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Covoiturage: un modèle économique introuvable?

“Croire que les Français basculeront de la voiture au transport public sans un avantage en temps de parcours ou en coût relève de la pensée magique”.

 

Dans leur tribune publiée il y a deux semaines dans Le Monde, Yves Crozet et Jean Coldefy, à leur habitude, disent les choses de manière "cash". Au cours des dernières décennies, un report modal massif de la voiture vers les transports publics - les transports collectifs au sens strict - a été observé dans les centres-villes, grâce aux politiques volontaristes menées par les collectivités locales à partir de la grande loi d'orientation des transports intérieurs de 1982. Concrètement, c'est à partir de la fin des années 1980 et le début des années 1990 que des efforts considérables ont été réalisés et parmi les plus spectaculaires, on peut noter évidememnt le retour du tramway dans nos villes. Si à l'origine de ce renouveau du tram, on trouve une initiative du secrétaire d'Etat aux transports ( du gouvernement de Jacques Chirac), Marcel Cavaillé, en 1975, s'adressant aux maires de 8 villes, Bordeaux, Grenoble, Nancy, Nice, Rouen, Strasbourg, Toulon et Toulouse, en leur soumettant un "cahier des charges" pour promouvoir des matériels, "comparables à des tramways modernes", c'est probablement avec le tramway de Nantes qu'un basculement s'est opéré, en 1985, en faveur de cette modalité très particulière de transport en site propre- tout un système en fait, incluant de la requalification des espaces, de la standarisation, etc.

Un indice de performance déjà présent à l'origine.

Les tramway ont  permis d'améliorer les temps de parcours des transports collectifis et en même temps de pénaliser ceux de la voiture. "Ce fut un succés, souligne les auteurs de la tribune, le trafic routier dans les centres-villes a été divisé par deux". Toutefois, l'impact en termes de réduction des émissions a été modeste, parce que cela ne concernant que 15% de la population française, laquelle faisait déjà peu de kilomètres. Or, et c'est le cas aujourd'hui, la plus grosse partie des émissions liées à la voiture dans les. déplacments du quotidien proviennent des flux du périurbain vers les centres urbains. "Selon une note de l'Insee, de plus en plus d'actifs des zones urbaines, précise-t-il n'y habitent pas et parcourent en voiture des distances de plus en plus longues, hors de portée du vélo". Et d'ajouter: "pour ces flux, hormis en Ile-de-France, l'offre de transports collectifs est trois à quatre fois inférieure à la demande".

Dès l'origine, on sait, par conséquent, que les efforts fournis bénéficieront principalement à la population de ces agglomérations- les hyper-centres urbains de nos métropoles en offrent une illustration parfaite -, et par conséquent bénéficieront principalement à la population qui dispose de plus de moyens, et donc très paradoxalement engrenge ainsi un second bénéfice: une offre de transport adaptée et peu chère. contrairement aux populations plus modestes qui vivent à l'extérieur de ces agglomérations et ne bénéficient pas d'alternative satisfaisante. 

Curieusement, l'extension des périmètres de compétence de ces collectivités, n'a pas réellement inverser le courant; sans doute parce que les populations les plus modestes ont continué à s'éloigner des villes à cause du renchérissement des biens immobiliers ou de considérations plus personnelles du type, "ville à la campagne" ou aspiration pavillonnaire. 

Hors les transports collectifs sont précisément difficiles et onéreux à mettre en place dans les zones les moins denses. Celles où l'idée de développer du court coiturage a été développée avant de faire son entrée dans la loi d'orientation des mobilités (LOM). Avant d'en venir à ce point, il faut achever la présentation de la tribune de Yves Crozet et Jean Coldefy en évoquant la piste qu'ils proposent: ce sont sur les liens entre centres-villes et périphérie métropolisée qu'il faut procéder à une considérable augmentation de l'offre de transports collectis, ce qu'on appelle parfois un "choc d'offre".

Pour les auteurs, miser sur le tout ferroviaire est une erreur, compte tenu de son coût élevé, et des problèmes d'infrastructures dont la résolution prendrait des décennies. Pas le temps d'attendre et pas les moyens. C'est là qu'ils rejoignent la proposition faite par François Durovray, consistant à développer des liaisons express, à l'aide d'autocars, beaucoup plus faciles à déployer, beaucoup plus faciles à remplir et beaucoup moins chers.

On peut pas être supris par le constat. Il s'inscrit dans l'évolution de notre urbanisme, et dans l'échec des politiques souhaitant coordonner la construction et l'offre de transport. Autrement, l'"échec, sur ce terrain, de la loi de solidarité et de renouvellement urbains, datant de 2000. Hormis le cas de Lyon, il est probable aussi que la coordination entre collectivités n'a pas été ni assez rapide ni assez efficace, pour accompagner cette évolution. L'outil proposé par la loi de 2000, un syndicat mixte, malgré quelques belles réalisations, comme en Nouvelle Aquitaine, a connu un succès pour le moins limité.

A défaut de transports collectifs, du covoiturage? 

Pour abaisser de 80% à 65% la part kilométrique de la voiture comme le souhaite Elisabeth BORNE, il faut un faire évoluer le système de mobilité.

 

1️⃣ Le recul de la voiture individuelle répond à des conditions connues :

"Au cours des dernières décennies, un report modal massif de la voiture vers les transports publics a été observé dans les villes-centres, grâce à un mix d’offres alternatives efficaces mais aussi de contraintes sur la voiture".

 

2️⃣ Le vrai sujet est hors des centres-villes :

"Or, aujourd’hui, la moitié des émissions liées à la voiture dans les déplacements du quotidien proviennent des flux du périurbain vers les centres urbains."

