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Rôle du ferroviaire et de la route, Jean Coldefy répond à Eric Ritter

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Pour réussir le report modal, ne pas miser tout sur le ferroviaire. Une approche géopgraphique et économique au coeur des choix à effectuer pour notre mobilité

 

Eric Ritter. Vous dites qu’aujourd’hui, dans les pays développés, la voiture pèse 80 des parts du marché de la mobilité. Son usage courant, pour des trajets domicile-travail, qui était accepté, ne le semble plus. Aux mesures destinées à lutter contre le réchauffement climatique qui se sont traduites par un passage à l’électrique, s’ajoutent des phénomènes de congestion très difficiles à supporter. Symbole de liberté, la voiture est en passe de devenir une contrainte pour nombre de nos concitoyens; son coût pèse dans les budgets des ménagés; de plus en plus de jeunes retardent le moment de l’examen du permis de conduire; les Français accèdent très tardivement à un véhicule neuf. Au moment où on recherche des alternatives à la fois efficaces et justes - de ce point de vue, le train s’impose dans le débat - vous écrivez, dans le Monde, que « l’évidence écologique du train mérite en France d’être questionnée ». Vous dites même que notre pays cultive une sorte de « fétichisme ferroviaire ». Le mot n’est-il pas un peu trop fort?

Jean Coldefy. Je ne le crois pas. Mais avant de détailler ce point, je voudrais revenir sur certaines perceptions et expliquer pourquoi effectivement la voiture pèse 80% des km parcourus dans tous les pays.

Rappelons tout d’abord que se déplacer, c’est aller au travail, se nourrir, se soigner, se divertir, se rencontrer. C’est tout simplement vital. Mais pourquoi la mobilité est le seul secteur dont les émissions ne baissent pas depuis 1990 ?

La 1ère raison c’est que la voiture est un outil qui permet une mobilité 24/24 et 360° et qu’elle est peu chère –et donc démocratique, contrairement à ce qui est écrit sur le sujet. En 1950, posséder une voiture était un luxe. Le fordisme, qui standardise la production et fait baisser les coûts, la croissance de la productivité qui fait croître fortement le pouvoir d’achat (x5 depuis 1950), permettent une diffusion large d’un outil individuel, rapide, et flexible pour aller d’un point A à un point B. Le parc automobile français passe de 2 millions de voitures en 1950 à 38 millions fin 2019. En 1960, 25% des ménages possèdent une voiture, 85% en 2019. L’essentiel des gens achètent des voitures d’occasion, qui sont peu chères, elle ne coûte que 200 € par mois pour les 3 premiers déciles de revenus et moins de 300 € en moyenne. Cela explique aussi pourquoi 84% des jeunes déclarent vouloir acheter une voiture : ils ne différent pas de leurs ainés et ont bien compris l’avantage énorme de la voiture en termes de mobilité, et surtout d’autonomie, valeur clef pour eux.

On pourrait objecter qu’il faut se déplacer autrement qu’en voiture. Et cela nous conduit à la seconde raison, qui explique que la part de la voiture ne baisse quasiment pas depuis 30 ans. Cela tient à la géographie des emplois et de l’habitat et des transports en commun : du fait des coûts du logement dans les centres des grandes agglomérations, de la désindustrialisation qui a laminé l’emploi dans les villes moyennes, de l’attractivité des grandes agglomérations qui concentrent les fonctions d’innovation et l’emploi, 40% de la population française habite dans le périurbain et un quart à un tiers des actifs travaillent en ville sans y habiter. Côté demande, nous avons donc des flux vers les grandes villes de plus en plus importants et de plus en plus longs. Côté offre de transport (TC), certes les villes centres disposent de transports en commun efficaces mais notre système de TER n’a pas accompagné la transition de la géographie des emplois et de l’habitat. Ainsi les navettes depuis le périurbain vers les villes se font à 75% en voiture parce que notre système de TC, sauf à Paris, n’est pas à la hauteur. Pour illustrer sur Lyon, 220 000 personnes travaillent sur la métropole sans y habiter, le système TER offre 37 000 places : cela vous donne une idée du gap entre l’offre et la demande. En conséquence, la voiture est massivement utilisée pour se rendre en ville. Nous avons un problème considérable d’offre de TC. Ces flux entre la base arrière des agglomérations et ces dernières représentent la moitié des émissions des mobilités du quotidien, 25 fois plus que les déplacements intra-urbains. Voilà aussi pourquoi plus des 3/4 des km parcourus au quotidien dans ce pays sont le fait de déplacements de plus de 10 km : le vélo seul aura peu d’impact sur l’usage de la voiture, c’est en intermodalité avec les TC qu’il faut le penser.

