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Des intentions pour les transports - et même des lois - mais des moyens?

Lyon, Sytral

Crédit photo Lyon, Sytral

Pour les transports, les défis sont multiples: décarbonation, desserte des territoires "métropolisés", mobilité et ruralité, etc. Jusqu'aux services express régionaux métropolitains, pour lesquels, le gouvernement promet un financement dans un délai de six mois. 

Les métropoles se sont peu à peu imposées dans le débat public, et pour cause. Mais c’est depuis le début des années 2000 que la politique nationale a commencé à agir en faveur des cœurs d’agglomération, sous l'impulsion des préoccupations environnementales et sociales en lien avec un engagement national à encourager le développement des « moteurs économiques » du pays. C'est-à-dire la promotion des grandes villes, par des mesures visant à soutenir le processus de concentration des emplois dans les grandes villes (notamment après la crise économique de 2008). Jusqu’alors les politiques nationales, malgré les discours sur la lutte contre l'étalement urbain, s’étaient largement prononcées en faveur de la déconcentration urbaine. Cette évolution a notamment eu des conséquences sur la mobilité de nos concitoyens auxquelles il est maintenant très difficile de remédier.

L'irrémédiable? 

Depuis les années 1980, les processus de décentralisation institutionnelle ont favorisé la déconcentration de la population autour des grandes villes. En 1982, l'État a transféré aux municipalités la compétence de l’élaboration des plans locaux d’urbanisme. Ce processus s'est déroulé dans un pays comptant plus de 36 000 communes. Il a donc encouragé la déconcentration démographique, car la plupart des municipalités ont accueilli favorablement les augmentations de population. Ces processus ont souvent été cités comme un facteur clé pour expliquer la « périurbanisation ». D’autres observateurs ont fait valoir que l'étalement urbain n'existe pas en France, mais qu’il s’agit plutôt d’une « dispersion » de l'urbanisation dans de nombreuses communes rurales entourant les grandes villes. Peu importe, ces tendances ont été soutenues par les politiques sectorielles, notamment la promotion de l'accession à la propriété par la réforme du logement de 1977 et les investissements dans des infrastructures de transport permettant l’accès à une offre foncière conséquente et peu coûteuse, créant possiblement une situation irrémédiable. 

L’endiguement de l'étalement urbain a également été inscrit dans la législation urbaine, notamment avec la loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU), celle-là même dont le principal héritage se situe dans le domaine ferroviaire, avec la décentralisation des services régionaux de la SNCF. Mais la loi a eu un succès limité concernant la coordination des politiques publiques d’urbanisme et de déplacement, la planificateur s'est avéré bien impuissant face au lotisseur. On compte tout de même une vingtaine de syndicats mixtes dans les transports, tandis que les métropoles demeurent incompétentes sur les territoires de sa périphérie, là où les efforts doivent porter pour réduire la place de la voiture particulière.

Le renforcement de la coopération intercommunale n'a pas totalement effacé mais a clairement réduit la concurrence visant à attirer les habitants des centres urbains et des périphéries, au profit des municipalités situées au centre des aires urbaines (*). En dehors de celles-ci, la loi qui, moins de vingt ans après, a voulu doter tout territoire d’une autorité organisatrice de la mobilité, semble présenter un bilan encore plutôt mitigé, très contrasté d'une région à une autre. Les Intercommunalités de France ont réclamé une nouvelle possibilité d’acquérir une compétence que la LOM, en 2019, pour laquelle elles n'auraient pas vraiment pu se positionner.

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Une forte concentration de l’activité économique et des populations dans les métropoles caractérise à présent la France. Des magazines sont consacrés à ce phénomène. Des organisations à sa promotion. C’est clairement là que ça se passe, et qu’il faut être. Dans son analyse de la version 2020 des zones d’emploi, l’INSEE fait ainsi ressortir une catégorie de 17 zones d’emplois correspondant à de grandes agglomérations à forte concentration de fonctions dites « métropolitaines » (fonctions de conception et de recherche, de commerce inter-entreprises, de gestion, de culture-loisirs et de prestations intellectuelles). Or, ces 17 zones d’emplois métropolitaines concentrent à elles seules 36 % des emplois du pays et 30 % de la population française.

