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Les ZTL, jusqu'où?

En 1958, La Place Stanislas, une merveille je le rappelle, est transformée en parking de 600 places ! Le sol de la place est nivelé pour le rendre horizontal. Pour faciliter le stationnement des véhicules, le damier du sol est alors transformé en trames carrées grises, la périphérie et les trottoirs sont bitumés. La transformation est à l'époque considérée comme un échec esthétique par les nancéiens.En 1983, lorsque le site fait son entrée au Patrimoine Mondial de l’Humanité, la municipalité interdit de s'y garer. En 2005, pour le 250e anniversaire de sa création, un vaste projet de rénovation de 8 millions d’euros est engagé et permet à la célèbre place de devenir entièrement piétonne. Je l’ai par conséquent connue avec une circulation certes limitée, mais tout de même. Deux ans de travaux ont été nécessaires pour paver la place, rénover les façades, revoir l’éclairage, élargir les trottoirs et redorer les grilles. Elle retrouve un sol proche de sa disposition d'origine.

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Une loi pour réguler les zones à trafic limité ?

 

Nantes, Rennes, Grenoble, Lyon et bien sûr Paris, l’instauration d’une zone à trafic limité est un sujet polémique. Il n’est pas jusqu’à un projet de piétonnisation d’un centre-ville, celui de Nancy, qui ne suscite ces derniers jours l’inquiétude, voire une franche hostilité. Expérimentée lors des Estivales 2021, l’expérience va être reproduite dans la patrie de Stanislas Leszczynski, né le 20 octobre 1677 à Léopol*. Les critiques viennent, bien sûr, des commerçants de la Vieille Ville qui craignent une baisse d’activité. Pourtant, le projet de piétonnisation du centre-ville fait partie des engagements de campagne de la municipalité. Le but est évidemment de rendre la ville plus agréable, « apaisée ». Si j’évoque cette ville, ce quartier, pour commencer, c’est parce que je le connais bien. J’ai en effet effectué mes études supérieures dans cette ville, et largement fréquenté la place Stanislas, une merveille, et ses alentours.

C’est aussi assez logiquement que je me suis intéressé au statut juridique des dites zones d’apaisement ou à trafic limité (c’est en effet à Nancy que « j’ai fait mon droit » et ainsi fréquenté le tribunal administratif voisin). J’ai découvert que leur création doit composer avec l’absence de régime dédié au sein du code général des collectivités territoriales, ou du code de la route. Et pour tout dire, ce serait plutôt d’une circulation limitée dont il devrait s’agir, à proprement parler, et pas d’une « zone ».

 

Lutter contre la pollution et le bruit (cette « autre » pollution)

Les zones à trafic limité (ZTL) ont vocation à limiter le trafic, souvent au sein des centres-villes, en fonction de l’usage du véhicule. En plus des piétons et des cyclistes, seuls les résidents, les professionnels ainsi que les transports en commun ont ainsi vocation à y circuler avec un véhicule motorisé, suivant les dispositions adoptées par le pouvoir de police. C’est ainsi que des collectivités s’y sont engagées, comme à Lyon récemment.

En dépit de l’importance que revêt un tel projet, ce qui est troublant, c’est le caractère pour le moins lacunaire de ses fondements juridiques. La loi n’est pas claire, sur ce point. Ou, plutôt, le législateur a, jusqu’à présent, refusé d’assurer des bases solides à la création des ZTL, rejetant notamment un amendement en ce sens au Sénat, lors des débats précédant l’adoption de la loi « climat et résilience » le 22 août 2021. Bien sûr, les villes qui se sont engagées dans cette voie, ne l’ont pas fait à la légère. De même, elles concertent pour l’adoption des ZTL. L’article L.2213-2 1° du code général des collectivités territoriales (CGCT), prévoit en effet que « le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circula­tion et de la protection de l’environnement : 1° interdire à certaines heures l’accès de certaines voies de l’agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures ou de manière permanente, à diverses catégories d’usagers ou de véhicules ». On le voit, il ne s’agit pas d’adopter une mesure de type zonal. Ce serait plutôt une loi mobilité - celle du 29 décembre 2019 - qui incite à une lecture plus large, permettant de restreindre de manière permanente l’accès à certaines voies afin de lutter contre la pollution de proximité et contre le bruit en ville. Nous y voilà.