"Réussir le report modal suppose ainsi un choc d’offres de transport public entre le périurbain et les agglomérations, et ensuite de la contrainte sur l’usage de la voiture pour accéder à la ville. On devrait pouvoir alors abaisser la part kilométrique de la voiture de 80 à 65%, objectif fixé par la Première Ministre le 22 mai et qui serait le record des pays développés".

La question est donc comment faire ce report modal, puisque l’on sait par ailleurs que la voiture électrique est peu démocratique parce que chère, et que son déploiement prendra du temps. Pour répondre à cette question, il faut revenir aux objectifs d’une politique de mobilité : permettre à tous de se déplacer à des coûts et dans des délais raisonnables, ce que l’on appelle l’accessibilité, tout en diminuant fortement les émissions de CO2. Pour y parvenir la société doit gérer des biens communs, c’est à dire des biens publics rares. Dans la mobilité, ils sont au nombre de deux : l’espace public en ville, puisqu’il n’est pas possible que tous les modes aient leurs voies réservées, les fonds publics puisque ce qui sera mis sur un projet ne sera pas disponible pour un autre. Raisonner en termes de biens communs permet de revenir à ce qui rassemble : un objectif de mobilité bas carbone pour tous, et la préservation des biens communs qui sont nos ressources rares.

Les villes pour ne pas être "thrombosées" par la mobilité favorisent les modes de transports les moins consommateurs d’espace public. Si le vélo et la voiture permettent de faire passer 1300 personnes par heure sur une voie en ville, le métro est à 10 000, le RER à 34 000 : les villes ne peuvent faire l’économie de transports publics efficaces. Côté argent public, comme la priorité est le report modal de la voiture vers les TC dans les liens entre le périurbain et les agglomérations, comment choisir entre le train, le covoiturage et les cars ? Il faut choisir le mode qui aura le plus d’impact sur les émissions de CO2, en mobilisant a minima les budgets publics. Ce que l’on appelle le coût d’évitement que l’on calcule en comptant les émissions évitées par exemple par l’usage des TC face à la voiture, et la différence de coût entre les TC et la voiture. Il faut que l’argent public soit mobilisé sur les moyens permettant de massivement faire baisser les émissions à des coûts publics les plus faibles possibles. Il faut a contrario éviter de subventionner des moyens évitant peu d’émissions à des coûts publics élevés.

Compte tenu des problèmes d’infrastructures, les coûts de la tonne de CO2 évitée du train sont de 1000 € la tonne, si l’on en croit les chiffres communiqués par la SNCF (100 milliards € pour 100 millions de tonnes évitées), -100 € pour les cars express. Ce coût est négatif parce que les gains réalisés par les ménages sont supérieurs aux coûts publics. Cela donne déjà une bonne indication de l’efficience et de l’impact des différentes solutions. Par ailleurs, la question est aussi celle du délai de mise en œuvre compte tenu de l’accélération du réchauffement climatique. Or, si le train peut-être une excellente solution pour pallier la faiblesse actuelle de liens périurbain – agglomérations des grandes aires urbaines, ou dans le lien entre villes de centre à centre, les infrastructures ferroviaires dans la plupart des agglomérations ne permettent pas l’ajout d’un train en heure de pointe et nécessitent des investissements majeurs,

Cela ne sera donc pas résolus avant 10 à 15 ans. Le transport public par la route devrait en conséquence être déployé. Pourquoi ces coûts élevés du train : cela vient d’une part, du monopole ferroviaire qui impose ses conditions à la collectivité (en termes de coûts et de qualité de service) et d’autre part, parce que nous préférons faire rouler des trains même peu remplis.

Eric Ritter. Je commence à comprendre...

Jean Coldefy. C’est cela le « fétichisme ferroviaire ». Or l’idée de desservir tous les territoires par des trains est dans bien des cas moins écologique que la voiture (plus de 40% des TER roulent au diésel) et conduit à dépenser des sommes extravagantes pour trop peu d’utilisateurs. Il vaut parfois mieux mettre en service des autocars qui coûtent 10 fois moins cher à la collectivité au km que des trains, et sont plus faciles à remplir et bien moins émetteurs : le bon mode au bon endroit en somme. Le transport ferroviaire est parfaitement adapté à des déplacements massifiés, pour accéder aux grandes agglomérations, ailleurs il faut sérieusement se poser la question. De trop nombreux trains ne transportent pas assez de passagers, parce qu’ils sont mal positionnés, ce qui explique que le taux d’occupation des TER n’est que de 27%.