 

3️⃣ Il faut un choc d'offre de transports collectifs + des contraintes sur la voiture solo

 

Comme le rappellent les auteurs, le ferroviaire n'est qu'un petit morceau de la solution, bien insuffisant à lui seul (coûteux donc efficace uniquement quand il y a beaucoup de monde à transporter, pas assez d'infra).

 

Une part importante de la solution passe par la réinvention de la route : lignes de car express, avec hubs et voies réservées (voir notre article à ce sujet).

 

Mais je complète l'analyse des auteurs : la voiture elle aussi peut jouer un rôle, pour peu que ce rôle s'inscrive dans une approche non pas de report modal, mais d'usage partagé ! Alors on pense naturellement au covoiturage que la loi d'orientatoin des mobilités (LOM), a voulu soutenir lorsqu'il s'agit de trajet inférieur à 80 km, un court covoiturage qui est sensiblement différent du covoiturage longue distance popularisé en France par Blablacar.

Est-ce pour autant une activité de service public? On sent bien que, s'agissant du court covoiturage, le modèle économique doit être différent de son grand frère, celui de la longue distance. Une étude récente apporte d'ailleurs des élèments qui, en les pointant, et au vu des résultats à date du nouveau dispositif législatif introduit par la LOM, ne lui sont pas favorables.

 

 

Y a-t-il un passager dans l’auto ?

 

La dernière étude du Forum Vies Mobiles est publiée ! Avec La Fabrique Ecologique, on a souhaité évaluer la zone de pertinence du covoiturage courte-distance pour la transition écologique.

 

La voiture représentant environ 16% des émissions françaises de CO2, vouloir en augmenter le taux d’occupation semble être un pari rationnel pour décarboner la mobilité. Pourtant, notre étude a montré qu’il ne fallait pas trop compter sur le covoiturage du quotidien et ce, malgré les nombreuses initiatives du Gouvernement et des collectivités, que ce soit via des incitations financières (primes) ou encore des aménagements dédiés (aires de covoiturage, voies de circulation dédiées, nouveau panneau de signalisation).

❓ Pourquoi ?

 

➡️ Un double problème d’évaluation :

• En amont : l’État et les territoires mènent des politiques pour faire progresser la pratique du covoiturage sans en avoir évalué le potentiel réel. Pourtant les freins sont nombreux (psychologiques, coût de coordination élevé, aménagement du territoire...).

• En aval : Une comptabilisation des trajets covoiturés qui se concentre sur les plateformes numériques, soit 3% de l’ensemble des trajets covoiturés au quotidien... Le covoiturage informel, bien plus important, reste en dehors des radars.

 

➡️ Malgré les aides, le covoiturage quotidien via les plateformes ne décolle pas

• Avec la mise en œuvre du Plan Covoiturage, les trajets covoiturés via une plateforme passent de 1 trajet en voiture sur 10 000… à un peu plus de 2 trajets sur 10 000 !

• Par conséquent, l’impact écologique de la politique nationale de covoiturage est très faible : au 1er semestre 2023, le covoiturage via les plateformes numériques correspondait à environ 0,04% des distances parcourues chaque jour.

 

➡️ Les trajets covoiturés ne font pas toujours sens sur le plan écologique

• Un covoiturage pertinent, c’est un trajet qui ne peut pas se faire en mode actif (+5km) et qui ne bénéficie pas d’une desserte en transports collectifs.

• Or, l’offre de covoiturage des plateformes qui a connu le plus grand succès s’est développée aux heures de pointe et dans les zones de concentration des flux.

 

Conclusion ? Le covoiturage n’est pas structurant pour décarboner le système de mobilité. Son développement ne peut être que complémentaire à d’autres leviers ou motivé par des raisons sociales ou organisationnelles qui conservent toute leur légitimité.

 

En 2030, les émissions de gaz à effet de serre (GES) devront être de 55 % inférieures à celles observées en 1990. Cet objectif est particulièrement ambitieux dans le champ des transports, le seul secteur dont les émissions n’ont pas baissé depuis trente ans. Pour renverser la tendance, la première ministre a indiqué, le 22 mai, que le report modal de la voiture vers les transports collectifs permettrait une baisse de 14 % des émissions d’ici à 2030.

 

Cela suppose un accroissement du trafic passager des transports en commun de 33 % et surtout une baisse équivalente du trafic passager de la voiture. Le problème est que cette hypothèse n’a pas été vérifiée dans le passé : de 1998 à 2018, après plus de 120 milliards d’investissements dans les transports ferroviaires et publics urbains, leur fréquentation a certes augmenté de 34 %, mais, dans le même temps, le trafic passagers en voiture a progressé de 11 % et le trafic aérien a doublé.

 

Malgré tout, nous avons formulé avec la Fabrique Écologique plusieurs recommandations pour améliorer la politique nationale de covoiturage. Découvrez-les ici : https://lnkd.in/etSkQHAX

 

Nolwenn Biard Jill MADELENAT Géraud GUIBERT Olivier Maffre Teddy Delaunay Alix Le Goff David Belliard Mobicoop

 

Ça peut vous intéresser : Jean Coldefy Marie Cheron Jean-Pierre Orfeuil Laura Foglia Stépha

Lire la tribune : https://lnkd.in/gnxHhtuh

Dans l a tribune que Yves Crozet et Jean Coldefy consacre ...On retiendra cette conclusion que l'on partage totalement : "La décarbonation des mobilités ne réussira que si on entre dans une logique de bien commun, c’est-à-dire en conjuguant équité avec efficacité de la dépense publique."

 

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