Cette concentration dans les grandes aires urbaines résulte d’un processus de long cours qui s’est accéléré à la suite de la crise de 2008-2009. Une note de France Stratégie montre en effet que sur la période 2006-2013, seule la strate des aires urbaines de plus de 500 000 habitants affichait une croissance annuelle moyenne de l’emploi, alors que la croissance de l’emploi était bien mieux répartie entre les strates auparavant. Ces chiffres illustrent l’accélération de la métropolisation de l’activité économique à partir du milieu des années 2000.

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L’impact sur la mobilité.

Sans remettre en cause le bénéfice de la concentration des activités économiques, celle-ci présente des « contrecoups » qui passent souvent au second plan. Ces « coûts de congestion » se traduisent par une baisse de la qualité de vie en raison de la hausse du marché immobilier, de la saturation des réseaux de transports ou des services publics de façon générale. Faut-il aussi parler d'une insécurité grandissante? 

Car du fait d’agglomérations étendues autour d’un centre restreint, d’un maillage de transports collectifs insuffisant, d’une grande dispersion des lieux d’emplois, les métropoles de province restent plus ouvertes à la voiture individuelle. Parmi les onze villes qui ont gagné plus de 5000 ménages supplémentaires entre 2014 et 2020, Montpellier, Strasbourg, Nantes, Rennes, Toulon et Angers ont enregistré une croissance comparable du parc automobile, alors qu’elle est en fort retrait à Lyon, et en moindre croissance à Marseille, Toulouse, Bordeaux et Dijon. La part des ménages sans voiture est plus importante à Lille, Lyon, Nice, Bordeaux et Strasbourg, mais reste inférieure à 40% sauf à Lille (43%).

Un ménage sur six dispose de 2 voitures ou plus, avec des taux renforcés à Brest, Orléans, Toulon, Reims, Saint-Étienne, Angers ou au Havre. Le très fort accroissement du parc à Toulon, Montpellier ou Angers souligne la faiblesse des offres alternatives de mobilité, en rapport avec de faibles densités et une forte dispersion des pôles générateurs de trafic, que l’on retrouve aussi à Rennes, Nantes ou Strasbourg. Il paraît assez difficile de restreindre l’usage de la voiture dans la plupart de ces métropoles, sans menacer leur dynamisme et leur attractivité. Irrémédiable, peut-être, le phénomène a bien été appréhendé mais sous l’angle de la régulation des émissions de CO2 : elles représentent 60,6 % des émissions totales de CO2 dues au transport routier en Europe, les efforts ne devant en aucune manière ne porter que sur les seuls poids lourds.

Tandis qu’un autre danger menace, au-delà de la mobilité.

Le danger le plus direct de la dynamique de métropolisation provient du mécontentement croissant qui se fait jour dans les territoires qui s'estiment « relégués » - et qui de fait le sont souvent. La mesure du mécontentement ou du mal-être a fait des progrès, si on veut, ces dernières années. Ces derniers prennent notamment comme mesure du mal-être le taux d’abstention et la mobilisation locale pendant l’épisode des « Gilets jaunes ». Ils observent pour ces deux variables un lien robuste avec l’évolution du taux d’emploi mais aussi avec des indicateurs relatifs aux équipements comme la fermeture d’un commerce alimentaire dans une commune. Ce lien établi entre déclin économique d’un territoire et mal-être de ses habitants justifie une meilleure prise en compte de l’objectif d’équité territoriale dans les politiques publiques, au point que le moral des Français n’est pas très enviable (lire le dernier rapport du Conseil Economique Social et Environnemental ).

Est-ce à ce mal-être auquel il faut à présent répondre, notamment avec une offre renouvelée de mobilité, un « choc d’offre »? Qu’ils s’agissent des services express régionaux métropolitains, des cars express, des services de transport à la demande, ou du développement, dans une logique intermodale et interconnectée, du covoiturage, les intentions sont bien présentes. Mais les moyens?

 

(*) Une aire urbaine est définie par l’INSEE comme un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

 

 

 

 

Auteur

  • Eric Ritter
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