centre Martinique, Nord Martinique et Sud Martinique. Il suffirait donc que ces deux dernières, après avoir défini leur territoire, rejoignent le socle déjà formé par le syndicat mixte du TCSP.
C’est la chambre de commerce qui pilote le projet à Fort-de-France, et les travaux devraient être livrés bientôt. L’idée est de créer dans les îles des petites Antilles des plateformes inter-régionales pour les passagers. Elles concerneraient dans un premier temps la Guadeloupe (chef de projet), la Dominique, la Martinique et Sainte-Lucie. Ultérieurement, une dizaine de ports de la Caraïbe serait concernée. Ce projet rejoint un autre plan de relance touristique, dans le domaine de la croisière cette fois, en collaboration avec les compagnies regroupées au sein de la Florida Caribbean Cruise Association.
Pour les transports inter-îles, les travaux sont bien engagés. La gare maritime comportera trois zones: une zone d’accueil avec un hall de 620 m2, une zone départ au nord de 400 m2, une zone arrivée au sud de 884 m2, avec un parking de 300 places.
