Les autocars euro 4 sont sur la route depuis plus d’un an. Cela qui permet de tirer les premières leçons de terrain des moteurs SCR et EGR. Après les promesses des constructeurs, voici les constats des transporteurs.
Euro 4 constitue une première dans l’histoire des normes anti-pollution. Fait inédit, elles ont provoqué l’affrontement entre deux technologies pour atteindre les sacro-saintes limites d’émissions: l’EGR et le SCR (voir encadré). Il s’agit en réalité de deux philosophies technologiques bien distinctes. La première, soutenue par Man et Scania, n’engendre aucun changement dans les habitudes des transporteurs. En revanche, la seconde, choisie par tous les autres motoristes, impose l’utilisation d’AdBlue. En contrepartie, une baisse significative de la consommation doit être au rendez-vous, alors que le maintien des performances est promis avec l’EGR.
Cette guerre des technologies a-t-elle profité à un des deux camps sur le marché français? Man et Scania ont sans doute misé sur une certaine réticence des transporteurs à s’imposer l’AdBlue. Les chiffres ne plaident pourtant pas en faveur de cette hypothèse. Avec Irisbus et Evobus comme ténors du marché hexagonal, c’est le SCR qui sort grand gagnant. Néanmoins, chez les constructeurs qui proposent deux types de motorisations, on remarque une préférence à la simplicité. “La motorisation Man a traditionnellement été majoritaire chez nous. Mais depuis le passage à Euro 4, la part des Daf (SCR) s’est réduite encore plus significativement”, assure Christian Voilot de Van Hool France. Le discours est plus nuancé chez Dietrich Carebus, qui propose au choix du Man (EGR), du Daf et du Cummins (SCR) sur certains modèles d’autocars Temsa. “Certains clients sont clairement hermétiques à l’AdBlue. Mais d’autres n’hésitent pas à s’initier à cette contrainte pour bénéficier d’une consommation tout de même meilleure”, concède Georges Schiellein, directeur général de Dietrich Carebus.
Encore une parole de constructeur. Mais qu’en est-il sur le terrain? Le SCR ne fait visiblement pas mentir ses promoteurs. Les autocars équipés de ces moteurs sont moins gourmands que ceux fonctionnant à l’EGR, et puisent moins dans leur réservoir que les modèles identiques en Euro 3. “Mes nouveaux Recreo consomment entre 22 et 23l/100 km. Les Euro 3 se situent entre 26 et 27l/100 km. Même en ajoutant le prix de l’AdBlue, il reste de la marge. Le gain est réel et significatif, surtout avec l’évolution actuelle du prix du gazole”, témoigne Vincent Dumont, directeur général des Voyages éponymes. En revanche, il est moins évident de comparer les consommations entre les deux technologies, car les modèles ne sont pas identiques. “Nous l’avons fait avec notre Man Lion’s Top Coach et notre Setra 417 HD. L’avantage est assez net pour le Setra avec une consommation inférieure de près de 9 %. Mais, il existe aussi une importante différence de tarif entre les deux modèles, ce qu’il ne faut pas négliger”, précise-t-il.
Visiblement, en ces temps de pétrole cher, la pertinence économique plaide plutôt en faveur du SCR. L’EGR de son côté attire plutôt pour une de ses qualités les plus vantées par Man et Scania: sa simplicité. “Nous avons très peu de véhicules utilisant de l’AdBlue en parc. Nous avons volontairement orienté notre renouvellement vers des motorisations Man pour éviter cette contrainte. Les seuls modèles SCR que nous possédons sont des Setra de grand tourisme avec des conducteurs attitrés. Ils sont responsables de la gestion de l’AdBlue, cela évite les complications”, témoigne Jean-Baptiste Maisonneuve, directeur général des Voyages Maisonneuve. La problématique du contrôle du niveau d’AdBlue est assez centrale. Elle peut même conditionner la politique d’achat. “Pour les autocars de grand tourisme, je privilégie le système EGR. Il ne faut pas que les conducteurs aient à se soucier de l’AdBlue quand ils traversent l’Europe”, souligne Vincent Dumont.
L’appréhension de ce nouveau produit par les conducteurs est également importante. Il serait exagéré de parler de formation, mais la sensibilisation à l’utilisation et à la gestion de l’AdBlue a été une réalité dans de nombreuses sociétés. “Nous avons décidé de nous concentrer sur le SCR. Nous nous sommes appuyés sur notre moniteur en entreprise pour sensibiliser les conducteurs à l’importance de bien contrôler le niveau d’AdBlue. Il y a également des affichages rappelant cette nécessité dans les véhicules”, souligne Philippe Girardot, co-gérant des Autocars Girardot. Le fait de rouler sans AdBlue n’est pas pénalisant pour le transporteur sur les premiers modèles Euro 4. Il en résulte néanmoins un accroissement des émissions. “Mais la donne va changer avec les nouveaux modèles, qui intégreront un système de limitation de puissance moteur lorsque le réservoir d’AdBlue est à sec. La sensibilisation en deviendra d’autant plus importante”, prévient Paul Royer, Pdg des Autocars Royer. La familiarisation avec l’AdBlue deviendra d’autant plus importante à l’approche de l’échéance Euro 6, en 2013. Il est fort probable qu’il sera nécessaire de marier les deux technologies pour répondre aux canons européens.
• EGR: principe de recirculation des gaz d’échappement. Une partie en est prélevée en amont de la turbine du turbo compresseur, pour être refroidie aux alentours de 200 oC au travers d’un échangeur thermique. Le tout est ensuite mélangé en aval du radiateur, à l’air d’admission comprimé.
• SCR: traitement des gaz en post-combustion. Une quantité d’AdBlue est injectée dans les gaz d’échappement avant qu’ils soient recrachés à l’air libre. Cela provoque une réduction des émissions polluantes.