Mais ce n’est pas tout. A la différence des aires piétonnes par exemple, aucune disposition du code de la route ne prévoit la procédure d’institution d’une ZTL. La compétence incombe à l’autorité de police de la circulation, s’agissant du maire (ou, en cas de transfert de la compétence et du pouvoir de police spéciale de la circulation, au président de l’établissement public de coopération intercommunale à ­fiscalité propre). Ce transfert n’a rien d’anodin, dans un pays qui s’est longtemps refusé à déposséder le maire d’un pouvoir, et d’une responsabilité, en ligne avec l’ancienneté de l’institution, parmi les plus respectées, et la légitimité démocratique de son titulaire. Toutefois, une telle mesure ne saurait être adoptée sans consultation pour avis des autorités gestionnaires de la voirie concernée par la ZTL, comme en matière de zones 30. Suivant l’étendue de la zone concernée, son importance en termes d’aménagements, la ZTL pourrait aussi relever de procédures prévues par le code de l’environnement : évaluation environnementale, concertation préalable, voire d’enquête publique. Un temps d’information des populations concernées préalablement à la mise en application de l’arrêté s’impose évidemment, même si je n’ai pas trouvé de texte qui l’impose formellement.

On le voit, ­l’absence d’un cadre spécifique pour les ZTL crée une incertitude qui ne peut que nourrir les contentieux. Ce d’autant que la mesure passe mal, parfois très mal, comme à Paris dont les autocars de tourisme pourraient se voir interdire des quartiers hautement touristiques, mais principalement visés par la ZTL, précisément pour cette raison. Un casse-tête, un arbitrage des plus difficiles à réaliser. Une mesure restreignant une liberté étant par ailleurs toujours jugée, le cas échéant, au regard de sa proportionnalité.

 

Paris, les JO 2024

La zone à trafic limité (ZTL) verra le jour début 2024 dans le centre de Paris. La maire de Paris l’a rappelée, et les concertations se poursuivent en particulier avec les autocaristes. L’insuffisance notoire de parkings relais pour notre belle capitale ou de lieux sécurisés et acceptables, demeure le point noir de la desserte avec un mode de transport pourtant vertu. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a confirmé récemment à l'AFP, cette perspective, détaillant la mesure qui vise à interdire la circulation dans l'hypercentre aux véhicules sans motif d'arrêt. Cette ZTL doit réduire drastiquement la place de la voiture dans l'hypercentre de la capitale avec l'interdiction du trafic dit de transit, qui représente 50% du trafic actuel, selon la mairie. Seront concernés les quatre premiers arrondissements, plus les parties des Ve, VIe et VIIe situées entre le boulevard Saint-Germain et la Seine.

En tout état de cause, la multiplication de mesures de ce type rend difficilement compréhensible le silence du législateur. De belles bagarres en perspective, comme nous en avons le secret, si un tel sujet s’invitait au Parlement.

 

*A son arrivée dans la cité ducale en 1737, Stanislas Leszczynksi (1677-1766) découvre une ville divisée en deux ensembles urbains distincts séparés par un front bastionné, des fossés et une esplanade. Au nord, la Ville Vieille, médiévale, à la forme concentrique, où siège le palais ducal ; au sud, la Ville Neuve, renaissance, aux rues droites et parallèles, voulue par Charles III (1543-1608) au XVIIème siècle. Déchargé de toute obligation gouvernementale, Stanislas jouit d'une rente conséquente que lui verse le roi de France, son gendre. Il l'emploie pour développer de nombreuses oeuvres caritatives et défendre l'art et la culture, où l'arhitecture et l'urbanisme prennent une part considérable. 

 

Auteur

  • Eric Ritter
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