Côté des coûts unitaires, rappelons que l’Allemagne fait circuler deux fois plus de trains avec le même budget qu’en France parce que l’opérateur historique y est challengé ; la concurrence y est pratiquée depuis 1994. Chez nous, le mouvement est juste enclenché. Les premiers résultats de la mise en concurrence en France montrent que les prix obtenus par les régions sont nettement plus bas (jusqu’à deux fois plus bas pour les seuls coûts d’exploitations) ce qui permet de réinvestir dans l’offre, et avec une amélioration de la qualité de service (matériels, etc.). La concurrence redonne du pouvoir aux régions qui peuvent enfin imposer leur cahier des charges et obtenir le service au meilleur prix. La concurrence a des vertus évidentes qui va nous permettre de dégager des marges de manœuvre pour les projets dont nous avons grand besoin. Il est paradoxal d’appeler l’Etat à la rescousse quand on refuse de faire des économies par la mise en concurrence. Celle-ci sur les TER et les réseaux ferrés d’Ile de France permettrait d’économiser de 4 à 7 milliards par an !

Quant au TGV, il a certes permis de relier les métropoles à l’Ile de France mais la priorité aujourd’hui c’est de relier les grandes agglomérations avec les territoires jusqu’à une heure de temps de parcours, et les villes entre elles. C’est l’objet des RER métropolitains. Le TGV n’a par ailleurs pas permis de faire baisser l’usage de la voiture. Malgré les milliards investis la part modale de la voiture n’a quasiment pas changée. C’est aujourd’hui une solution très onéreuse pour les budgets publics et ceux qui voyagent en heures de pointe. Les fonds publics sont sollicités pour l’investissement et, à l’exception de la ligne Paris-Lyon, les lignes TGV bénéficient toutes d’importantes subventions. Une LGV (ligne à grande vitesse) coûte de plus en plus cher. Par exemple, L’économiste, Yves Crozet, souligne que le projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse coûtera deux fois plus au kilomètre que le TGV Paris-Rennes et mobilisera, avec les prédictions de trafic souvent optimistes, 35 euros d’argent public par an, et par passager durant cinquante ans.

Ainsi le terme « fétichisme ferroviaire » n’est pas trop fort : on oublie l’objectif - permettre aux gens de se déplacer - ce qui est différent de faire rouler des trains. j’alerte sur une vérité basique : l’argent public est un bien commun, ce qui est mis un projet ne sera pas disponible pour un autre. Ainsi développer des lignes d’autocars express, comme le démontre l’excellent rapport de François Durovray, permet d’offrir une solution rapidement, à bas coûts, avec une forte efficience des fonds publics. Le savoir-faire est là, du côté des gestionnaires d’infrastructures comme des opérateurs de mobilité. De plus, nous bénéficions du recul nécessaire avec l’expérience de plusieurs réalisations, bien connues : les lignes Briis/Forges-Massy, Express 1 Isère entre Grenoble-Voiron, Ligne 50 Aix-Marseille et Ligne 407 entre Créon-Bordeaux. Elles sont prises d’assaut, et outre des gains de temps significatifs (40 minutes par jour) les utilisateurs font des gains monétaires de l’ordre de 200 € par mois, les coûts publics sont inférieurs aux gains privés : aucun service de transport du quotidien n’est aussi efficace. Leur succès et les enquêtes montrent aussi que le fétichisme ferroviaire est cantonné au monde ferroviaire qui influence les politiques en mobilisant des moyens démesurés. Jean-Pierre Orfeuil à raison de dénoncer la rapidité avec laquelle on débloque 100 milliards d’euros parce que le PDG de la SNCF le demande alors que des politiques publiques essentielles nécessitent un concours renforcé de l’Etat. Pensons aux secteurs en déshérence du fait du manque de soutien public : l’aide sociale à l’enfance, la psychiatrie, la santé. Pour tous les travailleurs de ces secteurs sociaux, une telle débauche d’argent pour le ferroviaire a quelque chose d’écœurant. Il y a par ailleurs les secteurs régaliens hautement prioritaires : la défense nationale, la sécurité, la justice. Une plus juste allocation des fonds publics devrait s’imposer, ce n’est pas le cas. C’est celui qui a le plus fort lobbying qui s’impose, une pratique qui relève plus de l’Ancien Régime que d’un fonctionnement démocratique normal.

 

Eric Ritter. Pour autant, compte tenu de l’étalement urbain dont la France semble s’être fait une spécialité - de ce point de vue-là, la loi SRU (solidarité et renouvellement urbains) n’a pas été un franc succès -comment le déploiement de services routiers va-t-il pouvoir atteindre sa cible, un report modal qui poursuit comme objectif de réduire la dépendance à la voiture individuelle, et de décarbonater notre mobilité ?

Jean Coldefy. Les aires urbaines de plus de 200000 habitants représentent 40 millions d’habitants, soit les 2/3 de la population française, et c’est là que se situent l’essentiel des problèmes de congestion. Le phénomène de l’étalement urbain est le fait de toutes les villes qui se développent. Si l’étalement urbain est inévitable ce qui importe, c’est la manière dont il se fait. Le bon étalement c’est celui des villes scandinaves, des Pays-Bas, de l’Allemagne, ou de l’Ile de France : celui qui se fait autour des axes de transports en commun. En France, l’éclatement communal a conduit à une gestion trop locale de l’aménagement. Nous avons autant de communes que le reste de l’Europe. La conséquence en a été un éparpillement considérable de l’habitat, chaque maire gérant l’aménagement à son échelle. Cela rend très difficile la massification des déplacements. Si la commune doit rester l’échelon de concertation, elle n’est plus adaptée à la définition de la stratégie et de la gestion dans les domaines de l’aménagement, de la mobilité, de l’eau, des déchets, de l’énergie.

L’éparpillement ou l’émiettement urbain est là. Dans un tel cas de figure, le transport public routier est très souvent plus pertinent que le ferroviaire puisque nous avons 1 million de km de route, contre 25 000 de lignes de train hors LGV; il coûte bien moins cher, et est aussi plus souple; il offre la possibilité d’une desserte bien meilleure. Il faut s’appuyer sur l’infrastructure routière et décarboner son usage, et donc favoriser l’usage de transports publics par la route. Mais pour que l’on bascule de l’usage de la voiture vers les transports en commun, si l’offre de transports doit d’abord être là, il faudra aussi qu’elle ait de bons temps de parcours et soit économes en coûts pour l’usager.

Il faut en conséquence massifier les flux là où ils sont massifiables. C’est l’analyse géographique à laquelle je me suis attaché dans mon ouvrage ("Mobilités: changer de modèle"). Relier les grandes agglomérations avec leurs périphéries autrement qu’en voiture est une priorité sociale et économique, les métropoles fonctionnant d’autant mieux si elles sont connectées avec les villes voisines et le réseau de villes moyennes à une heure de transport. Mais pour que ce report modal advienne, il faudra, après la mise en place d’alternatives, déployer des contraintes sur la voiture, c’est dans cet ordre qu’il faut penser des mesures comme les ZFE-m, ou la tarification de l’usage de la voiture : il faut d’abord ouvrir de nouvelles possibilités de desserte à ceux qui n’ont pas d’offre de transport collectif à leur disposition.

Le terme "dépendance" à la voiture suppose que les gens soient des toxicomanes ce qui ne correspond pas à la réalité. On n’utilise pas ce terme pour les transports publics en Ile de France, alors que par exemple sur les liens entre Paris et les couronnes, 75% des déplacements se font en TC. Si les gens utilisent un mode, c’est que celui-ci est plus performant qu’un autre. Aujourd’hui, la voiture l’est dans biens des cas. Par ailleurs 80% des Français achètent des voitures d’occasion, et l’essentiel de la flotte est composée de petits modèles. La voiture est devenue une commodité au même titre qu’un frigidaire. Je suis frappé par le discours normatif anti-voiture actuel, ; je le trouve très urbain, pour ne pas dire parisien. Si les Parisiens prennent plus les transports en commun et sont 60% à ne pas posséder de voiture, c’est tout simplement parce qu’ils disposent du meilleur réseau de transport public au monde avec une station de métro tous les 300m : ne pas prendre la voiture est un comportement tout à fait rationnel. L’île de France, 20% de la population, dispose de la moitié de l’offre de transport public du pays. Ce discours anti voiture, qui caricature les Français et méconnaît les réalités des territoires, n’apporte que de la division et fait une erreur de diagnostic. Ce qui explique la prédominance de la voiture, c’est sa performance intrinsèque et l’absence d’offres alternatives, ce n’est pas pour l’essentiel un problème de comportement. Certains pointent par exemple, le fait que 42% des déplacements de moins d’1 km se font en voiture : cela ne concerne qu’une infime minorité (1% de la population active), qui est constituée d’agriculteurs, d’infirmiers libéraux qui enchaînent des déplacements courts et longs, et cela oublie que 20% de la population a plus de 65 ans, que certains ont des choses lourdes à transporter (les artisans, …etc). Croire que les autres fassent des choses stupides est étrange et conduit à des propositions autoritaires et technocratiques, c’est-à-dire déconnectée du réel.

 

Eric Ritter. Quelles sont les clés pour pouvoir développer une offre routière - des cars express ?

Jean Coldefy. C’est une bonne question : comment se fait-il que les cars express ne soient pas plus déployés ? A mon sens c’est un problème de gouvernance. Là où ces lignes ont été déployées, on a soit une unique autorité sur les transports en commun (par exemple IDFM sur Dourdan Massy, le SMAG sur Voiron Grenoble, la métropole d’Aix Marseille sur la ligne Aix Marseille), soit une coopération, hélas beaucoup trop rare, entre une région et une métropole (Bordeaux Créon, avec la Région Aquitaine et la métropole de Bordeaux). Le périmètre des bassins de vie, là où on habite et là où on travaille, c’est-à-dire les aires urbaines, ne correspond pas aux périmètres électoraux. C’est un problème parce que cela incite à ne s’occuper que des électeurs en négligeant les flux qui viennent de l’extérieur, et qui sont considérables. Or l’enjeu est de recréer du lien entre les territoires et permettre aux aires urbaines de mieux fonctionner. Comme nos communes sont trop nombreuses et de tailles trop petites, on crée des intercommunalités. Mais celles-ci pour la mobilité sont également trop petites, et en conséquence on crée des syndicats d’intercommunalités ! Cela explique pourquoi des métropoles sont passées à l’échelle de l’aire urbaine : Reims a fusionné avec les intercommunalités environnantes. C’est un progrès, mais cette nouvelle intercommunalité est composée de 143 communes toutes représentées au sein du conseil : il est évidemment plus facile de gérer une équipe de 10 membres qu’une équipe de plus de 100 membres. Il faut résolument engager une réforme du bloc communal, nous sommes le seul pays en Europe à ne pas l’avoir fait. Une fois de plus la commune doit être le lieu de la proximité, pas celui de la stratégie ni de la gestion.

L’autre problème est la gestion de la voirie, éclatée entre l’Etat, les départements, et les agglomérations. Comment alors déployer des voies réservées pour des transports en commun ? Il y a eu quelques progrès avec le transfert de routes aux régions mais comme cela s’est fait sur le volontariat, c’est encore très limité et parfois peut mener à des incohérences ou difficultés de gestion. Transférer la gestion des routes aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), donc aux régions et agglomérations, est nécessaire, quitte à ce que ce soit les départements qui les gèrent par convention. Les autorités en charge de la mobilité doivent piloter l’espace public de voirie et son affectation aux modes jugés les plus efficaces selon les contextes territoriaux. Ainsi à Paris, il faudrait transférer le périphérique à Ile-de-France Mobilités : la gestion à l’échelon parisien de cette infrastructure utilisée à 80% par des non Parisiens n’a aucun sens.

La question du financement relève d’une affectation des ressources disponibles. Augmenter les impôts est compliqué dans le pays qui détient le record du monde des prélèvements obligatoires, et qui a également les impôts de production sur les entreprises les plus élevés. Alors que l’on veut réindustrialiser, la cohérence voudrait que l’on n’étende pas le versement mobilité pour financer le ferroviaire dont on sait qu’il n’est pas optimal dans bien des cas, et avec un monopole coûteux parce que peu productif. C’est sur le redéploiement des moyens qu’il faut agir, dans la logique de biens communs qu’est l’argent public. François Durovray l’a très brillamment illustré récemment : « on peut transporter autant de personnes qu’un RER pour seulement 1% des couts d’exploitation des transports en l’Ile de France et 1 milliards d’euros d’investissement ». Il nous faut engager le chantier de l’efficience de la dépense publique.

Jean Coldefy est directeur du programme Mobilités et Transitions 3.0, ATEC ITS France.

 

Auteur

  • Eric Ritter
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